La vilaine tortionnaire n’a pas dit son dernier mot. Le Professeur Masqué vous en parle. Lisez donc son excellent billet avant de lire mes conneries.
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Vous avez lu?
Excellent.
Je n’ai qu’une chose à déclarer : vengeance!
Oui... Vengeance, bordel. Nous ne sommes pas des punching bag.
Une petite tranche de vie.
Il y a quelques années, un de mes élèves de première année obtient la côte D dans son bulletin. Le jeune a des problèmes de motricité (rythmiques...), des problèmes d’attentions et est suivi en orthopédagogie. Ce n'est pas un diagnostique sérieux, en passant. Peu importe car, en musique, pour la compétence «interpréter des oeuvres musicales», comme il joue rarement la bonne note, rarement au bon moment et rarement avec la bonne technique, je lui refile un D. Même en trichant un peu et en évaluant les savoirs essentiels (et non seulement le développement de la compétence), il aurait quand même obtenu D.
Ah oui... D voulait dire que l’enfant développe sa compétence de façon insatisfaisante.
Nous sommes en février. La mère parle à son enseignante et veut que je la rappelle. Au téléphone, elle m’informe que j’ai donné un coup de pied au derrière de son fils durant le cours de musique et que maintenant, il a peur de la musique et il fait des crises lorsqu’il y a de la musique à la maison. En plus, il a mal au coccyx au point qu’ils ont dû consulté un médecin.
Vous avez bien compris : un coup de pied au cul, et devant toute la classe en plus.
Comme c’est un tissu de connerie, je reste calme et lui demande quand ça serait arrivé. Qui sait? Peut-être qu’un suppléant a vraiment donné un coup de pied au cul de l’enfant.
"En septembre."
Elle me dit que c’est arrivé en septembre... Je suis perplexe, mais je suis surtout en février. Je lui demande quand son enfant lui en a parlé pour la première fois.
La semaine dernière.
La semaine dernière? Bordel... Là, je commence à m’énerver, mais elle aussi. J’apprends qu’elle mène sa petite enquête sur moi. En interrogeant les parents au service de garde, elle répand la rumeur: je botte le cul des enfants.
Quelques jours plus tard, des élèves de sixième connaissent l’histoire. Je suis leur prof de musique depuis qu’ils ont quatre ou cinq ans. Pour plusieurs, je suis l’adulte masculin le plus constant de leur vie. Ils veulent savoir. Pas savoir si c’est vrai. Il veulent le nom de l’enfant qui raconte ça. Ils veulent faire la fête à la dame...
Vengeance!
C’était trop tentant.
J’ai quand même résisté à la tentation, mais ça ne m’a pas délivré du mal. Pas trop déçu? Moi, ça m’arrive parfois.
J’ai passé dans le bureau du patron et je lui ai expliqué ma version des faits. Il n’était même pas au courant de l’histoire. La situation était devenue ridicule: certains petits de première, pour se rendre intéressants, prétendaient même se rappeler du coup de pied.
Bordel... On a fait un jeu de lecture de note et il y avait un pied de dessiné au tableau.
Je n’avais qu’une possibilité. J’ai menacé la dame de poursuite judiciaire pour atteinte à ma réputation. J’ai été ferme, méchant et j’ai parlé comme celui qui n’a rien à perdre, mais qui en plus, avait envie de gagner autre chose. Disons que je n’avais pas l’air très conciliant.
La poussière est tombée sur le non-événement. Je ne l’ai jamais donné ce coup de pied au cul.
Imaginez si l’histoire était tombée entre les griffes de «Celle-dont-on-ne-peut-prononcer-le-nom-sous-peine-d’être-trainé-en-justice»!
Avec du recul, c’est tellement simple. Si en septembre, alors que les parents sont encore très vigilants, un prof balance un coup de pied au cul d’un enfant en pleine classe, que croyez-vous qu’il va se produire?
Exactement. Le lendemain, il y aura une vingtaine de parents devant l’école pour le lyncher.
Une dernière chose concernant l’histoire du petit mis en isolation dans sa classe et des parents qui ont réclamé la tête du prof et de la direction de l’école. Rappelez-vous qu’il reste toujours de la place sur le banc des accusés.
Chers détracteurs chéris,
Oui, vous. Vous qui aimez bien me menacer de poursuite judiciaire, sachez que lorsque je déconne en réclamant "Vengeance!", je fais allusion à un spectacle que j'ai monté avec quelques personnes qui lisent parfois ce blogue. C'est une "inside", une blague, un joyeux calembour. J'ai lu Monte-Cristo assez jeune et même si le milieu littéraire est convaincu que Dumas n'arrive pas à la cheville de Hugo, il est la chose la plus proche d'un père que je n'ai jamais eu et je respecte encore son enseignement. Je ne suis pas vengeur, même si j'ai encore cet enfant en pleine face une fois semaine et qu'il est toujours aussi nul en musique et aussi insignifiant comme individu. Sa classe reçoit le cours le plus banal de la semaine, sauf lorsqu'il est absent. Quand il est là, je marche sur des oeufs et je garde mon énergie pour le cours suivant. Des blagues, je n'en fais pas. Quand je l'ai devant moi, j'enseigne. Je fais mon travail et je le fais du mieux que je peux. Je réponds à ses questions, écoute froidement ses commentaires et ne me gène surtout pas pour le ramener à l'ordre quand il dérape. Trop de prof garde le profil bas après un histoire du genre. Je n'aime pas cet enfant et je n'ai pas envie de faire des efforts en ce sens. Je lui donne son cours, pour le reste, qu'il trouve ailleurs. S'il a un problème avec ça, qu'il le raconte à sa maman.
Êtes-vous en train de vous dire : "mais voyons, ce n'est qu'un enfant..."?
Imaginez quelqu'un qu'on enterre vivant et qui se fait dire : "mais voyons, ce n'est qu'une pelletée de sable".
Donc, je l'avoue: les jeunes qui me font des vacheries, je ne leur pardonne pas. Ce n'est pas dans ma définition de tâche.
Par contre, je ne me venge pas, ce n'est pas dans ma définition de tâche.
Mais si quelqu'un me traînait en cours, je ne pense pas que je tendrais l'autre joue.
Oups... attendez... Tendre l'autre joue, ce n'est pas dans ma définition de tâche, ça?
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