07 novembre 2006

Vos gueules! On a le consensus.

Ce midi, dans le salon du personnel, j'ai eu une conversation informelle avec mon patron. Le sujet : le renouveau pédagogique. Original hein? Le patron croit en la réforme et il a raison. Moi je n'y crois pas et j'ai plus raison que lui. C'est un détail, car nous partageons tous deux le même but : le développement global et le bien-être des élèves. C'est seulement sur la forme qu'on ne s'entend pas et comme on est pas dans L'art du roman et dans l'opus 131, on n'en a rien à cirer de la forme!

J'ai pris mon pied parce que cette conversation n'avait qu'un seul but : voir la gueule des enseignantes qui s'attendaient à ce que je me fasse planter par le boss, que je me le mette à dos et qu'il me méprise... enfin. Du pain et des jeux... J'ai été servi, pas elles.

Y a un truc qui me dérange tout de même: personne n'est intervenu dans la conversation. Personne. Pas un mot. Pourquoi?

On en parle trop souvent? Nah! On n’en parle pas souvent dans mon école. C'est la conseillère pédagogique qui en parle. Nous, on a hâte que la réunion finisse.

Peur du patron? Come on. C'est moi le statut précaire.

Rien à foutre? Peut-être...

Rien à dire? Vive le bénéfice du doute!

Politesse? On brûle.

Les profs n'aiment pas la chicane. C'est vrai! Après tout, c'est pas beau la chicane. C'est ça qu'on enseigne aux ti-n'amis. Moi je pense qu'elles sont allergiques à la dialectique les madames...

Avez-vous déjà remarqué qu'au Québec, c'est très mal vu de ne pas être d'accord avec les autres? On est sans doute la capitale galactique du consensus. Chez les profs, c'est encore pire. Ça me fout la trouille... Vous?

21 commentaires:

Anonyme a dit…

Prof MalgréTout, vos tergiversations seront sans contredit la baume sur mes pauvres petites plaies d'enseignantes-débutantes.

La BonneFemme.

Anonyme a dit…

Coudonc, le primaire et le secondaire c'est un monde de différence.

Dans les écoles où j'ai travaillé les discussions corsées sont nombreuses et bon yeux qu'on est revendicateur (ça passe mieux que chialeux :P ).

Prof Malgré Tout a dit…

Bienvenue! Je voulais vous laisser un p'tit mot sur votre blogue, mais j'n'y arrive pas. J'pogne trop les nerfs avec les machins windows...

Anonyme a dit…

"Peur du patron? Come on. C'est moi le statut précaire."


Pourtant VOUS restez anonyme... Facile de ne pas être d'accord dans ces conditions...
Mais je vous comprends : comme tous les profs, vous n'aimez sans doute pas les chicanes.

janis0-0 a dit…

Que ça me fait penser à mes collègues de travail ça!!
Faire un beau oui approbateur de la tête et aller se cacher dans les toilettes pour chialer dans le dos des patrons;-) Ça c'est surtout typiquement féminin;) héhé...

Prof Malgré Tout a dit…

La raison de mon anonymat est de préserver celui de mes élèves. Quant au patron, il n'apprendrait rien sur moi en lisant ce blogue (je lui ai envoyé l'adresse quelquefois, mais il résiste). Il me subit 5 jours semaine depuis plusieurs années et je ne suis pas du genre refoulé. Ayoye... je suis sur la défensive! Ça cache quelque chose.

Anonyme a dit…

Je ne sais pas pour les écoles, mais en général oui, le consensus a la cote au Québec!
Et si les profs sont encore plus consensuels que la moyenne, ça augure mal pour le développement du sens critique chez les enfants - est-ce que c'est un des objectifs de la réforme? :)

Anonyme a dit…

Viens en France, tu verra, l'ambiance est toute autre :)

Les profs dialoguent et s'étripent pour savoir qui aura le dernier mot.

C'est marrant en fait, les profs sont le reflet de la société dans laquelle ils évoluent en fait...

Tizel

Anonyme a dit…

Mets en! Redoutable!

Anonyme a dit…

Je partage votre opinion, cher Prof malgré tout: les enseignants n'aiment pas la chicane. Discuter, c'est ne pas être d'accord. Ouh! c'est vilain. Au Québec, argumenter est même synonyme de s'engueuler, c'est peu dire! Alors qu'en France, on gueule et on s'invite à se la casser au moindre débat. Et je ne parle pas des Italiens...

De toute façon, les profs sont des êtres généralement soumis et c'est sans gêne qu'on décrète leurs conditions de travail, leur salaire, leur équité, leur rattapage salarial, leurs méthodes pédagogiques... En fait, plus soumis que ça, je ne connais que le personnage de Donalda dans Les belles histoires des pays d'en haut. Et moi qui croyait que les choses avaient changé. Viande à chien!

Pour ce qui est de la réforme qui vise à développer le sens critique des élèves, Adriana a saisi toute l'ironie de la chose. Et je reviens à cette phrase de Mme De Courcy: Il faut que le discours négatif à l'égard de la réforme cesse. Bel exemple d'écoute active et d'autoritarisme aigu... Je suis bien content qu'elle ne soit pas dicdatrice celle-là!

Anonyme a dit…

J'ai déjà eu une grande discussion avec un de mes directeur sur les questions relatives au renouveau pédagogique (anciennement appelé la réforme)[comme quoi le ministère change les mots afin de mélanger les gens...].

Mon principal chemin de bataille était qu'il fallait rétablir le redoublement afin que les jeunes puissent augmenter leur estime d'eux-même en vivant des réussites.

Le sien était que le redoublement était nuisible pour l'estime de soi, puisque par la suite, jusqu'en 5e secondaire, lorsqu'on te demande ton âge, tout le monde sait que tu as doublé parce que tu es toujours plus vieux que les autres. Il disait parler en connaissance de cause puisqu'il avait doublé une année au primaire.

Il venait de mettre de l'eau dans le moulin... ma prochaine question fut simple: "Croyez-vous que vous seriez ici, comme directeur d'école , si vous n'aviez pas doublé et auriez toujours vécu des échecs ou été le petit pas capable de la classe?"... Un long silence se fit entendre, allez savoir pourquoi !

Par contre, ces 3e année de cycle n'existent pratiquement pas, et ce pour le mal-être des enfants. Les rares enfant que j'ai vu passer 7 ans au primaire sont ceux des classes DGA. Dans la réalité, peu font une année supplémentaire, c'est moins coûteux de les envoyer au niveau suivant, où le ratio est plus élevé et de dire "On préserve son estime de soi, il sera avec ses amis et des gens de son âge. S'il a un bon prof, elle saura faire de la différenciation pédagogique dans sa classe [de 29 élèves de 10 ans ayant un niveau académique de 2e à 5e année.. plus 2-3 élèves performants qui n'en demandent que plus.]

Anonyme a dit…

Je suis d'accord avec toute cette histoire de consensus.
Personne ou presque ne fait rien et même ne dit pratiquement rien!

Dans une conversation, si une argumentation survient, il n'est pas rare d'en entendre un dire: "Bon ça suffit, on change de sujet; je veux pas m'engueuler avec toi" et ce même tout se passait dans le calme le plus plat...

Ce n'est pas en pensant tous la même chose que la société pourra progresser; il faut une bonne diversité, une bonne variation pour arriver à cette fin. Autrement, nous stagnerons tous au même stade...

Sylvain a dit…

Aaahhh ! Quel dommage que le politically correct et l'obcession du consensus !

Il y a des gens qui n'aiment pas la chicane, certains par habitude ou par soumission, mais d'autres par manque d'énergie : les profs sont-ils de ceux-ci ?

Il y a des gens qui veulent que tout paraissent bien : vive l'image projetée et le consensus est souvent une belle image ! Il y a d'autres personnes qui, avec cette image derrière laquelle ils se cachent, s'en donnent à coeur joie dans la médisance et autres belles phrases assassines dans le dos...

Attaquer la personne versus attaquer l'argument : on a toujours confondu ça au Québec depuis des décennies...

Grande-Dame a dit…

À la rescousse du consensus!

Prof Malgré Tout, bien réducteur qu'est une étiquette comme celle que vous apposez sur les enseignants!

Que les enseignants aient cohésion pour des raisons syndicales est une chose, mais peut-on utiliser des propos démagogiques pour spéculer sur leurs idées pour l'ensemble de la pédagogie, de la réforme ou autre?

Le droit de se taire, de demeurer observateur, ou simplement amusé par un échange d'idées intéressant, qu'en faites-vous? Vous êtes d'avis que c'est propre aux profs?

Si on partait au front pour appuyer les idées du marginal, on serait quoi?

Les salles de profs (comme les salles d'employés d'entreprises) regorgent d'idées, d'arguments, d'explications, de désaccords et d'éclats de rire dans nos deux écoles (dans combien d'écoles?), et je refuse de me plier à la démagogie que vous proposez.

C'est réduire à de simples fonctionnaires qui ne savent pas s'assumer les membres d'une profession. Il y en a certainement, je ne le nie pas.

Derrière les membres d'une profession, il y a aussi les humains et leurs tempéraments. Ce serait plus juste de le dire ainsi.

Et puis bien que le fait d'être marginal et de mourir pour ses idées soit "in" (mais n'exclut pas de pouvoir trouver consensus avec ses pairs), le consensus, c'est culturellement génial, ça donne de la force en laissant aussi de la place à l'hétérogénité (au Québec, je le pense). C'est merveilleux, ne pensez-vous pas?

Anonyme a dit…

Mme La grande,

J'ai peut-être mal compris les propos du Prof malgré tout, mais je ne crois pas qu'il veuille démagogiquement que les profs deviennent tous des défenseurs d'idées marginales et des revendicateurs à tous crins. Je ne crois pas non plus qu'il soit contre les consensus sociaux. Il en faut, des consensus, et ils sont souhaitables en autant qu'on ne soit pas un Juif dans l'Allemagne nazie (l'exemple est gros, mais comprenons l'idée s'il vous plait).

S'il a employé le mot consensus, Prof malgré tout aurait pu tout aussi bien parler d'indifférence, d'apathie, de résignation ou carrément de bêtise humaine.

Je vois mes collègues parler de n'importe quel sujet extrascolaire avec vigueur et énergie: «Occupation double», leur prochaine voiture, le hockey... Mais, quand on parle d'éducation, là, on émet des généralités, on gueule un coup (pas trop longtemps) et on se tait. Parce qu'on sait qu'on est des enseignants, seulement des enseignants et que notre opinion ne vaut rien aux yeux des décideurs? Pire, quand un patron arrive, on se tait...

Je suis désolé, mais il y a des moments ou se taire et laisser faire a autant de conséquences que de participer à une action préjudiciable.

Avec deux collègues, j'ai écrit un livre publié en septembre qui traite des ratés de l'enseignement du français. Partout, et cela nous a touchés et gênés, les collègues de français nous ont félicités et même remerciés de l'avoir écrit. Mais quand on leur demande pourquoi ils n'ont pas pris la parole pour dénoncer un tel état de fait que nous connaissons tous, là, ils deviennent subitement muets. Silence total. On passe à une autre appel!

La peur? Mettez-en. L'enseignant est souvent un trouillard qui a peur de perdre les petits avantages quotidiens qu'il a obtenus, parfois après de longues luttes ou d'âpres démarches.

Allons-y avec une anecdote. Une majorité de profs a des réserves sérieuses à l'égard de la réforme actuelle (c'est un euphémisme, mais passons). Or, combien en voyez-vous le dire à visage découvert dans les médias? Au Journal de Montréal, les témoignages sont anonymes. À TQS, ou j'ai déjà participé aux débats de fins de soirée, on m'appelle parfois en catastrophe parce qu'on veut avoir l'avis d'un prof à la caméra et qu'aucun des enseignants qu'ils ont interrogés et qui ont déblatéré contre un truc scolaire ne veut le faire en ondes de peur de... Je ne mens pas: ce sont les propos mêmes des recherchistes!

«Le droit de se taire, de demeurer observateur, ou simplement amusé par un échange d'idées intéressant, qu'en faites-vous?» Pour ma part, rien. Un prof qui ne se sent pas concerné par ce qui se passe actuellement en éducation est un danger public. Un prof qui ne prend pas position, pour ou contre, est un faiseur de dictature en puissance. Bien des peuples ont observé, amusés, jusqu'à ce qu'il soit trop tard.

On déplore l'apathie de nos jeunes. La salle des profs de certaines écoles (ne généralisons pas) en est une bonne explication.

Prof Malgré Tout a dit…

Intéressant tout ça... Quoique plutôt d'accord avec les propos de M.Papineau, je me réjouis de la perception qu'a Grande Dame des enseignants.

Prof Malgré Tout a dit…

Bordel, c'était politicaly correct mon dernier commentaire!

Grande-Dame a dit…

Monsieur Papineau, vous êtes idéaliste. Je ne le dis pas péjorativement, soyez-en certain.

Vos propos sont intéssants et je partage une partie de votre vision.

J'offre mon admiration à tous les audacieux et visionnaires qui bravent l'opinion de leurs pairs, affichent leurs idées et s'assument à la moëlle.

Cependant, vous condamnez ceux qui ne le font pas et cela me dérange.

Vous avez écrit un livre avec vos collègues et étiez motivé par des préoccupations profondes sur un sujet précis. Vous ne pouvez condamner celui qui a fait le même constat mais qui, pour ses raisons, a choisi de demeurer dans l'inaction (ou d'utiliser d'autres véhicules) ou dans l'ombre.

La société entière ne peut être proactive, animée de cette force vive qui pousse à l'action. Regrettable? Peut-être un peu...le monde serait-il meilleur...je cogite...

Suis-je fataliste d'accepter avec désolation certains aspects du statu quo? L'apathie que vous pointez du doigt, je la vois.

Certaines personnes protègent leurs arrières. Et si leurs préoccupations plus profondes étaient ailleurs? Ça peut aussi être correct de miser sur la sécurité, de ne pas tenir à briller d'un feu à vos yeux plus majestueux.

Un peu comme pour les profils d'investisseurs, on prend les décisions qui vont avec notre profil. Vous semblez prendre le "risque" d'assumer vos motivations profondes et c'est en soi admirable. N'a-t-on pas tous cette fascination des audacieux?

Comme vous, l'inaction me rebute. Mais je suis aussi humaniste et je sais évaluer le bagage des gens. Je sais que certaines gens n'auront jamais la couenne assez dure ou la tête assez haute pour ouvrir des voies malgré un fabuleux potentiel. C'est un brin triste, mais c'est ainsi.

Cette capacité à ouvrir des voies, elle vient de l'intérieur. C'est une fibre que notre personnalité et notre bagage nous mènent à développer.

Certains naissent avec, d'autres ne la sentiront jamais. J'éprouve une respectueuse compassion pour ceux qui sont voués à une vie de petite dimension et de petits accomplissements.

Oups, Prof Malgé Tout, je me suis relue, je n'avais pas l'impression d'avoir eu un ton offensant. Si tel est le cas, j'en suis bien désolée, mes propos allaient vers l'idée, pas vers la personne -que je tiens en estime, je le précise.

Je comprends votre idée cher Prof, je tenais simplement à y apporter ma réflexion.

Prof Malgré Tout a dit…

Chère Grande Dame,

J'apprécie hautement tous les commentaires que vous laissez sur mon blogue et soyez assurée que vous ne m'avez aucunement offensé. Je trouve que ce sont les commentaires des lecteurs, qu'ils aillent ou non dans le même sens que les miens, qui rendent ce blogue intéressant pour moi. Après tout, je n'ai pas besoin de ce blogue pour me lire...

Anonyme a dit…

Personnellement, chère grande Dame,
je crois que les jeunes méritent qu'il y ait plus d'idéalistes rigoureux en enseignement. Des profs blasés soucieux de leur REÉR ne font pas de bons modèles. Cela écrit, j'admire ceux qui sont capables de sérénité tranquille dans leur vie, mais ils ne sont pas légion et il en manque aussi dans nos écoles.

Quant au fait de se taire ou d'observer philosophiquement une situation, dans les temps de crise que nous vivons, je suis désolé, mais ça devient parfois une partie importante du problème.

Anonyme a dit…

Lorsque l'on est pas d'accord avec la masse, on passe pour un rebelle. Alors, il arrive souvent qu'on nous évite. Ne lâche pas, c'est un signe de lucidité.