30 décembre 2006

Ti-bonhomme pendu





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23 décembre 2006

J-L

En sixième, un élève a été arrogant avec moi hier. Appelons-le J-L. Contrairement aux autres élèves à qui j'enseigne depuis qu'ils sont petits, je ne connais pas J-L. C'est un nouveau et c'est normal pour un nouveau de tester les adultes... Mais il faut choisir ses batailles. Je venais d'avertir la classe. Ils avaient dépassé les limites et devaient respecter les consignes à la lettre. C'était facile : rien dans les mains. Après deux avertissements du regard, J-L reprend encore son crayon pour dessiner sur son cahier. La conséquence préalablement annoncée? Dehors! Pas en dehors de la classe. En dehors du projet. Oui, LE projet. Le show devant 5000 spectateurs. J-L ne connaissait pas et n'avait rien a foutre du projet. Ce sont ses mots : " j'en ai rien à foutre!". OK. T'es out mon homme et j'appelle chez toi de ce pas.

Ma séance se termine. Les élèves ont un cours de gym et je descends avec eux pour téléphoner aux parents de J-L.

Collègue : "Je peux te parler avant que tu téléphones?"

Moi : "Oui?"

Collègue: "Pas devant les élèves."

Moi (borné) : "J'appelle maintenant."

Collègue s'approche de moi et m'entraîne à l'écart.

Collègue : "Tu fais ce que tu veux, mais je veux juste te prévenir, tu vas appeler dans une maison refuge pour femmes battues."

Moi : "Ouais pis? C'est pas une raison pour manquer de respect aux enseignants!"

Collègue : "Je voulais juste te prévenir..."

Merci Collègue. Je ne suis plus très certain pourquoi, mais je n'ai pas appelé tout de suite et ensuite, j'ai oublié.

Le lendemain.

Prof de gym : "Tu as ramassé J-L d'aplomb hier?"

Moi : "Mets-en! D'ailleurs, il faut que j'appelle chez lui aujourd'hui. Comment tu sais que je l'ai ramassé?"

Prof de gym : "Les autres étaient fâchés contre lui. Même ceux de son équipe lui lançaient des ballons par la tête."

Moi (surpris): "Hein? Qui ça?"

Prof de gym: "Blondie et la petite clique branchée."

Moi : "Ouch... ça veut dire qu'il est pas mal rejet là?"

Prof de gym : "D'après toi?"

La fleur et le pot. Mes élèves s'en prennent à un flo qui me manque de respect. Assez particulier et je vous avoue que ça me fait un velour. Mais que le jeune devienne rejet... Bordel! J'ai l'impression de faire partie d'une clique d'élèves. No way! Un jeune avec un père violent. C'est pour lui que le projet existe. En plus, le type avec qui il va travailler sur les décors est un homme extraordinaire qui sait tirer le meilleur des enfants et leur balancer en pleine face.

Je devais donc faire ce qu'il ne faudrait jamais faire.

Je me pointe dans sa classe. Il reste 20 minutes avant le départ pour les vacances. Les élèves sont en cercle. J-L est seul à son pupitre. Il n'a pas l'air triste. Il a vu pire.

Moi : "Hey Collègue, tu me prêtes J-L pour quelques instants?"

Collègue : "Pas de problème."

Les autres le regardent comme on regarde un condamné manger son dernier repas...

OK. J'en mets un peu. Disons qu'ils se disent que J-L est vraiment dans la... Un mélange de compassion et de "tu l'as cherché".

Dans mon local, je tends une bouteille d'eau à J-L.

Moi : "Je t'offrirais bien une bière ou un café, mais c'est illégal."

J'ouvre ma bouteille. Il ouvre la sienne. On boit en silence. Il ne faut pas que je parle trop. Droit au but, on règle ça rapidement.

Moi : "Avant d'appeler chez toi, comme je ne te connais pas encore, je me suis renseigné. Je ne te raconterai pas d'histoire. Disons que je sais pourquoi tu as déménagé..."

Lui : "..."

Moi : "Je veux que tu fasses le projet. Sincèrement."

Lui (timidement) : "Moi aussi je veux le faire..."

Moi : "C'est réglé! Maintenant que tu sais que je suis un gros facho, tu fais attention hein?"

Lui : "..."

Moi : "Tu joues aux échecs?"

Lui : "Oui! Je suis bon!"

Moi : "Excellent, je vais te planter et tu n'auras pas d'autre choix que de reconnaître ma supériorité intellectuelle."

Lui : "On a que 10 minutes."

Moi : "C'est ben en masse."

On se pointe dans sa classe. On dirait une mise en scène. Nous sommes d'un sérieux... Les élèves essaient de nous lire en vain. Nous prenons place, de chaque côté de l'échiquier.

Moi : "Prépare-toi à périr simple mortel."

Lui : "Jamais!"

Blondie (vraiment surprise) : "Hein? Vous allez jouer aux échecs? Ensemble?"

Moi : "J'aurais aimé mieux la lutte dans la boue, mais c'est un peu salissant."

Quelques badauds s'approchent du jeu.

Un badaud : "Come on J-L, il faut que tu battes Prof Malgre Tout!"

Un autre : "Ouais! Vengeance!"

Je lance un clin d'oeil à J-L. Il ne le voit pas. Ces yeux sont déjà rivés sur l'échiquier.

Moi : "En passant, j'habite ton quartier... je vais souvent au parc V*** avec mon fils. Si tu me vois, tire-moi une balle de neige."

J-L : "Et si y a pas de neige?"

Moi : "T'as pas le choix, tu viens me dire salut."

Je suis fier de moi... Vraiment fier. C'est raide d'être nouveau dans cette école. En sixième, on en a eu deux cette année. J-L et une jeune fille africaine. Elle vient d'un pays en guerre. Là-bas, elle n'est pas une ado, elle est une jeune femme. Disons que les soldats se foutaient pas mal de la Convention de Genève dans son coin du monde. Mais même quand tu arrives de l'enfer, c'est encore difficile d'être nouveau.

C'est sûrement le billet le plus prétentieux de ma carrière de blogueur. Ça doit être vraiment insupportable à lire, mais... c'est MON blogue.

Joyeux Noël!




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22 décembre 2006

Promotion d'un site

reussirlareforme.qc.ca

Vraiment pathétique. Voici un site pour promouvoir la réforme... allez voir qui sont les signataires. La proportion d'enseignants parle d'elle-même.

Le site

Les signataires : des conseillers pédagogiques, des professeurs (université), des directeurs, etc... Des gens qui n'enseignent pas vraiment, mais qui aiment bien dire aux autres comment le faire...







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20 décembre 2006

Dring...

Dring...

Bah...

Dring...

Blonde : "Tu réponds?"

Dring...

Moi : "Grrr..."

Dring...

Moi : "M'emmerde..."

Dring...

Moi : "Argh!!! C'est quoi encore?"

Je n'aime vraiment pas le téléphone. Je suis grognon et antisocial et j'adore ça.

Moi (pas sympa du tout) : "Oui allô!"

Une voix : "Prof Malgré Tout?"

Moi : "Ouais..."

La même voix : "C'est Roger!"

Moi : "C'est ça... salut Roger!"

Un petit comique... Y en a qui n’ont vraiment rien à faire... que j'me dis.

La même voix plate : "Blonde Malgré Elle est là?"

Oups. J'oublie toujours que Beau Père Malgré Lui s'appelle Roger.







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19 décembre 2006

Hummm... Rudolph

C'est banal, mais ça prend de la neige pour qu'on se sente Noël. Sans le grand manteau blanc, pas d'effervescence.

Ce matin, première année. À la fenêtre, quelques flocons.

Moi: "Vous connaissez le resto "Frite Alors!"?"

La classe : "..."

Moi : "C'est un resto de hamburgers et de frites. Ils ont un hamburger qui s'appelle Rudolph... Un hamburger de caribou. Vous savez ce que c'est un caribou?"

Blazé : "J'y vais avec mon père..."

Moi : "Merci pour cette magnifique tranche de vie, mais ce n'était pas la question."

Ti-smatte : "Un hibou?"

Moi : "Nope... C'est un renne."

Blazé : "Je le savais."

Ti-cute : "Un renne... Comme pour le traîneau du Père-Noël?"

Moi : "C'est pour ça que le hamburger s'appelle Rudolph. Hum... c'était délicieux!"

Ti-smatte : "Quoi ça?"

Moi : "Rudolph."

Ti-Cute : "Hein?"

Ti-smatte : "Rudolph... le petit renne au nez rouge?"

Moi : "Je sais... c'est cruel , mais je n'ai pas pu résister. Hum... ça goûte bon du renne."

La classe : "Ouach!!! Méchant! Dégueu... etc..."

Moi : "Non non! C'était succulent. Avec des frites!"

La classe : "Miam miam.. des frites."

Ils boufferaient le Père-Noël lui-même si c'est servi avec des frites...

Ti-cute : "Regardez! Il neige!"

Toute la classe se tourne vers la fenêtre. Tous les yeux brûlent d'espoir, sauf une paire.

Blazé : "Il fait -2... ça ne restera pas."

Le pire, c'est qu'il a raison.

13 décembre 2006

Sex, Drugs and Rock'n Roll

Il y a huit ans, au début de ma carrière, ma rencontre avec les élèves de sixième année fut un choc. Bien entendu, j'étais conscient que les choses ne seraient plus "comme dans not' temps". Par contre, je ne savais pas que pour plusieurs flos de 12 ans, un vendredi soir se résumait à un 6 pack, une couple de joints et une partie de jambe en l'air. OK. Pas tous les élèves. Mais je ne parle pas d'un cas isolé non plus. En passant, je n'enseigne ni à Outremont, ni à Westmount. Ça joue un peu plus dur dans mon coin...

Heureusement, on a Floppy. Mais comme je suis daltonien, je ne peux pas vous dire de quelle couleur est Floppy. J'ai le choix entre brun ou gris... Est-ce que ça se peut un chien vert? Bah... L'important, c'est que sous Floppy, il y a un orifice, et dans l'orifice, il y a une main. La main fait bouger Floppy et Floppy explique aux ti-namis comment faire un message d'explication. Cool hein? Tu te calmes, tu dis ce que tu n'as pas aimé et tu proposes une solution. Tu te calmes, tu expliques ce que tu as fait et ce que tu feras la prochaine fois. Tu te calmes, tu expliques ton problème et bla bla bla... Tu te calmes! Je sais... ce n'est pas facile avec une main dans l'orifice, mais Floppy, c'est un pro. Un pro de quoi? À vous de juger. On s'en balance, ça marche.

Donc, on se la coulait presque douce depuis quelques années avec des élèves à jeun...

Ben non... C'est reparti. Trois jeunes de onze ou douze ans, un gars, deux filles, les yeux dans la graisse de bines. Moi le con, je n'allume pas qu'ils sont stones. C'est leur prof qui me l'a confirmé ensuite.

Moi : Salut Roger! Quoi de neuf?

Élève (exaspéré) : On peut-tu jouer là...

Ça, ça serait la réaction normale d'un élève à jeun de sixième année. Voici à quoi j'ai eu droit :

Moi : Salut Roger! Quoi de neuf?

Blondie : Cooooool! Roger...

Le gars : Hi hi hi.. Roger... Hé hé hé...

Brunette : Heille!!! On peut-tu jouer à la planète Choco?

C'est un jeu pour les maternelles...

Moi : Non... On a du boulot. Aujourd'hui, on compose pour le projet.

Blondie est couchée sur le gars.

Moi : Hey vous deux! C'est interdit de se reproduire en classe...

Le gars (sourire fendu jusqu'aux oreilles) : Ok. Hi hi hi...

Moi : Et assis-toi comme il faut.

Le gars (vraiment "vedge"): Hi hi hi...

Il s'exécute au ralenti... Je commence à avoir des doutes.

Je sépare la classe et laisse les trois travailler ensemble. Au moins, ils ne dérangeront personne. Il leur faut composer une mélodie sur des paroles déjà existantes. Ils doivent respecter la prosodie. Je me doute qu'ils ne feront pas grand-chose, mais je les laisse travailler dans un local tout près où je les ai à l'oeil.

Avant la fin de la période, les élèves partagent avec les autres leurs créations et je prends tout ça en note pour le projet. Bordel... Les trois ont bien travaillé. Ce n'est pas normal... À jeun, ils n'auraient rien foutu. Même que ce que Blondie m'a fait est pas mal du tout. Elle reçoit des félicitations de la classe. Dans le doute, le test ultime. Je m'assoie au synthé et sélectionne des sons assez psychédéliques merci... Quelques accords plus tard.

Le gars : Man... woooooo... c'est trop buzzé!

Blondie : Fait Eminem!

Brunette : Cool... C'est comme Pink Floyd.

Moi : Hein?Tu connais Pink Floyd?

Brunette : Mon père en écoute plein.

Le gars : Refais le son buzzé...

Moi : Quel son?

Le gars : Hein?

Moi : Quel son buzzé?

Le gars : Heu... N'importe quel sur ton affaire là...

Moi : Ça?

Je mets le paquet.

Il a tellement tripé que j'en ai presque rigolé. On aurait dit Ronnie, le personnage de Daniel Lemire

Je pense que si je leur avais fait entendre du Gentle Giant, ils auraient aimé... Pas normal.

À la fin de la journée, leur prof partage son doute avec moi. On se rend à l'évidence. Ils ont fait un méchant trip de dope sous notre nez. Allez-y! Flame on. On est au primaire bordel. On est plus à l'affût des ronds de pipi et des chicanes sur les règles de ballon chasseur que des élèves qui fument des joints.

Oui, il y a eu un retour sur tout ça. Non, pas de police et pas de direction. De toute façon, on n’a pas de preuve... Les parents? La mère de Blondie a déjà mis son point sur la gueule d'une prof pour l'avoir gardé en récupération pendant une récréation (elle ne faisait pas ses devoirs...). La bonne femme avait tinqué toute la nuit. Je ne connais pas les parents des autres, mais Blondie est la moins "puckée" des trois. Ça me donne le goût de les connaître?

Les enfants ont besoin d'une approche relationnelle dans ce genre de cas. On est là pour instruire, socialiser et qualifier (ça vient du Ministère!), pas pour les mettre dans le trouble et pour avoir la paix (ça vient du gros bon sens). Juste quelques mots bien pesés font la job parfois... Une fois dégrisés (eux, pas nous), leur prof les a rencontrés.

Leur prof : "Vous savez, ce n'est pas parce qu'on ne dit rien qu'on ne sait rien."

Juste ça, appuyé par le regard qui transperce l'âme, mais sans faire de mal.

Brunette : Untelle ne l'a pas fait...

Et voilà. C'est de la bonne graine quand même. Au lieu de nier, elle protège leur copine innocente.

À suivre...














08 décembre 2006

Rencontre de parents

Un moment où beaucoup de profs se font littérairement chier dessus par des parents...

Moi, en tant que prof de musique à statut précaire, je ne prends pas de rendez-vous. Vous voulez me voir? Suivez les flèches (surtout que je n'évalue pas les élèves pour la première étape...).

Sur la porte de ma classe : de retour vers 18h.

18h10

Moi : Elle n’est pas mal du tout ta soupe tonki mon amour!

Ma blonde : Pas trop pire pour une première, mais il manque un parfum.

Moi : Plus de gingembre?

Ma blonde : Non... du basilic.

Moi : Ah! Mais bon, avec la lime, c'est quand même très bon.

Ma blonde : C'est quand ta rencontre de parent?

Moi : Ouais... faudrait peut-être que j'y aille...

18h30

Deux mères d'élèves et une gamine m'attendent à la porte de mon local.

Mère #1 : Ouais... il est 6h30...

Moi : Je sais.

Mère #2 : C'est écrit 18h sur la porte.

Moi : Désolé?

Mère #2 : Sur la porte... Vous avez écrit que vous seriez là à 18h.

***On me cherche?***

La gamine (deuxième année, élève surprotégée et faible en académique et par le fait même en musique) me regarde. Elle veut savoir c'est qui le plus baveux entre moi et sa mère. Je lui lance mon regard "du pain et des jeux avec ça?".

Moi (bullshitant): Ah... C'est un vieux message que j'ai oublié d'enlever. Vous aviez un rendez-vous avec moi?

Mère #1 (elle sait que je la bullshite) : J'avais rendez-vous avec l'enseignante de ma fille à 17h45. J'attendais de vous rencontrer avant de partir.

Moi : J'enseigne à trois cents élèves ici. Je ne connais pas les horaires de tous les parents. Donc, vous m'attendiez et n'aviez pas de rendez-vous... Vous êtes bien téméraire Madame.

Mère #2 : Mais vous devriez être disponible pour nous rencontrer...

Moi : D'où ma présence ici madame. Le département des plaintes, c'est en bas dans le bureau du directeur. Il se fera un plaisir de couper le temps sur ma paye pour ma petite absence de ce soir... Mais attendez! Non... ça ne marchera pas... je ne suis pas payé pour être ici ce soir.

Ok. Là, il y en a qui se disent : No way! C'est dans ta tâche. Ben je les emmerde parce que ma tâche en enseignement, elle est tellement bustée que je n'ai que 4 minutes par jour pour la récupération, les communications aux parents et tout autre truc qui n'est pas de nature personnelle. Les profs "normaux" entrent quelque chose comme une heure par jour dans cette case.

Moi : Mais entrez donc! Venez voir le local.

Mère #2 entre avec sa fille. L'autre préfère attendre à l'extérieur (je me demande pourquoi...). Elle s'éclipsera assez vite sans me dire au revoir.

Moi : C'est ici que votre fille reçoit 60 minutes de musique par semaine, s'il n'y a pas de journée pédagogique ou de congé la journée de son cours, bien entendu. Lorsque que l'élève entre en classe, il choisit lui-même une place, mais je me réserve le droit de les déplacer à n'importe quel moment sans donner de raison ou de préavis. Un seul but : le développement global de l'enfant via l'apprentissage de la musique. Ici, c'est le Nautilus Plus du cerveau.

Mère #2 : Est-ce qu'ils jouent de la flûte?

Moi : Non et je crois que si votre fille jouait de la flûte, vous l'auriez sans doute remarqué. Les flûtes sont strictement interdites dans ce local. Je considère que la colonne d'air n'est pas prête à leur âge et que ce n'est pas un instrument qui doit être joué 20 personnes à la fois... surtout s'ils ont sept ou huit ans.

Mère #2 : Alors, ils jouent du xylophone comme ça?

Elle pointe un glockenspiel.

Moi (à sa fille) : Explique-lui.

Gamine : Xylo veut dire bois et phone veut dire son. Ça c'est en métal, c'est un carillon.

Moi : Le vrai nom serait glockenspiel, mais le milieu de l'enseignement préfère carillon... Je suis plutôt conformiste, alors je dis comme eux. Si on a déjà visité l'Oratoire St-Joseph, on voit bien que ce ne sont pas de vrais carillons...

Mère #2 : ...

Moi : D'autres questions?

Mère #2 : Est-ce que les enfants se comportent bien? J'ai entendu dire que certains élèves de sa classe étaient pas mal turbulents.

Moi : Ils n'ont pas le droit d'être turbulents dans mon local.

Mère #2 : Mais s'ils le sont quand même?

Moi : Ils ne le sont pas. C'est interdit. À sa fille. Y en a qui niaise ici?

Gamine : Non, y a seulement toi qui a le droit.

Moi : Excellent, tu auras une bonne note dans ton prochain bulletin.

Mère #2 : ...

Moi (soudainement chaleureux): Écoutez madame. Je suis vraiment désolé. Comme vous voyez, je suis un peu sur la défensive. Vous connaissez le quartier... Toutes sortes de gens... S'il y a quoi que ce soit, n'hésitez pas à me laisser un message et ça me fera plaisir de vous contacter.

Mère #2 (perplexe) : ...

Moi : C'est vraiment gentil d'être venu. J'adore rencontrer les parents de mes élèves. À sa fille. Salut ma puce.

La petite vient dans mes bras me faire un calin. Elle se tourne vers un coin de la classe.

Gamine : Salut Roger!

La madame ne comprend plus rien... Elle se pousse. NEXT!

Ça peut sembler un peu rude de ma part, mais croyez-moi, après quelques années dans le même milieu, quand un parent vient pour essayer d'avoir la tête d'un prof parce qu'il n'y avait rien de bon à la télé ce soir-là, ça se sent.

L'an prochain, je lui demande ce qu'elle fait comme métier et je suis certain qu'on va bien rigoler.

Pas vous!

Moi et elle... ensemble.

C'que vous pouvez être tordus...

Blague à part. Il n'y a pas beaucoup de parents qui viennent me voir. Ce sont toujours les mêmes. Un type qui tripe sur la paléontologie et les ordinateurs Apple. Pendant qu'on se bidonne, sa fille tape sur les djembés et sa femme désespère.

J'ai rencontré une maman algérienne qui est archéologue. Pas de travail pour elle ici... Elle est devenue éducatrice en petite enfance. Belle discussion. Elle a fait son deuil de l'archéo. D'une certaine manière, j'ai fait mon deuil de la musique en venant enseigner. Mais bon, regarder un bébé humain, c'est faire l'archéologie de notre espèce. Héhéhé... c'était n'importe quoi à la fin de la conversation.

En passant, les Berbères aiment vraiment quand on sait ce qu'est un Berbère. Faut croire qu'ils ne sont pas habitués...

Les ancien élèves qui se pointent...

En résumé, c'est quand même rigolo les rencontres de parent quand on est "juste" prof de musique.

01 décembre 2006

Get a life

En plein cours avec des élèves de première année, une main se lève. Dans les yeux de l'élève, la panique totale.

Moi : Oui...?

L'élève : Je pense que je t'ai vu hier.

Moi : Vraiment? Ben moi aussi, je suis allé dans votre classe pour parler à ton prof.

L'élève : Non... c'était à l'épicerie.

Moi : Ça se peut très bien. Je suis allé à l'épicerie hier.

L'élève : ...

Moi : Ça te pose un problème?

L'élève : Ben... c'était le soir.

Moi : Ouais... parce que le jour, on était ici. Assez implacable comme logique hein?

L'élève : Oui mais... c'était pas à l'école.

Moi : Toi aussi tu as remarqué? L'épicerie n'est pas l'école!

L'élève : Mais avec toi... y avait une femme.

Moi : Ma blonde...

L'élève : Pis un bébé...

Moi : Mon fils...

L'élève : Oui mais...

Moi : Mais quoi?

L'élève : Non... Laisse faire...

Et voilà! Un de plus qui vient de comprendre. J'existe en dehors de l'école. Ma blonde n'est pas un prof de l'école et en plus, il ne la connaît pas. Mon fils n'est pas qu'une photo sur un mur. J'ai une vie!

Un peu plus tard dans le même cours, je déconne un peu avec Roger quand soudain, un morceau de calorifère s'effondre sans raison.

Moi : Bordel Roger! Je t'ai dit de ne plus jouer avec le calorifère.

Vous auriez dû voir la tête de l'élève. Si je vais à l'épicerie avec une femme et un bébé, tout est donc possible... même Roger!







28 novembre 2006

Étoile

Mon cours est une sorte de jeu télévisé où les équipes gagnent et perdent des étoiles dans une lutte sans merci. Seulement les vainqueurs obtiendront un petit collant. Pour les autres : nada!

J'vais raconter cette anecdote à mon fils plus tard.


Aujourd'hui, en troisième année, les carillons ont gagné.

Cédrik : C'est quoi le collant.

Moi : Une petite étoile...

Une petite cute : Une petite étoile qui veille sur nous...

Cédrik connaît l'expression de la petite étoile qui veille sur les gens, mais son étoile à lui n'est plus sur la garantie. Il est en foyer d'accueil.

Moi : Ça va?

Cédrik : Ouais... je peux le donner mon collant?

Moi : C'est ton choix. Tu l'as gagné.

Il se dirige vers la photo de mon petit gars d'un an et y colle son étoile. Bordel... Un petit gars en foyer d'accueil a donné son étoile à mon fils.



27 novembre 2006

Enharmonie

Moi (le gun sur la tempe... ma tempe) : OK. Pour la xième fois... Que ça soit écrit Sib ou La#, tu tapes là-dessus au bon moment et tout le monde est content.

Élève Casse-Pied : Oui mais moi, j'en ai pas de si bémol.

Moi : La dièse... même note, même son... Je l'ai expliqué déjà trop souvent et de trop de manières différentes. Tu tapes là ou j'te coule!

Casse-Pied : J'en ai pas non plus.

Moi : Argh! Oui tu en as un.

Casse-Pied : Non, moi, c'est écrit Bb!

Un autre : Comment ça bébé?

Moi : Au secours! Pas bébé comme dans: gaga gougou... je suis immature... gaga tagaaa... B pour la note si et b pour bémol!

Casse-Pied : Huh?

L'autre : Pourquoi c'est pas toute pareil?

Wannabe : Ouain... on peut-tu jouer là?

Moi : NON! Y a environ 500 ans, y a un type allemand qui s'appelait Luther et qui ne tripait pas vraiment catholique.

Un smatte : Un arabe ou un juif?

Wannabe : C'était ton grand-père?

Moi : Luther?

Wannabe : Cool! Prof Malgré Tout a un grand-père arabe!

Moi : Ouais... c'est sûrement ça... un boche arabe! Come on... Alors, le boche pis sa gang...

Le smatte : Sa gang d'Arabes?

Moi : Tu m'énerves... Non! C'était des Esquimaux... N'importe quoi.

Le smat : Hein?

Casse-Pied : Y faut dire des Inuits.

Moi : Quand je parle des Esquimaux, je parle des popcycles.

Casse-Pied : Ah ok!

Me semble que t'as compris...

Moi : Alors, le boche pis sa gang de popcycles ambulants ne voulaient pas qu'on appelle les notes Do-Ré-Mi-Fa-Sol-La-Si-Do. Pourquoi? Ça venait d'un poème d'un moine catholique: Guido d'Arezzo.

Un autre : Ça sonne même pas arabe comme nom...

Moi : J'ai dis que c'était un popcycle!

Un élève : Tu le connais le poème?

Moi : Tu trouves que j'ai l'air d'un popcycle qui récite des poèmes? Je sais seulement que ça commence par "ut" et que c'est l'ancien nom de do. Peu importe. Pour des raisons religieuses, les Allemands et les Anglais, utilisent A-B-C-D-E-F-G pour nommer les notes. A est LA, B est SI, C est DO. etc... Donc... Bb est...?

Un élève : On peut-tu jouer là?

Moi : Non! Tout le monde, déposez vos baguettes et vous écoutez... ARGHHH! N'oubliez pas qu'on est au troisième étage.

Wannabe : T'es même pas game...

Moi : Shhhhh... Casse-Pied ne le sait peut-être pas.

Casse-Pied : Heille... J'ai entendu.

Moi : Y a personne qui joue tant que vous ne me dites pas les trois trucs qui peuvent être écrits sur la note Si bémol...

Wannabe : Si bémol, La dièse ou Bb. On peut-tu jouer là?

Moi : Tu m'énerves... Et c'est qui qui utilisent B à la place de SI?

Wannabe : Les Arabes.

Moi : Non! Les Esquimaux! Prenez vos baguettes et je coule tous ceux qui ne trouveront pas le Si bémol! ... Casse-Pied!

Casse-Pied : Huh?

Moi : Tu lèves encore ta main et je te coule!

La classe : Ouais!

26 novembre 2006

Déception totale

Je suis déçu. Je pensais que vous vous exprimeriez un peu mieux, que vous seriez un peu plus convaincant, que je respecterais votre point de vue, peu importe le mien... Y a quand même des gens qui ont voté pour vous quelque part... non? Un peu de charisme? Non mais bordel... faites quelque chose. C'est vous le patron, Saïb!

Malheureusement, vous ne passez pas le test Monsieur le Ministre. Vous ne répondez pas aux exigences. Vous ne ressemblez même pas à Louis de Funes...

Je ne suis pas certain que c'est votre job, mais vous semblez ne pas comprendre les fondements de la réforme... Quoi? Nous sommes trop stupides pour comprendre si vous allez plus en profondeur? C'est vrai... c'est les profs qui n'ont pas compris... Étant enseignant, j'oublie tellement facilement... de quoi on parle déjà?

Vos connaissances du terrain sont erronées. Les gens qui vous conseillent vous mentent ou ne sont pas compétents. Ça sonne assez réforme mon truc?

Et quand vous mentionnez une entente avec les enseignants et une convention collective, c'est de la loi 142 dont vous parlez? Un peu facho comme entente...

Vous ne méritez pas un pixel de plus.

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Je fais dans la pub aujourd'hui.

Ce soir, à l'émission Tout le monde en parle, Jean-Marc Fournier, Ministre de l'Éducation et de quelques autres trucs. Mon petit doigt me dit qu'ils vont parler de bulletin et non des fondements du renouveau pédagogique. On s'en fout des bulletins. Encore une fois, on tire sur le messager. Réveillez bordel! Ostie qu'on est premier niveau... Du pain et des jeux avec ça?

Vous prendrez quelques instants pour noter sa ressemblance avec Louis de Funes...

J'parie qu'c'est un chic type en dehors de la job. Sincèrement!

21 novembre 2006

Résilience

J'entre dans le salon du personnel un peu en retard pour la réunion. Pas assez pour m'attirer l'ire du patron, mais assez pour qu'avec un peu de chance, il n'y ait plus de chaise disponible autour de la table. Dans cette éventualité, je devrai me rabattre sur le sofa ou un fauteuil... Comme on n'a pas que des amis au travail, j'ai une place autour de la table...

Alerte, alerte! Intrus détectés. Préparez-vous à être désactivé! Wooo... les nerfs. Pas trop moches les intruses en question. Alors, on se calme, on écoute ce qu'elles ont à dire et on les désactive ensuite.

Deux étudiantes. Le genre à faire une maîtrise sans rédiger de mémoire. Une maîtrise pratique qu'on dit... Assez pratique en effet. Ça peut nuire aux études de trop écrire. Le sujet de leur machin (je n'ose pas dire "mémoire") : la résilience chez les profs en milieux défavorisés. Charmant comme sujet. C'était assez branché il y a deux ou trois ans, cette chose qu'on appelle résilience.

Les étudiantes nous expliquent leur démarche.

Une d'elle : "Vous avez des questions?"

Moi : "C'est très intéressant ce que vous dites, mais pourquoi êtes-vous ici?"

L'autre : "C'est un milieu défavorisé..."

Moi : "Oui, mais on a un sacré roulement de personnel ici. Je suis à statut précaire et il n'y a que deux profs plus anciens que moi dans la boîte."

La même : "Ah..."

Moi : "Et vous parlez d'étendre votre étude sur deux ans..."

L'autre (sur les dents) : "Qu'essayez-vous de nous dire?"

Moi : "Que si la tendance se maintient, l'an prochain, plusieurs des profs qui feront partie de l'étude ne seront plus ici."

L'autre (exaspérée) : "Ben, on les contactera dans leur nouvelle école et on poursuivra l'étude là-bas."

Elle me regarde comme si je ne comprenais rien, moi le petit prof minable. J'adore ça.

Moi : "C'est bien une étude sur la résilience? La capacité de s'adapter à quelque chose de stressant? De rester..."

Et là, y a mon patron qui me regarde à la fois amusé et embarrassé. Le reste du staff regarde leur montre. C'est le temps de fermer ma grande gueule.

Elle : "Oui... ben... heu..."

Moi : "Ah ok! J'embarque si vous voulez de moi comme rat de laboratoire!"

Désactivation complétée. Intrus exterminés. Mission accomplie. Victoire! Victoire!

On ne les a plus revues.

Où croyez-vous qu'elles vont travailler plus tard? Au ministère ou à la commission scolaire?

20 novembre 2006

Je suis un peu occupé ces temps-ci...

Prof malgré tout? Malgré quoi au juste? T'as deux mois de vacances... De kessé? Comment ça su' l'chômage? Statut précaire? Kossé?

Pas facile d'enseigner en milieu défavorisé. C'est ma huitième année dans mon école. Je n'ai comme sécurité d'emploi que les dossiers médicaux et les autopsies de ceux qui m'ont précédé. Y a pas grand monde qui veut ma job...

Ma tâche de prof de musique : 60%, trois jours, horaire plein. Pas de périodes de libération pour travail de nature personnel. Cinq petites minutes entre les trois périodes du matin... si le titulaire n'arrive pas en retard de sa période libre pour venir chercher son groupe. J'ai un peu plus entre les deux périodes de l'après-midi. Pas de récréations. Ma tâche d'enseignement dépasse le maximum, mais c'est légal. J'ai 12 minutes pour l'encadrement des élèves (téléphone à la maison, récupération, règlement de conflit, etc.). Pour 60% de tâche, ça fait quatre minutes par jour.

Les deux autres jours, je drive un projet. On fait écrire une comédie musicale à partir d'un opéra oublié et pas évident. Ce choix nous est presque imposé: on a le choix entre ça ou rien. Mais bon, on recommence chaque année.

Mon rôle? Décortiquer l'opéra en question (la musique, le livret), me convaincre que même si les deux plus importants disquaires de Montréal ne l'ont pas en stock, ce n'est pas si obscur, si mauvais... Je dois aussi faire une recherche historique, préparer le site web du projet. (forum, blogue, etc.) et repiquer des extraits intéressants à l'oreille parce qu'on ne m'a pas encore refilé la partition qu'il faut faire venir d'Europe pour la modique somme de 150 balles (je suis tanné de payer pour travailler... y a pour au moins 1000$ de trucs à moi dans ma classe).

Après avoir fait tout ça, c'est la rentrée. Vous avez compris. Je fais ça l'été, bénévolement...

Ensuite, ça commence. Quatre écoles en deux jours à chaque semaine. Je leur balance tout ça par la tête et il faut qu'ils absorbent, car ils vont devoir tout refaire. Les enfants vont écrire le texte et les paroles de chansons, composer la musique, concevoir les décors, les danses, les costumes, blablabla... On réécrit tout, on recompose tout, on repense tout.

Jusqu'en décembre, je me tape ça pas mal tout seul. J'accepte et j'ai besoin des commentaires des autres adultes du projet et surtout de ceux des enfants. Il faut garder l'esprit très ouvert et être intègre comme ça ne se peut pas. Ce n'est pas mon spectacle, c'est celui des élèves. Je mets de l'eau dans mon vin. J'ai juste à en boire plus!

En janvier, on passe à l'action. Yeah! Je ne serai plus seul! Les autres formateurs débarqueront et je vais pouvoir bosser sur la musique avec les jeunes qui vont l'interpréter en direct à chaque représentation. Quatre générales et huit spectacles en cinq jours. 5000 spectateurs. Cinglé hein?

Ah oui... est-ce que j'ai mentionné qu'il faut aussi que j'adapte des passages musicaux de l'opéra pour que des enfants de 11 ans qui ne sont pas mes élèves et n'ont jamais fait de musique, puissent la jouer quatre mois plus tard en n'ayant qu'une répétition par semaine? Le classicisme, ça sonne mal sur des djembés et des synthétiseurs bas de gamme. Alors, je leur sers du "hip hopera". Le plus chouette est quand même d'arranger leurs compositions en les impliquant le plus possible dans le processus. Créer, c'est choisir.

Ça me prend deux avant-midi et pas mal de café pour faire les quatre écoles. Je suis donc libéré deux après-midi par semaine pour faire le projet, mais s’il y a une journée pédagogique, les enfants viennent à l'école quand même... oui... même pas de gun sur la tempe. Ils viennent à l'école les jours de congé pour bosser sur le projet... Une seule déduction logique : adultes, enfants, tous des fous! 911 quelqu'un...

Capotez pas... Je ne suis pas seul dans le projet. Il y a le coordonnateur. Moi, mon truc, c'est la création avec les jeunes. Ne me demandez pas de faire un horaire, ça ne marchera pas... encore moins de trouver du fric... Ça, c'est le truc du coordinateur. Un amoureux des enfants. Le genre de type qui tripe par procuration sans que ça soit malsain.

Y a aussi les profs et les formateurs : danse, chant, metteur en scène, décors, accessoires. Au centre de tout ça, il y a la centaine d'enfants qui croient en nous quand nous croyons en eux.

N.B. J'ai bien hâte de voir le canon sur la scène...


ARGHHH!!! J'voulais juste vous dire que je suis un peu occupé pour écrire des billets ces temps-ci. Bordel... je viens d'avoir une idée pour mon prochain... Si y'en a un qui me parle de mon affiche de John et Yoko demain, je lui colle une retenue de quatre minutes.





15 novembre 2006

C'est MON blogue!

Deux billets plus tôt, une lectrice me proposait des idées d'oeuvres à faire découvrir aux enfants. Comme c'est MON blogue et que je peux bien faire ce que je veux ici, je poste la réponse comme billet.


Chère Lectrice,

Merci pour les suggestions. Je doute que Barbie ait du succès avec mes élèves. Plusieurs de mes petites demoiselles de cinquième année sont sûrement déjà pas mal plus actives sexuellement que Barbie. J'enseigne dans le genre de quartier où les Hells recrutent.

Beethoven passe assez bien. C'est clair que nous écoutons des extraits et rarement des oeuvres complètes. Le deuxième mouvement de la septième semble comestible et en plus, on peut le jouer dans la mesure où le prof se débrouille au piano (c'est le cas ici). Je ne leur fais même pas entendre au complet. Dans mon cours, la musique, on la fait et je travaille très fort pour fermer ma grande gueule et les laisser jouer. D'où l'existence de ce blogue!

Un autre machin de Beethoven qui est intéressant pour les enfants, c'est le deuxième mouvement de la sonate opus 27 no.1 (ne pas confondre avec opus 27 no.2, la célébrissime "clair de lune"). Par contre, pas question d'arranger ça pour les enfants. C'est quand même une super oeuvre cérébrale qui passe bien.

Les variations héroïques pour piano inspirées de la symphonie du même nom est aussi un bon coup.

La grande fugue, quatuor opus 133, est assez décapante aussi (deuxième et troisième cycle). Pour élèves vendus d'avance, car c'est assez hardcore.

Cliché : cinquième symphonie, premier mouvement. À l'orchestre puis dans la transcription de Liszt.

Et plein d'autres trucs...

Je suis quand même d'accord que les symphonies, c'est pas ce qui se fait de mieux pour les jeunes.

Pour ce qui est d'Aranjuez, écoutez la version d'Alvaro Pierri. Stylistiquement impeccable et tellement colorée. La version de Paco de Lucia est intéressante aussi, mais c'est un guitariste flamenco et quoiqu’espagnol, Rodrigo, n'écrit vraiment pas du flamenco. N'empêche que Paco nous balance ça par la gueule avec tellement de conviction que ça fonctionne. Après ça, on se demande pourquoi John Williams (le guitariste, pas le compositeur) est tellement populaire. Je me demande qu'elle version Rodrigo aurait préférée... sûrement pas Williams en tout cas. En passant, saviez-vous qu'il était aveugle (Rodrigo, pas Williams)? Y a même un accord avec sept notes dedans à un moment. Très difficile quand la guitare n'a que six cordes. Mais le type n'a jamais vu de guitare de sa vie et il n'en jouait pas. On lui pardonne?

Pour ce qui est des jeunes enfants, mon fils a été allaité sur les variations Goldberg... on verra ce que ça donnera. Il refuse de danser quand j'écoute "shining star" version "live" de Earth, Wind and Fire. Je suis perplexe. Gould dansait-il à un an? Son père dansait-il aussi mal que moi?

Une dernière chose : pirater de la musique, ce n'est pas très gentil pour les gens qui l'ont enregistrée. Mais bon, si ça vous donne le goût de devenir accro et d'acheter plein de disques des bonnes versions que vous ne trouverez pas sur LimeWire... hissons le pavillon noir et à l'abordage!

Je déconne. Sérieusement, je me nourris de vos commentaires.



13 novembre 2006

Marcel

Pendant mes études, je donnais des leçons privées de guitare. Pourquoi je ne dis pas des leçons de guitare en privé? Trop souvent, les leçons étaient effectivement privées de guitare. Parmis mes nombreux élèves, pas mal d'adultes. Des gars qui veulent assouvir un trip d'adolescence et des filles qui prennent un break de leur chum trop ado. Ça donne un mélange de psychothérapie et de ligue de quille hebdomadaire. Sympathique, mais pas très musical. Privé de guitare... c'est ce que je disais.

C'est dans ce contexte que j'ai rencontré Marcel. Un chic type dans la quarantaine, une femme, une petite fille, un bungalow et une petite bedaine de bière. Dans le village où se trouvait cette école de musique, Marcel, c'était monsieur tout le monde.

Premier cours.

Moi : "Salut, mon nom c'est... (bande de curieux!)."

Marcel : "Salut, moi c'est Marcel."

Moi : "Enchanté. Alors, tu veux jouer de la guitare?"

Marcel : "Ça a ben l'air."

Moi : "T'as déjà joué?"

Marcel : "Je l'ai même pas encore sortie de l'étui."

L'autodidacte en moi : "Ça augure mal. Encore un autre qui veut que j'apprenne pour lui."

Moi (à l'autodidacte): "Ta gueule l'autodidacte. Faut bouffer et payer le loyer."

Moi : "Pas de problème! On va voir ce qu'on peut faire. Quel genre de musique tu veux jouer?"

Marcel : "J'sais pas."

Moi : "Ben... quelle sorte de musique tu écoutes?"

Marcel : "J'écoute pas vraiment de musique."

Pauvre gars. Sa femme doit être vraiment l'enfer et il est barré dans tous les bars de la place...

Moi : "Et tu veux jouer de la guitare pour...?"

Marcel : "J'ai le cancer. J'en ai pour environ un an ou deux à vivre et j'aimerais ça chanter une chanson à ma petite fille de cinq ans avant de mourir."

Moi : "..."

Marcel vient à son cours chaque semaine. Il progresse de façon satisfaisante (il aurait un C sur son bulletin!!!). Son voisin, Joe, s'est mis à la guitare en même temps. Marcel essaie de jouer Pink Floyd tandis que Joe tripe Bob Dylan. Ils viennent le même soir, stones comme ça ne se peut même pas. Joe par habitude, Marcel pour contrer les effets secondaires de la chimiothérapie. Je pense que Joe y allait un peu fort sur la dose, mais bon...

Marcel a de bonnes assurances. Il part une semaine à Paris pour essayer un nouveau traitement. Il revient, toujours aussi stone, mais il a un genre de valise avec plein de tubulures qui lui entre dans les veines. Un nouveau truc, à ce qui paraîtrait. Traitement continu... effets secondaires continus. Pink Floyd all the way dude!

Le récital de fin maîtrise approchant, je dois abandonner le boulot. En plus, c'est loin et j'ai pas d'char... "Salut Marcel, bonne chance... fuck... bats-toi man!" Je refile la job à un copain X.

Je termine ma maîtrise, m'inscrit en enseignement (j'vous l'dis : je ne "fitais" pas au MBA) et la vie continue.

Un an plus tard, je recroise copain X.

Moi : "Hey!"

X : "Yo! Wuz up, bitch?"

Moi : "Same ol' shit dude..."

Oups... je recommence.

Moi : "Salut X."

X : "Hey! Comment ça va?"

Moi : "Je travaille là-dessus. Et toi? Tu bosses toujours à ***insérez le nom du petit village où était l'école de musique***?"

X : "Ouais... Je suis rendu avec pas mal d'élèves."

Moi : "Le p'tit Jonathan est encore là?"

X : "Non... Il piquait des crises..."

Moi : "Comme avec moi... héhé... Et... heu... Marcel?"

X : "Tu ne le savais pas? Il est guéri man! All the way. Il a vaincu le cancer et il continue ses cours de guitare... y a vraiment pas beaucoup de talent, mais il est sympa."

Moi : "No way... Génial! Et Joe?"

X : "Il a lâché dès que Marcel a été guéri."

Joe, you're the man!


08 novembre 2006

Moment magique

Classe TC, troisième cycle. La semaine dernière, lendemain d'Halloween, l'enfer. La plupart sont drogués au sucre, les autres sur des trucs illégaux et pas mal plus puissants. Ils ont terminé le cours dans leur classe. La moitié d'entre eux doivent garder la tête couchée sur le bureau. Je suis bête et méchant. Je ne me laisse pas monter dessus par des kids de onze ou douze ans qui fument du pot. Ce n'est pas bon pour eux de contrôler les adultes et comme je veux leur bien : "cou-couche panier, pa-pattes en rond!".

Ce matin, ils entrent calmement. Ils prennent place en silence et attendent que le cours commence. Je me dis que l'intervention facho de la semaine dernière n'a pas été vaine. J'avais prévu faire du djembé, mais comme ils semblent disponibles, aussi bien en profiter. Je vais leur faire jouer un truc de Beethoven sur le thème du deuxième mouvement de la septième symphonie (j'suis allergique à l'hymne à la joie).

On commence par écouter le mouvement. Je leur explique que c'est presque un canon (pas celui que vous pensez), mais pas mal plus long que Frère Jacques (j'y suis aussi allergique). Je n'abuse pas. Fade out. Quoi? Ils sont toujours attentifs! Je saute sur l'occasion. Des exemples d'utilisation du silence en musique. Dans le classique, dans le heavy métal, dans Eminem... On déconne un peu avec le début de la cinquième. Les silences, c'est tellement évocateur. Pas seulement en musique. On en parle, puis on commence.

Beethoven n'avait rien à prouver à personne. Une mélodie dont les douze premières notes sont des "mi"... Vive l'économie de moyen. Quelques notes plus loin, le silence qui tue.

Moi : Je sais... c'est un peu plate mon truc. Pas très groovy, mais faites-moi confiance. Vous allez fredonner cet air en sortant de l'école ce soir. Je vous imagine déjà : mi... mi mi mi... mi... mi... mi mi mi.... mi.... mi... mi fa# sol... sol... sol... sol sol sol... silence qui tue! Ça repart : sol... sol la si... etc...

Et les voilà qui essaient de me convaincre qu'ils trouvent ça bon. Ils sont même très convaincants... On se fait le thème ensemble une autre fois et je leur donne un petit moment pour nettoyer les coins sales (je parle de musique). Je m'approche de l'éducatrice.

Moi : Coudon! Ils sont sous la menace ou quoi?

Elle : Mets-en!

07 novembre 2006

Vos gueules! On a le consensus.

Ce midi, dans le salon du personnel, j'ai eu une conversation informelle avec mon patron. Le sujet : le renouveau pédagogique. Original hein? Le patron croit en la réforme et il a raison. Moi je n'y crois pas et j'ai plus raison que lui. C'est un détail, car nous partageons tous deux le même but : le développement global et le bien-être des élèves. C'est seulement sur la forme qu'on ne s'entend pas et comme on est pas dans L'art du roman et dans l'opus 131, on n'en a rien à cirer de la forme!

J'ai pris mon pied parce que cette conversation n'avait qu'un seul but : voir la gueule des enseignantes qui s'attendaient à ce que je me fasse planter par le boss, que je me le mette à dos et qu'il me méprise... enfin. Du pain et des jeux... J'ai été servi, pas elles.

Y a un truc qui me dérange tout de même: personne n'est intervenu dans la conversation. Personne. Pas un mot. Pourquoi?

On en parle trop souvent? Nah! On n’en parle pas souvent dans mon école. C'est la conseillère pédagogique qui en parle. Nous, on a hâte que la réunion finisse.

Peur du patron? Come on. C'est moi le statut précaire.

Rien à foutre? Peut-être...

Rien à dire? Vive le bénéfice du doute!

Politesse? On brûle.

Les profs n'aiment pas la chicane. C'est vrai! Après tout, c'est pas beau la chicane. C'est ça qu'on enseigne aux ti-n'amis. Moi je pense qu'elles sont allergiques à la dialectique les madames...

Avez-vous déjà remarqué qu'au Québec, c'est très mal vu de ne pas être d'accord avec les autres? On est sans doute la capitale galactique du consensus. Chez les profs, c'est encore pire. Ça me fout la trouille... Vous?

06 novembre 2006

Bulletin 301

Aujourd'hui, nous parlerons de fin de cycle.

5 = dépasse les attentes
4 = répond entièrement aux attentes
3 = répond suffisamment aux attentes
2 = répond peu aux attentes
1 = ne répond pas aux attentes
NE = non évalué

Premièrement, pour les non-initiés, il y a fin de cycle tous les deux ans. Le primaire est donc divisé en trois cycle.

Comme l'élève en difficulté peut prolonger un cycle d'une année, une seule fois durant son primaire, chaque cycle comporte trois niveaux.

1er cycle --- a, b et c
2e cycle --- d, e et f
3e cycle --- h, i et j

Une lettre par année, mais maximum 7 ans en tout. Donc, voici le cheminement de l'élève qui coulerait sa quatrième année ( pas très réforme comme affirmation, mais c'est clair, net et précis) : (a b), (d e f), (h i). Allez hop! Au secondaire! Peu importe si tu sais écrire mon coco!

Donc, ce n'est que tous les deux ans, en fin de cycle, qu'on évalue les compétences de votre enfant. Les autres évaluations décrivent seulement comment il développe cette compétence.

Ce n'est pas banal. Un élève ne peut donc plus reprendre sa première année, car on doit respecter son rythme et attendre en fin de cycle pour voir s'il doit reprendre une année. Ça doit être rough pour l'égo la deuxième année quand tu ne sais pas lire. Les études prétendent que c'est moins pire que de reprendre sa première année. Connerie. C'est cruel. C'est ignoble. Bande de salauds! Donnez-moi une crowbar quelqu'un...

Donc, pendant deux ans, il faudrait regarder le pommier pousser sans goûter la pomme. Yeah! Le fruit défendu poupée... Grrrr... Va falloir réécrire la Genèse et appeler ça "l'arbre de la compétence".

Je sais donc je suis. = Je suis compétent donc je suis?

Je sais que je ne sais pas. = Je n'ai pas la compétence d'être compétent?

Et la chanson... "Savez-vous planter des choux?" Non, mais vous êtes cinglés ou quoi? Va falloir "groover" fort pour que ça sonne...


05 novembre 2006

Bulletin 201

A L'élève développe sa compétence de façon remarquable.
B L'élève développe sa compétence de façon très satisfaisante.
C L'élève développe sa compétence de façon satisfaisante.
D L'élève développe sa compétence de façon insatisfaisante.
E L'élève développe sa compétence de façon nettement insatisfaisante.
NE Non évalué
& L'enseignant a utilisé une autre forme de communication.

Charmant hein?

Si l'élève ne développe pas sa compétence? Ok, c'est la mention E qu'on doit mettre. Faisons preuve de bonne volonté, et ne jouons pas sur les mots. Oui, mais... si je ne joue pas sur les mots, comment je fais pour savoir si l'élève mérite B ou C?

Si l'élève est vraiment plus proche du règne végétal que du règne animal? Ou s'il est du règne minéral... vous savez, la roche dans le coin de la classe. Oui, oui! Celui-là qu'on n’a même pas besoin d'arroser... Soudainement, il écrit quelque chose et ça ressemble plus à du français qu'à des hiéroglyphes. C'est remarquable ça... A?

Vous voulez un conseil? Vous n'en avez rien à cirer du bulletin. C'est dommage, mais c'est comme ça. Il n'y a plus de sommatif. L'évaluation est de plus en plus subjective. Pour mettre une note, l'enseignant doit faire la différence entre "parfois", "occasionnellement" et "quelques fois". Ça ressemble à ça et ne me demandez pas de les mettre dans l'ordre.

Vous voulez le retour aux chiffres et pourcentages? Ridicule. Vous ne savez pas ce que ça veut dire 74,2% en français. Ça dépend de la difficulté des tâches demandées à l'élève, des critères de corrections du prof et d'un paquet d'autres paramètres tous plus subjectifs les uns que les autres.

Quoi? Vous voulez savoir si votre petit s'est amélioré, mais on lui met toujours des B. Demandez au prof.

Prise 2
Quoi? Vous voulez savoir si votre petit s'est amélioré, mais on lui met toujours des B.
À chaque étape, les choses évaluées changent. Si votre enfant se voit attribuer un C en arithmétique et à l'étape suivante il a un B, mais on faisait plutôt de la géométrie, vous pensez qu'il s'est amélioré? L'exemple est mauvais, mais comme vous lisez ce blogue, vous êtes d'une intelligence supérieure à la moyenne et me comprenez très bien...

Ce que vous voulez vraiment, c'est savoir si votre petite chérie est meilleure que le petit dernier de la voisine. C'est normal. Même les spermatozoïdes sont en compétitions entre eux, alors ne faites pas cette tête. C'est correct d'être compétitif. Ne perdez pas de temps au confessionnal. Achetez une bonne bouteille au prof et posez la question: "C'est qui donc le plus meilleur de la classe?" Ben quoi... Moi je le dis quand on me le demande, et même si je raconte toujours que je peux me tromper, je fais preuve de conviction.

Pour conclure, la réforme, c'est une merde. Oui. Je le dis. Arrêtez de capoter sur les bulletins. Ce sont les fondements mêmes du renouveau pédagogique qui vont bousiller nos jeunes. En attaquant les bulletins, vous tirez sur le messager. Les compétences, on s'en fout. Vive le savoir! J'ai lu un truc quelque part dernièrement:

"Plus que tu sais d'affaires, moins que t'es épais."

J'adhère.

Faites lire vos enfants et lisez les mêmes bouquins. Ça fait des conversations intéressantes. Quoi? La littérature jeunesse ne vous branche pas? Alors, pourquoi brancherait-elle votre enfant? Y a des trucs vraiment bien et y a des trucs plus moches. C'est à vous de faire le tri.

P.-S. Tous les profs qui recevront une bonne bouteille en se faisant demander c'est qui pour vrai la bolle de la classe, portez un toast à ma santé...

Bulletin 101

Le second billet que j'ai écrit sur ce blogue s'intitulait : "Maman! Maman! J'ai kangourou en math!". Je l'ai écrit pour rien, car la CSDM vous fera bientôt part de sa nouvelle formule de notation pour le primaire.

Avant même de commencer à lire ce qui suit, dites-vous que les gens responsables de ces changements sont payés à même les deniers publics, c'est à dire, nos taxes.

Depuis l'instauration du renouveau pédagogique (la réforme...), les écoles primaires pouvaient déterminer elles-mêmes le format du bulletin. Certaines personnes prétendaient que la commission scolaire reconnaissait ainsi l'expertise et le jugement des gens qui travaillent sur le terrain. Sérieusement. Faut vraiment être naïf, pour ne pas dire cave... La commission scolaire n'était tout simplement pas prête. À vous de juger si elle l'est maintenant.

Avant cette année, il n'y avait pas de format imposé. Mais, il y un avait un format proposé : A-B-C-D. Ça aurait pu être pomme, banane, orange, raisin... ben non. Pas raisin! Ça pourrait faire de la grosse pé-peine à un ti-n'ami... Disons kiwi. On aime mieux se faire traiter de kiwi que de raisin.

Pas assez précis? D'accord. Voici le nouveau : A-B-C-D-E.

Comme l'an dernier, la mention A représente le résultat le plus élevé.

En fin de cycles, on avait droit à 1-2-3-4. Ils ont changé ça pour 1-2-3-4-5. Facile vous dites? On voit que vous ne savez pas à qui vous avez affaire. L'ancien 1 était le résultat le plus élevé. Maintenant, c'est la mention 5 qui est la plus forte. Désopilant.

À suivre...

04 novembre 2006

Sam

Imaginez un "crack addict". Il est noir, maigre, chétif. Il parle mal français. Il parle mal anglais. Ses mouvements sont nerveux, son regard vitreux. Entre ses tresses poussiéreuses, on devine une peau sèche et sale. Dans ses chaussures trop grande, il ne porte jamais de bas. Vêtements souillés, hygiène presque inexistante. Un sourire qui n'est pas communicatif et des pleurs qui sonnent faux. Un manipulateur maladroit. Il est lui-même la marionnette de ses besoins. Il veut sa dose. Il doit avoir son fix. Il est l'esclave, soumis à son maître, le crack. Son seul réconfort.

Il est en première année et il s'appelle Sam. Il ne fume pas de crack. Sa drogue, c'est l'amour et il est en manque. Il n'a pas d'ami, mais c'est un détail car il n'a pas de Maman, pas de Papa et pas de famille. Où sont-ils tous? Loin. Trop loin.

Quand Sam vous voit, il se blottit contre vous. Vous lui rendez sa caresse, mais vos vêtements garderont un peu de sa misère. Demandez-lui de reprendre sa place et c'est parti... Il chiale, embête les autres, sème la pagaille dans le rang. Mettez-le dans un coin pour qu'il se calme, il s'endormira. Moi aussi je dors quand j'ai de la peine...

Sam ne dépose pas les objets. Il les laisse tomber. Je me demande d'où ça vient.

02 novembre 2006

Mon choix est fait

Mon choix est fait. J'écouterai mon coeur. Il est où mon coeur? À la maison, en famille, auprès de ma blonde et de mon blondinet de fils. Peu importe mon choix, les chats ne verront pas la différence.

Je reste au primaire comme statue précaire avec le plus ultra meilleur projet de la galaxie. Je ne vivrai pas le stress d'une nouvelle job... pas maintenant. Je ne serai pas le guitariste (et pianiste bidon) qui dirigera médiocrement l'orchestre à vent. Je laisse la place à quelqu'un de plus compétent. Je ne serai pas le prof qui accepte un poste menant à la permanence pour se désister deux ans plus tard s'il ne s'est pas encore fait bumper parce qu'il est le moins ancien.

Mon fils ne passera pas une minute de plus que prévu à la garderie et moi pas une minute de plus dans le trafic.

Oui, l'horaire est mieux au secondaire.

Oui, la dynamique des profs me conviendrait mieux.

Oui, je pourrai peut-être faire mes super projets d'intégration des TIC qui sont sur la glace.

Oui, je pourrais peut-être, éventuellement, si on me donne la chance, quand la conjoncture économique le permettra, créer un programme de guitare classique et relancer la musique dans cette école. Sure thing baby...

Oui, je serais bon, même si je ne suis pas instrumentiste à vent.

Il y a six ou sept ans, l'occasion s'est présentée. Je commençais en enseignement, alors je ne comprenais pas l'enjeu du geste que j'allais poser. J'ai refusé un poste qui menait à la permanence! Et oui. Pourquoi? Parce que le directeur adjoint essayait de me convaincre par des arguments de nature pécuniaire, le salaud! J'y suis allé avec mes tripes et j'ai laissé les clefs du local sur son bureau. Il n'était pas content le p'tit gars... Oui. C'était un p'tit gars. Frustré de ne pas avoir pu m'acheter. Dommage... Les élèves que j'ai croisé semblaient me trouver sympa. C'est naïf des ados...

Une semaine plus tard, j'étais dans le bureau de mon actuel patron qui me regardait comme un extraterrestre. Après tout, je me vantais d'avoir refusé une permanence... Il avait donc deux choix : appeler le 911 ou me donner le contrat. Malgré mes cheveux longs et mon air désinvolte, il m'a offert le contrat! Plus flyé qu'on pense le patron...

Six ans plus tard, il me convoque dans son bureau.

Moi : À moi-même. "Bon... qu'est-ce que j'ai dit encore... À moins que ce soit quelque chose que j'ai fait..."

Moi: "Salut Patron, vous vouliez me voir?"

Lui: "Oui, assieds-toi."

Moi :"Ok. J'ai fait un truc un peu trop facho?"

Lui: "Pas vraiment."

Moi : "Excellent... Je déteste quand les élèves me dénoncent..."

Comme le veut la tradition, il ne me trouve pas drôle.

Lui : "Je sais que tu travailles fort pour le projet et qu'on ne peut pas te payer pour toutes les heures que tu investis."

Moi: "Personne ne me force..."

Lui : "Justement. Alors, pour te montrer ma reconnaissance et souligner ton apport exceptionnel, j'ai posé ta candidature pour le prix spécial du premier ministre."

Il me tend un document d'une dizaine de pages. Un document qui parle de moi et de ce que je fais dans le projet.

"Heu... wow... je suis vraiment touché."

"Je pense qu'on a de sérieuses chances d'aller faire un tour à Ottawa!"

Je n'ai jamais eu de nouvelle de Harper et ce n'est pas bien grave... Je préfère Florence ou Barcellone. Ottawa, c'est pas vraiment mon truc.

Pourquoi je raconte ça? Besoin d'attention? Oui! Mais aussi, quand ce genre de truc arrive, c'est qu'on est à notre place.

Ben, c'est ça. Je n'ai pas dit mon dernier mot dans MON école. Je le fais pour moi. Ce n'est pas parce que le train ne passe pas souvent qu'il faut y monter. Moi, je reste du mauvais côté de la traque, là où je fais une différence...

Yes! Je n'ai pas mis les élèves dans la balance! Sinon, ce n'était pas fair, j'étais certain de rester...

01 novembre 2006

Dilemme

Ce soir, je me demandais bêtement si j'allais parler de l'élève de première année qui a l'air d'un junky, de Mustafah qui est dû pour être brisé ou bien des nouvelles directives de la commission scolaire concernant les bulletins (les parents vont saigner du nez!). C'était un choix difficile, mais, comme vous le savez tous, sortir le compost porte conseil. C'est donc en écolo accompli que je remonte, au péril de ma vie, l'escalier couvert de feuilles mortes... Ça va dans le compost des feuilles mortes?

Dring! (C'est le téléphone...)

"C'est pour toi mon amour..."

"Ça doit être un sondage ou la banque qui veut me vendre un truc..." (que j'me dis.)

Et bien non. C'était la madame de la commission scolaire qui m'offre un poste qui mène à la permanence.

La sacro-sainte permanence. Dans le sens de: "je sais où je travaille l'an prochain" ou si vous préférez : "j'ai une job". Après sept ou huit ans à contrat, au mois de novembre, à l'heure du souper, c'est assez déstabilisant.

"Heu... c'est dans quelle école?"

Dans une école secondaire. Milieu défavorisé. Secondaire 1 et 2. Seulement musique. Pas de religion, formation professionnelle et sociale ou autres trucs bidon. Tout à construire... Comment je sais ça? Il y aurait de la musique jusqu'en secondaire 5 si c'était du solide... Je spécule.

Ça, ça veut dire que lorsque je vais négocier une hypothèque, je serai solvable? Oui monsieur! Hein? Moi proprio...

"Est-ce qu'on peut trianguler? Je traîne un gros projet et pas mal d'enfants sont impliqués... dans le genre 120 dans quatre écoles différentes..."

"Pas de triangulation possible. Il n'y a personne en poste."

Chers non-initiés, comprenez-vous ce que ça implique? La semaine prochaine, je n'enseigne plus dans mon école. Fini, kaput, mort. Mes élèves de sixième que j'ai connu en maternelle : ciao bye. Le projet de comédie musicale dans les quatre écoles, le savant fou, le canon (beige), les 5000 personnes qui verront le spectacle, Wannabe, Dekoijmemêle et même Élève Probophobique : sayonara, harakiri... what ever... finito, kaboum!

Dans mon école, les parents capotent à la soirée des finissants. Les élèves m'applaudissent plus fort que leurs titulaires. C'est prétentieux ce que je viens de dire? D'accord. Voici l'explication scientifique. Il y a deux classes de sixième. Ils m'applaudissent tous avec la même ferveur tandis que leur enthousiasme est divisé entre deux titulaires. Donc, c'est moi qu'on applaudit le plus fort! Deal with it. Moi ça me touche à chaque fois... plus que les 5000 au théâtre.

Elle était fine la madame : "Choisis avec ton coeur...". Bordel... avec mon coeur. J'ai un petit gars de 1 an, une blonde que j'aime comme un fou, deux chats et des trous dans les poches. Tout ça dans un petit 4 1/2 où on se pile sur les pieds. Voilà il est où mon putain de coeur!

Le plus chiant: il y a trois autres profs avant moi sur la liste qui doivent la rappeler demain. Moi aussi je dois la rappeler demain et il y a sûrement quelques profs après moi sur la liste qui doivent la rappeler demain... Donc, je me tape ce dilemme peut-être pour rien.

Avec le coeur... Ben oui, c'est si clair!

25 octobre 2006

On se fait du cinéma

Je lisais les commentaires de mon dernier billet et je me tapais sur les doigts. Oui, certains profs de musique au primaire sont totalement nuls. Ils sont de très mauvais musiciens et n'en ont rien à cirer. Je n'ai aucune pitié pour eux. Je suis écoeuré d'être associé à eux. Quand on me demande ce que je fais dans la vie, je suis gêné de répondre à cause d'eux. Qu'on allume le bûcher! Au pal! Au pal!

Par contre, il faut faire attention. Dans beaucoup d'écoles, les profs de musique n'ont même pas de local. Ils se promènent de classe en classe avec un chariot où peut tenir le peu d'instruments dont ils disposent. D'autres ont un local, mais pas d'instruments. Ils ont donc le choix : flûte à bec ou rien. Si seulement ils pouvaient fouiller dans les armoires des incompétents ou des écoles où les incompétents sont passés...

Et même si on a un local et des instruments, n'oubliez pas qu'on doit enseigner avec le même équipement à tous les groupes. Feriez-vous des maths avec le même matériel de la maternelle à la sixième année? Et le répertoire, il ne tombe pas du ciel. Je compose ou arrange environ 95% de ce que mes élèves jouent. On s'attend à ça du titulaire? Avec la réforme, oui! Mais bon, c'est quand même du boulot. Alors, avant de crucifier la tête en bas votre prof de musique, posez-vous certaines questions. S'il s'avère vraiment nul, je planterai moi-même les clous en prenant soin de bien ponctuer les incantations de Prof Maudit. Wow! de l'intégration de matière! Musique-Religion. Voilà pour l'incompétent.

Après l'incompétent, l'autre ennemi juré du spécialiste en musique, c'est le cinéma. Oui madame... Le grand mensonge hollywoodien lance un message erroné. Ce que vous voyez et entendez au cinéma n'a rien à voir avec les capacités d'une classe d'élèves du primaire ou du secondaire. Vous avez vu le film Music of the heart (Les violons de l'espoir) avec Meryl Streep? Ce n'est pas parce que c'est réalisé par Wes Craven (oui, oui... le créateur de Freddy, le réalisateur de Nightmare on Helm Street!) que je m'exclame : "BULLSHIT!".

C'est une histoire vraie. C'est possible. Il y a des profs de cette générosité. C'est un magnifique hommage à la profession. MAIS... Y a un truc qui cloche : ça sonne trop bien. Ils engagent des putains de professionnels pour jouer la musique. Même un orchestre de chambre de secondaire 5 en concentration musique ne sonne pas si juste toujours et partout. Come on... C'est des enfants du primaire d'un quartier défavorisé de New York qui se tape du violon... Sérieusement... Pitié...

On peut dire la même chose de Sister Act (Rock'n Noone) avec Woopy Goldberg et Mr. Holland's Opus avec Richard Dreyfuss. C'est bien beau tout ça, mais ce n'est pas comme ça que ça sonne dans la vraie vie.

Le phénomène peut s'étendre à toutes les matières. Mademoiselle C = totale bullshit. La classe la moins performante de la commission scolaire? Ils sont des génies comparativement aux classes de 6e année que j'ai pu voir durant mon humble carrière. Des troubles de comportements? Laissez-moi rire. L'auteure n'a jamais mis les pieds dans une classe TC. On ne pourrait même pas y faire un film classé "Pour tous ". Et les enfants dans cette classe... ils apprennent quoi au juste? Qu'ils sont capables? Que l'école c'est cool? Que le théâtre c'est bien? Que parler à une roche ça passe? Oups... Sérieusement, ils n'apprennent nada. Ça ne tombe pas du ciel les accords de participe passé et les conjugaisons. Bordel que ça m'éverve!

Ça fait que le "bitchage" contre les profs, c'est un art qui s'acquière par la patience et la méthode. Mais comme je suis juste et bon, vous avez quand même le droit de vous pratiquer sur ce blogue.





24 octobre 2006

Signes avant-coureurs

Si j'écris trois billets en ligne qui s'avèrent chialeux et de tendance bitch, c'est que je vais être malade. Moi qui croyais qu'après avoir payé mes études en travaillant dans un hôpital pour ensuite enseigner à des p'tits morveux du primaire, j'aurais le plus ultra meilleur système immunitaire de la planète... Putain de garderie!!!

Je ne peux même pas aller déverser le flot de mes connaissances sur ma gang de flos. Oups... est-ce anti-réforme ce que je viens de dire? Shit! Je suis maintenant obligé de prendre une journée de congé supplémentaire... Voyons voir. J'ai le choix entre Le Tartuffe (Ben quoi? On ne peut quand même pas avoir tout lu...) et le dernier Anne Rice.

Non Martin, je ne suis pas hypocondriaque. Je suis vraiment malade pour vrai...

22 octobre 2006

Pourquoi récalcitrant?

Mes élèves sont mon seul espoir. Sans eux et tout ce qui vient avec, ce blogue est d'un ennui mortel. On en est à parler de la réforme et du renouveau pédagogique. Un peu plus et on se met à citer des gens sérieux. Quelle horreur! On ne se moque même pas des infâmes personnages qui nous imposent toutes ces conneries. Non, mais ça va pas? On est en train de ne pas rigoler!!!

Si on continue comme ça, je vais finir par me plaindre qu'on coupe musique dans les écoles... Mais qu'est-ce que je raconte là? Voyons... on ne coupe pas musique. Personne ne voudrait couper musique. C'est génial musique. Sérieusement, tout le monde le sait: c'est le gym du cerveau la musique. Tout le monde est d'accord avec ça. Même vous! N'importe quel psycho-neuro-kino-machin vous le dira: la musique, c'est "hot pour le brain!"

Alors, quand on ferme musique, c'est pour se débarrasser du prof qui ne sait pas quoi faire avec les élèves. Comme on ne peut pas changer le prof, on change la matière. Ouch... je viens de me faire un tas d'ennemis là. Mais les autres... vous allez être mes amis, hein? Dites oui...

Ça me rappelle l'an dernier. À peu près à la même date. Je suis dans une des écoles du projet.

Moi : Tout heureux de rencontrer une consoeur prof de musique. "Salut! C'est toi qui enseigne musique ici cette année?"

Elle : "Oui. Tu es prof de musique aussi?"

Moi : "Oui mais je viens ici seulement une fois par semaine pour un projet. T'étais où l'an dernier?"

Elle : "À l'École ***. Mais ils ont coupé musique."

Moi : "Ah... dommage. Mais bon, ici, il y a toujours musique. En plus, il est vraiment grand le local. J'aimerais ça avoir un grand local comme ça. Très utile pour la création sur instruments... En passant, où sont tous les instruments? Je suis passé devant le local et il était vide."

Elle : "Je les ai rangés dans les armoires."

Moi : "Hein? Pourquoi?"

Elle: "Ça énervait trop les enfants."

Moi : "Héhéhé... Moi, c'est quand je ne les laisse pas jouer et que je parle que ça énerve les enfants..."

Elle : Froidement. "Ah oui?"

Moi : "Et vous les sortez à chaque cours?!?"

Elle : Sur la défensive. "Non."

Moi : "Ben... qu'est-ce que vous faites? Vous jouez sur quoi?" Je commence à me bidonner.

Elle: "On fait des jeux de rythmes et des chansons."

Moi : "Des jeux de rythmes? Sans instrument? Dans les mains?"

Elle : "On frappe par terre aussi... avec des bâtons..."

Moi : "Ah oui... par terre... les bâtons..." J'essaie d'être optimiste. "Tu sais, vous avez un super bon synthétiseur dans l'entrepôt!"

Elle : "Je ne sais pas jouer. Je suis ***insérer un instrument monodique suivi de iste, par exemple, gazou-iste***."

Moi : "Cool... Tu connais le concerto de ***insérer le nom d'un compositeur québécois du 20e siècle qui a écrit un magnifique concerto pour son instrument***?"

Elle : "De qui?"

Moi : Et puis zut, je vais être chiant! "Laisse faire... je divague. Tu sais, c'est facile d'accompagner les enfants au clavier. Je ne suis pas pianiste et je le fais. Après tout, les notes sont là et tu n'as qu'à appuyer dessus. Ça ne marche pas pour les études transcendantales de Liszt, mais dans les tounes de Noël, ça fait la job..."

Elle: "..."

Moi : "Bon... et bien, bonne année scolaire. Si tu veux le clavier, il est dans l'entrepôt." Héhéhé.

Elle : "Tu es dans quelle école? As-tu plus de 60% de tâche? C'est un contrat?"

Oups! Ça sent le bumping...

Moi : "À l'école ***. C'est bizarre la tâche là-bas. Des brindilles... Je bosse surtout sur le projet et ce n'est pas vraiment une job de prof de musique. Pas mal de théâtre et des arrangements à faire. Il faut aussi accompagner et diriger les élèves dans les spectacles. Pas mal de boulot le soir et la fin de semaine. Un horaire qui déborde et un petit local. Le tout, en milieu défavorisé." (Le pire c'est que c'est vrai!)


On ne s'est plus adressé la parole. Cette école a fermé musique complètement cette année. Y a une couple de profs comme ça qui ferment musique partout où ils passent. Pourquoi? À vous de deviner. Par contre, le bac en enseignement de la musique est vraiment bidon. Mais un bidon, ça peut se récupérer...

Espérons que les élèves seront rigolos demain.

20 octobre 2006

Je m'explique

Je ne suis pas anti-réforme. Même si j'ai dit que c'était de la m... Et devinez quoi... Je ne suis pas non plus pour l'école traditionnelle! Pourquoi? Parce que c'est de la schn...? Pourquoi je dis ça? Ben voyons. Par soucis d'équité et parce que je suis daltonien!

Je crois tout simplement en une école hybride. Une école qui tiendra compte des besoins de l'enfant et comme les enfants sont tous différents, cette école se doit d'être hybride (tendance schizo à personnalités multiples). Vous ne pensez quand même pas qu'avant la réforme, tout le monde était savant, mais incompétent. Il serait tout aussi faux de croire que les élèves du renouveau sont compétents, mais ignorants. Tout n'est pas noir ou blanc... même pour un daltonien.

Avant le renouveau pédagogique, le projet auquel je participais faisait très "réforme". On nous citait même comme exemple et on gagnait plein de prix que nos directions d'écoles avaient la gentillesse d'aller chercher pour nous. On donnait la chance aux élèves de mettre en oeuvre leurs savoirs et de développer des compétences connexes.

"Ah! Les compétences transversales?"

"J'sais-tu moé? On a un show à monter..."

On utilisait ce que les élèves avaient appris pour le projet et on utilisait le projet pour leur apprendre ce qu'ils n'avaient pas appris. Du moins, on essayait... Ensemble. Profs et élèves partageant un même but: faire un ostie de bon show. Eh oui! Du socioconstructivisme qui fonctionne. Les élèves étaient tellement impliqués qu'on aurait presque pu parler d'autosocioconstructivisme, mais comme on ne se prend pas trop au sérieux, on se disait tout simplement que c'était la cerise sur le sundae.

Il y avait des savoirs et des compétences. C'était correct. Pas de morts et presque pas de blessés. Ça ne marchait pas toujours parfaitement, mais c'était mieux que l'école traditionnelle et surtout, mieux que la réforme. Ce n'était ni l'un, ni l'autre. C'était les deux. On manquait juste d'un peu de fric pour de l'orthopédagogie, des classes moins nombreuses et plus de projets. No big deal...


J'ai un secret pour vous: on le fait toujours ce projet... C'est juste plus difficile, car maintenant, il n'y a plus de sundae... juste un tas de cerises même pas dénoyautées qu'on s'efforce de faire tenir en équilibre.

Bordel... moi qui voulais seulement voir si j'avais des commentaires....

19 octobre 2006

J'ai frappé un mur

Comme les initiés le savent déjà, chaque année, je fais écrire un "gros show" aux élèves de quatre écoles. Ça fait six ans que je bosse sur ce projet et c'est la cinquième année que je me tape l'écriture avec les enfants. Chaque année, au même moment, avec le même genre de clientèle, dans les mêmes écoles, je passe par les mêmes étapes. Ça fait trois ans que c'est faible... de plus en plus faible, année après année, les élèves sont de plus en plus... poches!

Le problème, c'est la réforme. Des fois, j'ai l'impression qu'on parle aux murs.

Moi: "L'augmentation de mes exigences serait-elle inversement proportionnelle aux exigences amenées par le renouveau pédagogique?"

Le mur : "..."

Moi : "Heille le mur, t'as déjà entendu un truc dans le genre : le quotient intellectuel d'une foule est inversement proportionnel au quotient moyen de ladite foule?"

Le mur : "..."

Moi : "Ben non t'as pas entendu ça. C'est n'importe quoi. Il est seulement plus faible. Il n'est pas nécessairement inversement proportionnel."

Le mur: "..."

Moi : "Les élèves ne sont pas plus cons qu'avant. C'est seulement que le savoir n'est plus valorisé. Avant, quelqu'un qui savait plein de choses passait pour quelqu'un d'intelligent ou, à la limite, de cultivé. Maintenant, on lui demande de se taire pour ne pas faire de la grosse pé-peine aux autres amis qui ne savent fuckin' rien. Pourquoi je m'emporte? Parce qu'il y en a une gang qui aurait dû couler, mais c'est anti-réforme. Donc, pour ne pas leur faire de grosse pé-peine, c'est plus gentil de ne pas les couler."

Le mur : "..."

Moi : "Mais quand tout le monde connaît la réponse sauf eux, quand tout le monde comprend la tâche à accomplir sauf eux... c'est mieux pour leur égo?"

Le mur : "..."

Moi: "À ce qui paraît, les études démontrent très clairement que le redoublement serait très néfaste pour l'enfant... et pour le budget des commissions scolaires."

Le mur : "..."

Moi : "Tu le sais... j'ai une méchante bonne gestion de classe. L'éducateur spécialisé ne doit même pas savoir où est mon local. J'enseigne aux enfants-rois, aux pauvres, aux beaux, aux laids, aux touts croches (TC) et même aux probophobiques et... ça marche! On m'a insulté, menacé, frappé, accusé... On a essayé de me traîner dans la boue... Mais je suis encore là et j'aime encore les enfants et ma job. Je tripe sur le projet dans lequel j'ai l'honneur de travailler. Des dizaines d'enfants ont joué à mon putain de cours au service de garde."

Le mur : "..."

Moi : "J'suis tellement crevé le soir que je n'ai même plus la force de faire le nec plus ultra de tout ce que l'humanité n'a jamais daigné faire : de la musique. Pourtant, je suis encore là."

Le mur : "..."

Moi: "Mais le fait qu'avec le renouveau pédagogique, on nivelle vers le bas en se donnant des tapes dans le dos. Que les décideurs ne connaissent rien au terrain. Qu'on favorise les compétences au détriment du savoir. Qu'on joue à l'autruche en sachant très bien que la réforme, c'est de la grosse... bah... et puis zut! Je le dis : De la grosse merde! Toute cette connerie, ça me donne le goût de tout balancer et de faire autre chose de ce qui reste de ma minable existence."

Le mur : "T'es même pas game..."

Moi : " Ta gueule!"


18 octobre 2006

La plus jolie fin du monde

Vous êtes chanceux. Je ne vous parle pas de moi aujourd'hui. Ça n'a même rien à voir avec mon blogue. Je ne suis même pas certain que c'est un blogue... c'est juste beau. Quand on étudie en musique (sauf en enseignement), on répond à un appel. C'est ce que cette jeune femme vit et nous raconte. Ça me manque... les vieux pianos du Cégep St-Laurent, la faculté en haut de la côte, les cours d'analyse...


Je vous invite à commencer par le début et à y plonger... mais revenez me voir un jour.

17 octobre 2006

Lapsus linguae

Parfois, deux fils se touchent dans mon cerveau et je dis de drôles de choses. Aujourd'hui, alors que je m'exhibais devant une cinquantaine de personnes dans un atelier, j'en suis venu à parler d'opéra (comme par hasard).

"Mais Prof Malgré Tout, pourquoi travaillez-vous sur des oeuvres obscures avec les enfants? Vous pourriez les initier aux grands chefs-d'oeuvre du répertoire."

Très bonne question. J'avais envie de répondre un truc dans le genre : "Parce que les opéras connus sont toujours à propos d'un ténor qui veut se faire une soprano, mais une basse l'en empêche" ou le célébrissime : "de quoi je me mêle?". Mais, comme je suis juste et bon, je lui servis une réponse un peu plus respectueuse du contexte:

"Lors du choix, nous devons, en plus de sélectionner un opéra ayant une thématique qui sera exploitable par des enfants du primaire. Nous devons donc, dis-je, observer quelques principes éthiques. Comme par exemple, l'an dernier, nous ne pouvions pas travailler sur cet opéra de Britten dans lequel des enfants sont séquestrés par un adulte dont les intentions sont plutôt lugubres et impures. Ça n'aurait pas vraiment fonctionné avec les directions et les parents. Cette année, La Traviata n'était pas une option non plus. Après tout, c'est l'histoire d'une... prosti... heu.. ben... d'une... courtisane... Pour ceux qui ne sont pas familiers avec l'opéra, vous avez vu Moulin Rouge? C'est à peu près la même histoire. C'est tiré du truc de Dumas fils... La Dame aux... clamédi... cléma... clama... oups. Ben comme je vous disais, elle n'est pas très fréquentable, la dame aux... clamédi... ARGH! Bordel! CA-MÉ-LI-AS."

Et moi qui me moque des allocutions du Ministre F*******. Tout comme Jean-Marc, je devrais m'en tenir à la formule sujet-verbe-complément.

15 octobre 2006

Lire en été (la suite)

L'enquête se poursuit. Après m'être infiltré dans la populace locale, j'ai pu avoir accès à des choses inimaginables, voire même indicibles. Donc, comme je ne peux pas les dire, je vous transmettrai l'horreur en image.

Je dois d'abord vous prévenir : ce que vous allez voir est très dur. Les âmes sensibles devraient s'abstenir.


Premièrement, vous devez oublier tout ce qu'on vous a appris sur les livres. Pour ma part, le livre était quelque chose qu'on lit et qu'ensuite, on range dans une bibliothèque en attendant de le relire ou bien de le refiler à quelqu'un.



Comme j'étais naïf. Voici des usages pratiqués en milieu fermé. N'essayez pas ça à la maison.

L'usage pratique



L'usage aéronautique


L'usage zoologique
L'usage narcotique (parfois appelé pharmacologique)
Et comble de l'horreur, l'usage scatologique
Les images que vous venez de voir ne rendent pas justice aux atrocités auxquelles j'ai assisté. Malheureusement, lors de ma capture, les indigènes (ben quoi?) ont détruit mon appareil photo. J'ai donc dû créer une simulation et revivre ce cauchemar pour ne pas vous laisser dans l'ignorance.

J'aimerais vous dire qu'aucun livre n'a été détruit pour ce reportage. J'aimerais bien ça...

Un petit mot pour les commissaires. Quand vous voulez donner un livre à une bibliothèque. Vous prenez le livre et vous le donnez à une bibliothèque. Je sais que c'est moins "glamour" qu'un beau gros projet comme "Lire en été", mais au moins ça marche.

Quoi? Y'a plein de jeunes qui ont rapporté leur livre? Ouain pis? Ça veut dire qu'ils ont déjà une culture du livre. Continuez comme ça et on va penser que vous êtes de mise avec des maisons d'édition...

Lire en été

Nos amis les commissaires se sont surpassés l'an dernier. Comment? Par le projet "Lire en été". Tadam!

Ils ont ciblé deux problèmes : les bibliothèques des écoles sont pathétiques et les élèves ne lisent pas assez. Tadam!

Comment ça tadam? Moi, je ne vois qu'un seul problème... mais bon.

On sait tous que la désuétude des bibliothèques de nos écoles n'a d'égal que la platitude des étés de nos enfants. Quoi? Vous ne le saviez pas? Même les commissaires en sont informés et dans leur grande sagesse, ils apportent ze solution : "Lire en été". Tadam!

Comment ça marche? À la fin de l'année scolaire, la commission scolaire donne un livre à chaque enfant du primaire. Pendant l'été, l'enfant se tape le livre. En septembre, l'enfant rapporte le livre qui rejoindra les atlas de L'URSS dans la bibliothèque de l'école. On fait donc d'une pierre deux coups. Tadam!

Tadam? Non... Pas tadam. RI-DI-CU-LE! J'sais pas à Outremont, mais dans mon quartier, ça n'a pas marché fort-fort. Les livres n'étaient pas de la rentrée. Dans certaines classes, le taux de retour est inférieur à 50%. Où sont donc les livres?

Pour vous, chers lecteurs avides de "vérités", Prof Malgré Tout, n'écoutant que son courage à deux oreilles, a ouvert l'enquête et voici les résultats de l'enquête préliminaire :

Moi : "Vous avez lu le livre qu'on vous a donné en juin?"

La classe : "Quel livre?"

Moi: "On ne vous a pas donné un livre chacun l'an dernier? Un livre que vous deviez rapporter à l'école en septembre..."

Wannabe : "Ah oui... Je l'ai lu en un après-midi."

Une autre: "Ouais... moi aussi."

Élève gonflable: "Moi je l'ai lu dans la classe pendant les derniers jours d'école."

Un autre : "Moi je l'ai même pas lu..."

Moi: "OK. Et ils sont où vos livres maintenant?"

La classe : "..."

Élève probophobique : "Moi je l'ai rapporté."

J'espère qu'elle l'a rapporté. Qui sait ce qu'on lui aurait fait... Peu importe, la majorité des livres ne sont pas revenus à l'école. Combustion spontanée? Enlèvement extra-terrestre? Lecture jusqu'à l'usure totale? Toutes ces options sont possibles. Que l'enquête commence!!!



À suivre...

13 octobre 2006

Service non compris

Voici le billet que j'ai fais pour le journal. J'avais quelque chose à dire depuis un p'tit bout... ça faisait trop longtemps que ça traînait.

Dans un bar, y’a une quinzaine d’années.

Mon chum Hugo débarque avec une fille. Moi, le sale con, je paie un verre à la fille et la fait danser... Plus tard en soirée :

Hugo : « C’est facile pour toi. »

Moi : « Hein? »

Hugo : « Tu joues de la guitare, tu chantes, tu fais du théâtre et en plus, tu fais du fric... »

Moi : « … »

Je n’étais pas capable de lui dire : « Oui, mais toi, tu es ***insérez les qualités ici*** ! » Pourtant, je l’aimais Hugo... Dommage qu’on se soit perdu de vue.

La moitié d’une vie plus tard, dans ma classe.

Moi : « J’ai besoin d’un volontaire pour une mission dangereuse. »

La classe : « Moi!!!»

Moi : « Votre mission, si vous l’acceptez, consiste à transmettre ce message (carte d’absence) au secrétariat. N’oubliez pas que si vous êtes capturé, vous ne devez en aucun cas me trahir sinon… »

Élève Probophobique : Craintive « Sinon quoi? »

Moi : « Sinon… Tu coules musique! »

Élève Wannabe : « Heille! T’as même pas le droit! »

Moi : « Comment? Tu oses me mettre à l’épreuve? »

Wannabe : « Non… En passant, ton cours est le meilleur au monde et j’aime ta coupe de cheveux… »

Moi : « Voilà qui est mieux. En passant, Wannabe aura en « A » en musique au prochain bulletin et je lui confie la mission… pour m’en débarrasser. »

Wannabe : « J’espère être capturé… »

Moi : « Pas autant que moi… allez file! »

Il jubile. Les autres sont déçus. Les enfants aiment rendre service. Ce n’est pas une qualité, c’est de nature.

Vous connaissez les plans d’intervention adaptés (PIA)? Anciennement, on appelait ça des plans d’intervention personnalisés (PIP), mais…

« Comment était ta journée au travail chéri? »

« J’suis crevé! J’ai fait des PIPs toute la journée... »

Le PIA, donc, est un bon outil. L’enfant se fixe des objectifs, et pour les atteindre, il utilise ses qualités. On met donc l’accent sur les forces du jeune. Malheureusement, dans certains cas, tout ce qu’on trouve dans la section « force(s) et qualité(s)», c’est que l’élève est serviable... Quoi? C’est tout? Heille! Le PIA implique l’enfant, le prof, la direction, le psychoéducateur et le parent. Tout ce beau monde signe le plan et la seule qualité qu’ils ont trouvée est que l’enfant est serviable? Ça fait peur...

Y’a un peu moins que la moitié d’une vie

Moi : « Salut J-F! Qu’est-ce que tu fais de bon? T’as des nouvelles d’Hugo? Ça fait une mèche qu’on s’est vu. »

J-F : « Tu ne sais pas? »

Moi : « ...? »

J-F : « Suicidé... Pendu dans son appartement... »

Faut-il attendre au service funéraire?

Le prêtre : « Notre défunt frère, Hugo, était un gars... heu... serviable? »

J’aimerais mettre mon fils dans ses bras... On les trouverait ses qualités.

Je n’ai jamais vraiment pris le temps de te le dire... Adieu Pierre-Hugues.


12 octobre 2006

Théologie 101

Je sais... encore cette affiche. Mais que voulez-vous? Nous sommes en présence d'une intarissable source de réflexions théologiques. Comment résister?

Cette fois, nous sommes en classe TC (trouble de comportement). En gros, cette classe est composée de deux sortes d'élèves: les délinquants et les bizarroïdes. En passant, ma définition d'une classe TC n'est pas celle du Ministère... ils n'ont rien compris.

Donc, TC, troisième cycle. Ils connaissent la comparaison des plus jeunes avec Adam et Ève. En rang, à la fin du cours.

Bizarroïde : Pointant l'affiche. "Heille... c'est Dieu."

Éducatrice : "Consigne de rang. Un crochet."

Délinquant : "Ben non épais... c'pas Dieu."

Éducatrice : "Respect de l'autre, un crochet."

Délinquant : "Tu capotes... j'ai rien dit."

Éducatrice : "Respect de l'adulte, un crochet."

Bizarroîde: "C'est Dieu pour vrai?"

Éducatrice : "Tu penses réellement que ça pourrait être Dieu?"

Moi : "Donne-lui une chance. Il doit être raëlien."

Délinquant : "C'est même pas Dieu! C'est les deux zozos qui font l'annonce de côtes levées."

Moi: "Hein?"

Éducatrice : "Il veut dire les Denis Drolet. En passant, c'est une pub de PFK."

Bizarroïde : "PFK? Hum... Moi j'aime la peau!"

Moi : "T'en fais pas... Raël aussi il aime la peau..."

Bizarroïde : "Huh?"

C'est bien la preuve que la religion dans les écoles, c'est immoral.