28 novembre 2006

Étoile

Mon cours est une sorte de jeu télévisé où les équipes gagnent et perdent des étoiles dans une lutte sans merci. Seulement les vainqueurs obtiendront un petit collant. Pour les autres : nada!

J'vais raconter cette anecdote à mon fils plus tard.


Aujourd'hui, en troisième année, les carillons ont gagné.

Cédrik : C'est quoi le collant.

Moi : Une petite étoile...

Une petite cute : Une petite étoile qui veille sur nous...

Cédrik connaît l'expression de la petite étoile qui veille sur les gens, mais son étoile à lui n'est plus sur la garantie. Il est en foyer d'accueil.

Moi : Ça va?

Cédrik : Ouais... je peux le donner mon collant?

Moi : C'est ton choix. Tu l'as gagné.

Il se dirige vers la photo de mon petit gars d'un an et y colle son étoile. Bordel... Un petit gars en foyer d'accueil a donné son étoile à mon fils.



27 novembre 2006

Enharmonie

Moi (le gun sur la tempe... ma tempe) : OK. Pour la xième fois... Que ça soit écrit Sib ou La#, tu tapes là-dessus au bon moment et tout le monde est content.

Élève Casse-Pied : Oui mais moi, j'en ai pas de si bémol.

Moi : La dièse... même note, même son... Je l'ai expliqué déjà trop souvent et de trop de manières différentes. Tu tapes là ou j'te coule!

Casse-Pied : J'en ai pas non plus.

Moi : Argh! Oui tu en as un.

Casse-Pied : Non, moi, c'est écrit Bb!

Un autre : Comment ça bébé?

Moi : Au secours! Pas bébé comme dans: gaga gougou... je suis immature... gaga tagaaa... B pour la note si et b pour bémol!

Casse-Pied : Huh?

L'autre : Pourquoi c'est pas toute pareil?

Wannabe : Ouain... on peut-tu jouer là?

Moi : NON! Y a environ 500 ans, y a un type allemand qui s'appelait Luther et qui ne tripait pas vraiment catholique.

Un smatte : Un arabe ou un juif?

Wannabe : C'était ton grand-père?

Moi : Luther?

Wannabe : Cool! Prof Malgré Tout a un grand-père arabe!

Moi : Ouais... c'est sûrement ça... un boche arabe! Come on... Alors, le boche pis sa gang...

Le smatte : Sa gang d'Arabes?

Moi : Tu m'énerves... Non! C'était des Esquimaux... N'importe quoi.

Le smat : Hein?

Casse-Pied : Y faut dire des Inuits.

Moi : Quand je parle des Esquimaux, je parle des popcycles.

Casse-Pied : Ah ok!

Me semble que t'as compris...

Moi : Alors, le boche pis sa gang de popcycles ambulants ne voulaient pas qu'on appelle les notes Do-Ré-Mi-Fa-Sol-La-Si-Do. Pourquoi? Ça venait d'un poème d'un moine catholique: Guido d'Arezzo.

Un autre : Ça sonne même pas arabe comme nom...

Moi : J'ai dis que c'était un popcycle!

Un élève : Tu le connais le poème?

Moi : Tu trouves que j'ai l'air d'un popcycle qui récite des poèmes? Je sais seulement que ça commence par "ut" et que c'est l'ancien nom de do. Peu importe. Pour des raisons religieuses, les Allemands et les Anglais, utilisent A-B-C-D-E-F-G pour nommer les notes. A est LA, B est SI, C est DO. etc... Donc... Bb est...?

Un élève : On peut-tu jouer là?

Moi : Non! Tout le monde, déposez vos baguettes et vous écoutez... ARGHHH! N'oubliez pas qu'on est au troisième étage.

Wannabe : T'es même pas game...

Moi : Shhhhh... Casse-Pied ne le sait peut-être pas.

Casse-Pied : Heille... J'ai entendu.

Moi : Y a personne qui joue tant que vous ne me dites pas les trois trucs qui peuvent être écrits sur la note Si bémol...

Wannabe : Si bémol, La dièse ou Bb. On peut-tu jouer là?

Moi : Tu m'énerves... Et c'est qui qui utilisent B à la place de SI?

Wannabe : Les Arabes.

Moi : Non! Les Esquimaux! Prenez vos baguettes et je coule tous ceux qui ne trouveront pas le Si bémol! ... Casse-Pied!

Casse-Pied : Huh?

Moi : Tu lèves encore ta main et je te coule!

La classe : Ouais!

26 novembre 2006

Déception totale

Je suis déçu. Je pensais que vous vous exprimeriez un peu mieux, que vous seriez un peu plus convaincant, que je respecterais votre point de vue, peu importe le mien... Y a quand même des gens qui ont voté pour vous quelque part... non? Un peu de charisme? Non mais bordel... faites quelque chose. C'est vous le patron, Saïb!

Malheureusement, vous ne passez pas le test Monsieur le Ministre. Vous ne répondez pas aux exigences. Vous ne ressemblez même pas à Louis de Funes...

Je ne suis pas certain que c'est votre job, mais vous semblez ne pas comprendre les fondements de la réforme... Quoi? Nous sommes trop stupides pour comprendre si vous allez plus en profondeur? C'est vrai... c'est les profs qui n'ont pas compris... Étant enseignant, j'oublie tellement facilement... de quoi on parle déjà?

Vos connaissances du terrain sont erronées. Les gens qui vous conseillent vous mentent ou ne sont pas compétents. Ça sonne assez réforme mon truc?

Et quand vous mentionnez une entente avec les enseignants et une convention collective, c'est de la loi 142 dont vous parlez? Un peu facho comme entente...

Vous ne méritez pas un pixel de plus.

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Je fais dans la pub aujourd'hui.

Ce soir, à l'émission Tout le monde en parle, Jean-Marc Fournier, Ministre de l'Éducation et de quelques autres trucs. Mon petit doigt me dit qu'ils vont parler de bulletin et non des fondements du renouveau pédagogique. On s'en fout des bulletins. Encore une fois, on tire sur le messager. Réveillez bordel! Ostie qu'on est premier niveau... Du pain et des jeux avec ça?

Vous prendrez quelques instants pour noter sa ressemblance avec Louis de Funes...

J'parie qu'c'est un chic type en dehors de la job. Sincèrement!

21 novembre 2006

Résilience

J'entre dans le salon du personnel un peu en retard pour la réunion. Pas assez pour m'attirer l'ire du patron, mais assez pour qu'avec un peu de chance, il n'y ait plus de chaise disponible autour de la table. Dans cette éventualité, je devrai me rabattre sur le sofa ou un fauteuil... Comme on n'a pas que des amis au travail, j'ai une place autour de la table...

Alerte, alerte! Intrus détectés. Préparez-vous à être désactivé! Wooo... les nerfs. Pas trop moches les intruses en question. Alors, on se calme, on écoute ce qu'elles ont à dire et on les désactive ensuite.

Deux étudiantes. Le genre à faire une maîtrise sans rédiger de mémoire. Une maîtrise pratique qu'on dit... Assez pratique en effet. Ça peut nuire aux études de trop écrire. Le sujet de leur machin (je n'ose pas dire "mémoire") : la résilience chez les profs en milieux défavorisés. Charmant comme sujet. C'était assez branché il y a deux ou trois ans, cette chose qu'on appelle résilience.

Les étudiantes nous expliquent leur démarche.

Une d'elle : "Vous avez des questions?"

Moi : "C'est très intéressant ce que vous dites, mais pourquoi êtes-vous ici?"

L'autre : "C'est un milieu défavorisé..."

Moi : "Oui, mais on a un sacré roulement de personnel ici. Je suis à statut précaire et il n'y a que deux profs plus anciens que moi dans la boîte."

La même : "Ah..."

Moi : "Et vous parlez d'étendre votre étude sur deux ans..."

L'autre (sur les dents) : "Qu'essayez-vous de nous dire?"

Moi : "Que si la tendance se maintient, l'an prochain, plusieurs des profs qui feront partie de l'étude ne seront plus ici."

L'autre (exaspérée) : "Ben, on les contactera dans leur nouvelle école et on poursuivra l'étude là-bas."

Elle me regarde comme si je ne comprenais rien, moi le petit prof minable. J'adore ça.

Moi : "C'est bien une étude sur la résilience? La capacité de s'adapter à quelque chose de stressant? De rester..."

Et là, y a mon patron qui me regarde à la fois amusé et embarrassé. Le reste du staff regarde leur montre. C'est le temps de fermer ma grande gueule.

Elle : "Oui... ben... heu..."

Moi : "Ah ok! J'embarque si vous voulez de moi comme rat de laboratoire!"

Désactivation complétée. Intrus exterminés. Mission accomplie. Victoire! Victoire!

On ne les a plus revues.

Où croyez-vous qu'elles vont travailler plus tard? Au ministère ou à la commission scolaire?

20 novembre 2006

Je suis un peu occupé ces temps-ci...

Prof malgré tout? Malgré quoi au juste? T'as deux mois de vacances... De kessé? Comment ça su' l'chômage? Statut précaire? Kossé?

Pas facile d'enseigner en milieu défavorisé. C'est ma huitième année dans mon école. Je n'ai comme sécurité d'emploi que les dossiers médicaux et les autopsies de ceux qui m'ont précédé. Y a pas grand monde qui veut ma job...

Ma tâche de prof de musique : 60%, trois jours, horaire plein. Pas de périodes de libération pour travail de nature personnel. Cinq petites minutes entre les trois périodes du matin... si le titulaire n'arrive pas en retard de sa période libre pour venir chercher son groupe. J'ai un peu plus entre les deux périodes de l'après-midi. Pas de récréations. Ma tâche d'enseignement dépasse le maximum, mais c'est légal. J'ai 12 minutes pour l'encadrement des élèves (téléphone à la maison, récupération, règlement de conflit, etc.). Pour 60% de tâche, ça fait quatre minutes par jour.

Les deux autres jours, je drive un projet. On fait écrire une comédie musicale à partir d'un opéra oublié et pas évident. Ce choix nous est presque imposé: on a le choix entre ça ou rien. Mais bon, on recommence chaque année.

Mon rôle? Décortiquer l'opéra en question (la musique, le livret), me convaincre que même si les deux plus importants disquaires de Montréal ne l'ont pas en stock, ce n'est pas si obscur, si mauvais... Je dois aussi faire une recherche historique, préparer le site web du projet. (forum, blogue, etc.) et repiquer des extraits intéressants à l'oreille parce qu'on ne m'a pas encore refilé la partition qu'il faut faire venir d'Europe pour la modique somme de 150 balles (je suis tanné de payer pour travailler... y a pour au moins 1000$ de trucs à moi dans ma classe).

Après avoir fait tout ça, c'est la rentrée. Vous avez compris. Je fais ça l'été, bénévolement...

Ensuite, ça commence. Quatre écoles en deux jours à chaque semaine. Je leur balance tout ça par la tête et il faut qu'ils absorbent, car ils vont devoir tout refaire. Les enfants vont écrire le texte et les paroles de chansons, composer la musique, concevoir les décors, les danses, les costumes, blablabla... On réécrit tout, on recompose tout, on repense tout.

Jusqu'en décembre, je me tape ça pas mal tout seul. J'accepte et j'ai besoin des commentaires des autres adultes du projet et surtout de ceux des enfants. Il faut garder l'esprit très ouvert et être intègre comme ça ne se peut pas. Ce n'est pas mon spectacle, c'est celui des élèves. Je mets de l'eau dans mon vin. J'ai juste à en boire plus!

En janvier, on passe à l'action. Yeah! Je ne serai plus seul! Les autres formateurs débarqueront et je vais pouvoir bosser sur la musique avec les jeunes qui vont l'interpréter en direct à chaque représentation. Quatre générales et huit spectacles en cinq jours. 5000 spectateurs. Cinglé hein?

Ah oui... est-ce que j'ai mentionné qu'il faut aussi que j'adapte des passages musicaux de l'opéra pour que des enfants de 11 ans qui ne sont pas mes élèves et n'ont jamais fait de musique, puissent la jouer quatre mois plus tard en n'ayant qu'une répétition par semaine? Le classicisme, ça sonne mal sur des djembés et des synthétiseurs bas de gamme. Alors, je leur sers du "hip hopera". Le plus chouette est quand même d'arranger leurs compositions en les impliquant le plus possible dans le processus. Créer, c'est choisir.

Ça me prend deux avant-midi et pas mal de café pour faire les quatre écoles. Je suis donc libéré deux après-midi par semaine pour faire le projet, mais s’il y a une journée pédagogique, les enfants viennent à l'école quand même... oui... même pas de gun sur la tempe. Ils viennent à l'école les jours de congé pour bosser sur le projet... Une seule déduction logique : adultes, enfants, tous des fous! 911 quelqu'un...

Capotez pas... Je ne suis pas seul dans le projet. Il y a le coordonnateur. Moi, mon truc, c'est la création avec les jeunes. Ne me demandez pas de faire un horaire, ça ne marchera pas... encore moins de trouver du fric... Ça, c'est le truc du coordinateur. Un amoureux des enfants. Le genre de type qui tripe par procuration sans que ça soit malsain.

Y a aussi les profs et les formateurs : danse, chant, metteur en scène, décors, accessoires. Au centre de tout ça, il y a la centaine d'enfants qui croient en nous quand nous croyons en eux.

N.B. J'ai bien hâte de voir le canon sur la scène...


ARGHHH!!! J'voulais juste vous dire que je suis un peu occupé pour écrire des billets ces temps-ci. Bordel... je viens d'avoir une idée pour mon prochain... Si y'en a un qui me parle de mon affiche de John et Yoko demain, je lui colle une retenue de quatre minutes.





15 novembre 2006

C'est MON blogue!

Deux billets plus tôt, une lectrice me proposait des idées d'oeuvres à faire découvrir aux enfants. Comme c'est MON blogue et que je peux bien faire ce que je veux ici, je poste la réponse comme billet.


Chère Lectrice,

Merci pour les suggestions. Je doute que Barbie ait du succès avec mes élèves. Plusieurs de mes petites demoiselles de cinquième année sont sûrement déjà pas mal plus actives sexuellement que Barbie. J'enseigne dans le genre de quartier où les Hells recrutent.

Beethoven passe assez bien. C'est clair que nous écoutons des extraits et rarement des oeuvres complètes. Le deuxième mouvement de la septième semble comestible et en plus, on peut le jouer dans la mesure où le prof se débrouille au piano (c'est le cas ici). Je ne leur fais même pas entendre au complet. Dans mon cours, la musique, on la fait et je travaille très fort pour fermer ma grande gueule et les laisser jouer. D'où l'existence de ce blogue!

Un autre machin de Beethoven qui est intéressant pour les enfants, c'est le deuxième mouvement de la sonate opus 27 no.1 (ne pas confondre avec opus 27 no.2, la célébrissime "clair de lune"). Par contre, pas question d'arranger ça pour les enfants. C'est quand même une super oeuvre cérébrale qui passe bien.

Les variations héroïques pour piano inspirées de la symphonie du même nom est aussi un bon coup.

La grande fugue, quatuor opus 133, est assez décapante aussi (deuxième et troisième cycle). Pour élèves vendus d'avance, car c'est assez hardcore.

Cliché : cinquième symphonie, premier mouvement. À l'orchestre puis dans la transcription de Liszt.

Et plein d'autres trucs...

Je suis quand même d'accord que les symphonies, c'est pas ce qui se fait de mieux pour les jeunes.

Pour ce qui est d'Aranjuez, écoutez la version d'Alvaro Pierri. Stylistiquement impeccable et tellement colorée. La version de Paco de Lucia est intéressante aussi, mais c'est un guitariste flamenco et quoiqu’espagnol, Rodrigo, n'écrit vraiment pas du flamenco. N'empêche que Paco nous balance ça par la gueule avec tellement de conviction que ça fonctionne. Après ça, on se demande pourquoi John Williams (le guitariste, pas le compositeur) est tellement populaire. Je me demande qu'elle version Rodrigo aurait préférée... sûrement pas Williams en tout cas. En passant, saviez-vous qu'il était aveugle (Rodrigo, pas Williams)? Y a même un accord avec sept notes dedans à un moment. Très difficile quand la guitare n'a que six cordes. Mais le type n'a jamais vu de guitare de sa vie et il n'en jouait pas. On lui pardonne?

Pour ce qui est des jeunes enfants, mon fils a été allaité sur les variations Goldberg... on verra ce que ça donnera. Il refuse de danser quand j'écoute "shining star" version "live" de Earth, Wind and Fire. Je suis perplexe. Gould dansait-il à un an? Son père dansait-il aussi mal que moi?

Une dernière chose : pirater de la musique, ce n'est pas très gentil pour les gens qui l'ont enregistrée. Mais bon, si ça vous donne le goût de devenir accro et d'acheter plein de disques des bonnes versions que vous ne trouverez pas sur LimeWire... hissons le pavillon noir et à l'abordage!

Je déconne. Sérieusement, je me nourris de vos commentaires.



13 novembre 2006

Marcel

Pendant mes études, je donnais des leçons privées de guitare. Pourquoi je ne dis pas des leçons de guitare en privé? Trop souvent, les leçons étaient effectivement privées de guitare. Parmis mes nombreux élèves, pas mal d'adultes. Des gars qui veulent assouvir un trip d'adolescence et des filles qui prennent un break de leur chum trop ado. Ça donne un mélange de psychothérapie et de ligue de quille hebdomadaire. Sympathique, mais pas très musical. Privé de guitare... c'est ce que je disais.

C'est dans ce contexte que j'ai rencontré Marcel. Un chic type dans la quarantaine, une femme, une petite fille, un bungalow et une petite bedaine de bière. Dans le village où se trouvait cette école de musique, Marcel, c'était monsieur tout le monde.

Premier cours.

Moi : "Salut, mon nom c'est... (bande de curieux!)."

Marcel : "Salut, moi c'est Marcel."

Moi : "Enchanté. Alors, tu veux jouer de la guitare?"

Marcel : "Ça a ben l'air."

Moi : "T'as déjà joué?"

Marcel : "Je l'ai même pas encore sortie de l'étui."

L'autodidacte en moi : "Ça augure mal. Encore un autre qui veut que j'apprenne pour lui."

Moi (à l'autodidacte): "Ta gueule l'autodidacte. Faut bouffer et payer le loyer."

Moi : "Pas de problème! On va voir ce qu'on peut faire. Quel genre de musique tu veux jouer?"

Marcel : "J'sais pas."

Moi : "Ben... quelle sorte de musique tu écoutes?"

Marcel : "J'écoute pas vraiment de musique."

Pauvre gars. Sa femme doit être vraiment l'enfer et il est barré dans tous les bars de la place...

Moi : "Et tu veux jouer de la guitare pour...?"

Marcel : "J'ai le cancer. J'en ai pour environ un an ou deux à vivre et j'aimerais ça chanter une chanson à ma petite fille de cinq ans avant de mourir."

Moi : "..."

Marcel vient à son cours chaque semaine. Il progresse de façon satisfaisante (il aurait un C sur son bulletin!!!). Son voisin, Joe, s'est mis à la guitare en même temps. Marcel essaie de jouer Pink Floyd tandis que Joe tripe Bob Dylan. Ils viennent le même soir, stones comme ça ne se peut même pas. Joe par habitude, Marcel pour contrer les effets secondaires de la chimiothérapie. Je pense que Joe y allait un peu fort sur la dose, mais bon...

Marcel a de bonnes assurances. Il part une semaine à Paris pour essayer un nouveau traitement. Il revient, toujours aussi stone, mais il a un genre de valise avec plein de tubulures qui lui entre dans les veines. Un nouveau truc, à ce qui paraîtrait. Traitement continu... effets secondaires continus. Pink Floyd all the way dude!

Le récital de fin maîtrise approchant, je dois abandonner le boulot. En plus, c'est loin et j'ai pas d'char... "Salut Marcel, bonne chance... fuck... bats-toi man!" Je refile la job à un copain X.

Je termine ma maîtrise, m'inscrit en enseignement (j'vous l'dis : je ne "fitais" pas au MBA) et la vie continue.

Un an plus tard, je recroise copain X.

Moi : "Hey!"

X : "Yo! Wuz up, bitch?"

Moi : "Same ol' shit dude..."

Oups... je recommence.

Moi : "Salut X."

X : "Hey! Comment ça va?"

Moi : "Je travaille là-dessus. Et toi? Tu bosses toujours à ***insérez le nom du petit village où était l'école de musique***?"

X : "Ouais... Je suis rendu avec pas mal d'élèves."

Moi : "Le p'tit Jonathan est encore là?"

X : "Non... Il piquait des crises..."

Moi : "Comme avec moi... héhé... Et... heu... Marcel?"

X : "Tu ne le savais pas? Il est guéri man! All the way. Il a vaincu le cancer et il continue ses cours de guitare... y a vraiment pas beaucoup de talent, mais il est sympa."

Moi : "No way... Génial! Et Joe?"

X : "Il a lâché dès que Marcel a été guéri."

Joe, you're the man!


08 novembre 2006

Moment magique

Classe TC, troisième cycle. La semaine dernière, lendemain d'Halloween, l'enfer. La plupart sont drogués au sucre, les autres sur des trucs illégaux et pas mal plus puissants. Ils ont terminé le cours dans leur classe. La moitié d'entre eux doivent garder la tête couchée sur le bureau. Je suis bête et méchant. Je ne me laisse pas monter dessus par des kids de onze ou douze ans qui fument du pot. Ce n'est pas bon pour eux de contrôler les adultes et comme je veux leur bien : "cou-couche panier, pa-pattes en rond!".

Ce matin, ils entrent calmement. Ils prennent place en silence et attendent que le cours commence. Je me dis que l'intervention facho de la semaine dernière n'a pas été vaine. J'avais prévu faire du djembé, mais comme ils semblent disponibles, aussi bien en profiter. Je vais leur faire jouer un truc de Beethoven sur le thème du deuxième mouvement de la septième symphonie (j'suis allergique à l'hymne à la joie).

On commence par écouter le mouvement. Je leur explique que c'est presque un canon (pas celui que vous pensez), mais pas mal plus long que Frère Jacques (j'y suis aussi allergique). Je n'abuse pas. Fade out. Quoi? Ils sont toujours attentifs! Je saute sur l'occasion. Des exemples d'utilisation du silence en musique. Dans le classique, dans le heavy métal, dans Eminem... On déconne un peu avec le début de la cinquième. Les silences, c'est tellement évocateur. Pas seulement en musique. On en parle, puis on commence.

Beethoven n'avait rien à prouver à personne. Une mélodie dont les douze premières notes sont des "mi"... Vive l'économie de moyen. Quelques notes plus loin, le silence qui tue.

Moi : Je sais... c'est un peu plate mon truc. Pas très groovy, mais faites-moi confiance. Vous allez fredonner cet air en sortant de l'école ce soir. Je vous imagine déjà : mi... mi mi mi... mi... mi... mi mi mi.... mi.... mi... mi fa# sol... sol... sol... sol sol sol... silence qui tue! Ça repart : sol... sol la si... etc...

Et les voilà qui essaient de me convaincre qu'ils trouvent ça bon. Ils sont même très convaincants... On se fait le thème ensemble une autre fois et je leur donne un petit moment pour nettoyer les coins sales (je parle de musique). Je m'approche de l'éducatrice.

Moi : Coudon! Ils sont sous la menace ou quoi?

Elle : Mets-en!

07 novembre 2006

Vos gueules! On a le consensus.

Ce midi, dans le salon du personnel, j'ai eu une conversation informelle avec mon patron. Le sujet : le renouveau pédagogique. Original hein? Le patron croit en la réforme et il a raison. Moi je n'y crois pas et j'ai plus raison que lui. C'est un détail, car nous partageons tous deux le même but : le développement global et le bien-être des élèves. C'est seulement sur la forme qu'on ne s'entend pas et comme on est pas dans L'art du roman et dans l'opus 131, on n'en a rien à cirer de la forme!

J'ai pris mon pied parce que cette conversation n'avait qu'un seul but : voir la gueule des enseignantes qui s'attendaient à ce que je me fasse planter par le boss, que je me le mette à dos et qu'il me méprise... enfin. Du pain et des jeux... J'ai été servi, pas elles.

Y a un truc qui me dérange tout de même: personne n'est intervenu dans la conversation. Personne. Pas un mot. Pourquoi?

On en parle trop souvent? Nah! On n’en parle pas souvent dans mon école. C'est la conseillère pédagogique qui en parle. Nous, on a hâte que la réunion finisse.

Peur du patron? Come on. C'est moi le statut précaire.

Rien à foutre? Peut-être...

Rien à dire? Vive le bénéfice du doute!

Politesse? On brûle.

Les profs n'aiment pas la chicane. C'est vrai! Après tout, c'est pas beau la chicane. C'est ça qu'on enseigne aux ti-n'amis. Moi je pense qu'elles sont allergiques à la dialectique les madames...

Avez-vous déjà remarqué qu'au Québec, c'est très mal vu de ne pas être d'accord avec les autres? On est sans doute la capitale galactique du consensus. Chez les profs, c'est encore pire. Ça me fout la trouille... Vous?

06 novembre 2006

Bulletin 301

Aujourd'hui, nous parlerons de fin de cycle.

5 = dépasse les attentes
4 = répond entièrement aux attentes
3 = répond suffisamment aux attentes
2 = répond peu aux attentes
1 = ne répond pas aux attentes
NE = non évalué

Premièrement, pour les non-initiés, il y a fin de cycle tous les deux ans. Le primaire est donc divisé en trois cycle.

Comme l'élève en difficulté peut prolonger un cycle d'une année, une seule fois durant son primaire, chaque cycle comporte trois niveaux.

1er cycle --- a, b et c
2e cycle --- d, e et f
3e cycle --- h, i et j

Une lettre par année, mais maximum 7 ans en tout. Donc, voici le cheminement de l'élève qui coulerait sa quatrième année ( pas très réforme comme affirmation, mais c'est clair, net et précis) : (a b), (d e f), (h i). Allez hop! Au secondaire! Peu importe si tu sais écrire mon coco!

Donc, ce n'est que tous les deux ans, en fin de cycle, qu'on évalue les compétences de votre enfant. Les autres évaluations décrivent seulement comment il développe cette compétence.

Ce n'est pas banal. Un élève ne peut donc plus reprendre sa première année, car on doit respecter son rythme et attendre en fin de cycle pour voir s'il doit reprendre une année. Ça doit être rough pour l'égo la deuxième année quand tu ne sais pas lire. Les études prétendent que c'est moins pire que de reprendre sa première année. Connerie. C'est cruel. C'est ignoble. Bande de salauds! Donnez-moi une crowbar quelqu'un...

Donc, pendant deux ans, il faudrait regarder le pommier pousser sans goûter la pomme. Yeah! Le fruit défendu poupée... Grrrr... Va falloir réécrire la Genèse et appeler ça "l'arbre de la compétence".

Je sais donc je suis. = Je suis compétent donc je suis?

Je sais que je ne sais pas. = Je n'ai pas la compétence d'être compétent?

Et la chanson... "Savez-vous planter des choux?" Non, mais vous êtes cinglés ou quoi? Va falloir "groover" fort pour que ça sonne...


05 novembre 2006

Bulletin 201

A L'élève développe sa compétence de façon remarquable.
B L'élève développe sa compétence de façon très satisfaisante.
C L'élève développe sa compétence de façon satisfaisante.
D L'élève développe sa compétence de façon insatisfaisante.
E L'élève développe sa compétence de façon nettement insatisfaisante.
NE Non évalué
& L'enseignant a utilisé une autre forme de communication.

Charmant hein?

Si l'élève ne développe pas sa compétence? Ok, c'est la mention E qu'on doit mettre. Faisons preuve de bonne volonté, et ne jouons pas sur les mots. Oui, mais... si je ne joue pas sur les mots, comment je fais pour savoir si l'élève mérite B ou C?

Si l'élève est vraiment plus proche du règne végétal que du règne animal? Ou s'il est du règne minéral... vous savez, la roche dans le coin de la classe. Oui, oui! Celui-là qu'on n’a même pas besoin d'arroser... Soudainement, il écrit quelque chose et ça ressemble plus à du français qu'à des hiéroglyphes. C'est remarquable ça... A?

Vous voulez un conseil? Vous n'en avez rien à cirer du bulletin. C'est dommage, mais c'est comme ça. Il n'y a plus de sommatif. L'évaluation est de plus en plus subjective. Pour mettre une note, l'enseignant doit faire la différence entre "parfois", "occasionnellement" et "quelques fois". Ça ressemble à ça et ne me demandez pas de les mettre dans l'ordre.

Vous voulez le retour aux chiffres et pourcentages? Ridicule. Vous ne savez pas ce que ça veut dire 74,2% en français. Ça dépend de la difficulté des tâches demandées à l'élève, des critères de corrections du prof et d'un paquet d'autres paramètres tous plus subjectifs les uns que les autres.

Quoi? Vous voulez savoir si votre petit s'est amélioré, mais on lui met toujours des B. Demandez au prof.

Prise 2
Quoi? Vous voulez savoir si votre petit s'est amélioré, mais on lui met toujours des B.
À chaque étape, les choses évaluées changent. Si votre enfant se voit attribuer un C en arithmétique et à l'étape suivante il a un B, mais on faisait plutôt de la géométrie, vous pensez qu'il s'est amélioré? L'exemple est mauvais, mais comme vous lisez ce blogue, vous êtes d'une intelligence supérieure à la moyenne et me comprenez très bien...

Ce que vous voulez vraiment, c'est savoir si votre petite chérie est meilleure que le petit dernier de la voisine. C'est normal. Même les spermatozoïdes sont en compétitions entre eux, alors ne faites pas cette tête. C'est correct d'être compétitif. Ne perdez pas de temps au confessionnal. Achetez une bonne bouteille au prof et posez la question: "C'est qui donc le plus meilleur de la classe?" Ben quoi... Moi je le dis quand on me le demande, et même si je raconte toujours que je peux me tromper, je fais preuve de conviction.

Pour conclure, la réforme, c'est une merde. Oui. Je le dis. Arrêtez de capoter sur les bulletins. Ce sont les fondements mêmes du renouveau pédagogique qui vont bousiller nos jeunes. En attaquant les bulletins, vous tirez sur le messager. Les compétences, on s'en fout. Vive le savoir! J'ai lu un truc quelque part dernièrement:

"Plus que tu sais d'affaires, moins que t'es épais."

J'adhère.

Faites lire vos enfants et lisez les mêmes bouquins. Ça fait des conversations intéressantes. Quoi? La littérature jeunesse ne vous branche pas? Alors, pourquoi brancherait-elle votre enfant? Y a des trucs vraiment bien et y a des trucs plus moches. C'est à vous de faire le tri.

P.-S. Tous les profs qui recevront une bonne bouteille en se faisant demander c'est qui pour vrai la bolle de la classe, portez un toast à ma santé...

Bulletin 101

Le second billet que j'ai écrit sur ce blogue s'intitulait : "Maman! Maman! J'ai kangourou en math!". Je l'ai écrit pour rien, car la CSDM vous fera bientôt part de sa nouvelle formule de notation pour le primaire.

Avant même de commencer à lire ce qui suit, dites-vous que les gens responsables de ces changements sont payés à même les deniers publics, c'est à dire, nos taxes.

Depuis l'instauration du renouveau pédagogique (la réforme...), les écoles primaires pouvaient déterminer elles-mêmes le format du bulletin. Certaines personnes prétendaient que la commission scolaire reconnaissait ainsi l'expertise et le jugement des gens qui travaillent sur le terrain. Sérieusement. Faut vraiment être naïf, pour ne pas dire cave... La commission scolaire n'était tout simplement pas prête. À vous de juger si elle l'est maintenant.

Avant cette année, il n'y avait pas de format imposé. Mais, il y un avait un format proposé : A-B-C-D. Ça aurait pu être pomme, banane, orange, raisin... ben non. Pas raisin! Ça pourrait faire de la grosse pé-peine à un ti-n'ami... Disons kiwi. On aime mieux se faire traiter de kiwi que de raisin.

Pas assez précis? D'accord. Voici le nouveau : A-B-C-D-E.

Comme l'an dernier, la mention A représente le résultat le plus élevé.

En fin de cycles, on avait droit à 1-2-3-4. Ils ont changé ça pour 1-2-3-4-5. Facile vous dites? On voit que vous ne savez pas à qui vous avez affaire. L'ancien 1 était le résultat le plus élevé. Maintenant, c'est la mention 5 qui est la plus forte. Désopilant.

À suivre...

04 novembre 2006

Sam

Imaginez un "crack addict". Il est noir, maigre, chétif. Il parle mal français. Il parle mal anglais. Ses mouvements sont nerveux, son regard vitreux. Entre ses tresses poussiéreuses, on devine une peau sèche et sale. Dans ses chaussures trop grande, il ne porte jamais de bas. Vêtements souillés, hygiène presque inexistante. Un sourire qui n'est pas communicatif et des pleurs qui sonnent faux. Un manipulateur maladroit. Il est lui-même la marionnette de ses besoins. Il veut sa dose. Il doit avoir son fix. Il est l'esclave, soumis à son maître, le crack. Son seul réconfort.

Il est en première année et il s'appelle Sam. Il ne fume pas de crack. Sa drogue, c'est l'amour et il est en manque. Il n'a pas d'ami, mais c'est un détail car il n'a pas de Maman, pas de Papa et pas de famille. Où sont-ils tous? Loin. Trop loin.

Quand Sam vous voit, il se blottit contre vous. Vous lui rendez sa caresse, mais vos vêtements garderont un peu de sa misère. Demandez-lui de reprendre sa place et c'est parti... Il chiale, embête les autres, sème la pagaille dans le rang. Mettez-le dans un coin pour qu'il se calme, il s'endormira. Moi aussi je dors quand j'ai de la peine...

Sam ne dépose pas les objets. Il les laisse tomber. Je me demande d'où ça vient.

02 novembre 2006

Mon choix est fait

Mon choix est fait. J'écouterai mon coeur. Il est où mon coeur? À la maison, en famille, auprès de ma blonde et de mon blondinet de fils. Peu importe mon choix, les chats ne verront pas la différence.

Je reste au primaire comme statue précaire avec le plus ultra meilleur projet de la galaxie. Je ne vivrai pas le stress d'une nouvelle job... pas maintenant. Je ne serai pas le guitariste (et pianiste bidon) qui dirigera médiocrement l'orchestre à vent. Je laisse la place à quelqu'un de plus compétent. Je ne serai pas le prof qui accepte un poste menant à la permanence pour se désister deux ans plus tard s'il ne s'est pas encore fait bumper parce qu'il est le moins ancien.

Mon fils ne passera pas une minute de plus que prévu à la garderie et moi pas une minute de plus dans le trafic.

Oui, l'horaire est mieux au secondaire.

Oui, la dynamique des profs me conviendrait mieux.

Oui, je pourrai peut-être faire mes super projets d'intégration des TIC qui sont sur la glace.

Oui, je pourrais peut-être, éventuellement, si on me donne la chance, quand la conjoncture économique le permettra, créer un programme de guitare classique et relancer la musique dans cette école. Sure thing baby...

Oui, je serais bon, même si je ne suis pas instrumentiste à vent.

Il y a six ou sept ans, l'occasion s'est présentée. Je commençais en enseignement, alors je ne comprenais pas l'enjeu du geste que j'allais poser. J'ai refusé un poste qui menait à la permanence! Et oui. Pourquoi? Parce que le directeur adjoint essayait de me convaincre par des arguments de nature pécuniaire, le salaud! J'y suis allé avec mes tripes et j'ai laissé les clefs du local sur son bureau. Il n'était pas content le p'tit gars... Oui. C'était un p'tit gars. Frustré de ne pas avoir pu m'acheter. Dommage... Les élèves que j'ai croisé semblaient me trouver sympa. C'est naïf des ados...

Une semaine plus tard, j'étais dans le bureau de mon actuel patron qui me regardait comme un extraterrestre. Après tout, je me vantais d'avoir refusé une permanence... Il avait donc deux choix : appeler le 911 ou me donner le contrat. Malgré mes cheveux longs et mon air désinvolte, il m'a offert le contrat! Plus flyé qu'on pense le patron...

Six ans plus tard, il me convoque dans son bureau.

Moi : À moi-même. "Bon... qu'est-ce que j'ai dit encore... À moins que ce soit quelque chose que j'ai fait..."

Moi: "Salut Patron, vous vouliez me voir?"

Lui: "Oui, assieds-toi."

Moi :"Ok. J'ai fait un truc un peu trop facho?"

Lui: "Pas vraiment."

Moi : "Excellent... Je déteste quand les élèves me dénoncent..."

Comme le veut la tradition, il ne me trouve pas drôle.

Lui : "Je sais que tu travailles fort pour le projet et qu'on ne peut pas te payer pour toutes les heures que tu investis."

Moi: "Personne ne me force..."

Lui : "Justement. Alors, pour te montrer ma reconnaissance et souligner ton apport exceptionnel, j'ai posé ta candidature pour le prix spécial du premier ministre."

Il me tend un document d'une dizaine de pages. Un document qui parle de moi et de ce que je fais dans le projet.

"Heu... wow... je suis vraiment touché."

"Je pense qu'on a de sérieuses chances d'aller faire un tour à Ottawa!"

Je n'ai jamais eu de nouvelle de Harper et ce n'est pas bien grave... Je préfère Florence ou Barcellone. Ottawa, c'est pas vraiment mon truc.

Pourquoi je raconte ça? Besoin d'attention? Oui! Mais aussi, quand ce genre de truc arrive, c'est qu'on est à notre place.

Ben, c'est ça. Je n'ai pas dit mon dernier mot dans MON école. Je le fais pour moi. Ce n'est pas parce que le train ne passe pas souvent qu'il faut y monter. Moi, je reste du mauvais côté de la traque, là où je fais une différence...

Yes! Je n'ai pas mis les élèves dans la balance! Sinon, ce n'était pas fair, j'étais certain de rester...

01 novembre 2006

Dilemme

Ce soir, je me demandais bêtement si j'allais parler de l'élève de première année qui a l'air d'un junky, de Mustafah qui est dû pour être brisé ou bien des nouvelles directives de la commission scolaire concernant les bulletins (les parents vont saigner du nez!). C'était un choix difficile, mais, comme vous le savez tous, sortir le compost porte conseil. C'est donc en écolo accompli que je remonte, au péril de ma vie, l'escalier couvert de feuilles mortes... Ça va dans le compost des feuilles mortes?

Dring! (C'est le téléphone...)

"C'est pour toi mon amour..."

"Ça doit être un sondage ou la banque qui veut me vendre un truc..." (que j'me dis.)

Et bien non. C'était la madame de la commission scolaire qui m'offre un poste qui mène à la permanence.

La sacro-sainte permanence. Dans le sens de: "je sais où je travaille l'an prochain" ou si vous préférez : "j'ai une job". Après sept ou huit ans à contrat, au mois de novembre, à l'heure du souper, c'est assez déstabilisant.

"Heu... c'est dans quelle école?"

Dans une école secondaire. Milieu défavorisé. Secondaire 1 et 2. Seulement musique. Pas de religion, formation professionnelle et sociale ou autres trucs bidon. Tout à construire... Comment je sais ça? Il y aurait de la musique jusqu'en secondaire 5 si c'était du solide... Je spécule.

Ça, ça veut dire que lorsque je vais négocier une hypothèque, je serai solvable? Oui monsieur! Hein? Moi proprio...

"Est-ce qu'on peut trianguler? Je traîne un gros projet et pas mal d'enfants sont impliqués... dans le genre 120 dans quatre écoles différentes..."

"Pas de triangulation possible. Il n'y a personne en poste."

Chers non-initiés, comprenez-vous ce que ça implique? La semaine prochaine, je n'enseigne plus dans mon école. Fini, kaput, mort. Mes élèves de sixième que j'ai connu en maternelle : ciao bye. Le projet de comédie musicale dans les quatre écoles, le savant fou, le canon (beige), les 5000 personnes qui verront le spectacle, Wannabe, Dekoijmemêle et même Élève Probophobique : sayonara, harakiri... what ever... finito, kaboum!

Dans mon école, les parents capotent à la soirée des finissants. Les élèves m'applaudissent plus fort que leurs titulaires. C'est prétentieux ce que je viens de dire? D'accord. Voici l'explication scientifique. Il y a deux classes de sixième. Ils m'applaudissent tous avec la même ferveur tandis que leur enthousiasme est divisé entre deux titulaires. Donc, c'est moi qu'on applaudit le plus fort! Deal with it. Moi ça me touche à chaque fois... plus que les 5000 au théâtre.

Elle était fine la madame : "Choisis avec ton coeur...". Bordel... avec mon coeur. J'ai un petit gars de 1 an, une blonde que j'aime comme un fou, deux chats et des trous dans les poches. Tout ça dans un petit 4 1/2 où on se pile sur les pieds. Voilà il est où mon putain de coeur!

Le plus chiant: il y a trois autres profs avant moi sur la liste qui doivent la rappeler demain. Moi aussi je dois la rappeler demain et il y a sûrement quelques profs après moi sur la liste qui doivent la rappeler demain... Donc, je me tape ce dilemme peut-être pour rien.

Avec le coeur... Ben oui, c'est si clair!