27 octobre 2007

Plogue


La fille qui tourne un reportage sur les élèves du projet sur lequel je bosse a sorti un film dernièrement. Comme je suis un bon gars et elle, une humaniste, je suis allé le voir.

Sans blague, je crois que j’y serais allé de toute façon. Vous en avez peut-être entendu parler, le titre c’est Le Ring.

En gros, c’est l’histoire d’un flo issue d’une famille dysfonctionnelle d’Hochelaga-Maisonneuve qui tripe sur la lutte. Le kid fait son possible, mais quand t’as le ventre creux et le coeur brisé, c’est pas facile la vie.

Les acteurs sont super bien dirigés et les images racontent d’elles-mêmes ce que Montréal veut cacher au reste du monde: ses rides, ses cicatrices et ses plaies. C’est un film dur, car on n’a pas d’autre choix que de se dire qu’on est tous un peu coupables. Sans être nécessairement responsable, on est coupable de fermer les yeux. Peu importe, allez-y. Si vous regrettez ensuite, rapportez-moi votre billet au Yulblog et je vous offre un verre. Vous allez voir que je suis vraiment casse-pied en personne...

La question qui revient toujours sur ce blogue : pourquoi je vous raconte tout ça?

Premièrement, comme tout blogueur qui se respecte, je suis imbu de moi-même et j’aime bien ploguer le fait que des cinéastes s’intéressent aux élèves à qui j’enseigne. J’ai bien le droit de triper par procuration, car après tout, le seul show de télé qui voudrait de moi, c’est Transformation extrême.

Deuxièmement, il y a un prof dans le film. Et là, ça n’a pas passé tout de suite dans ma petite tête. L’enfant se pointe à l’école et la prof l’oblige à faire un exposé oral, malgré que le jeune n’est jamais là, ne prend pas sa médication et que ça risque de virer en quelque chose d’humiliant pour lui. L’intervention de la prof est absurde pour quiconque enseigne en milieu défavorisé. C’est venu me chercher.

Y a des profs comme ça? Ouais! Y a des cons partout. Mais ce qui me dérange, c’est que le public aime bien taper sur les profs et vous connaissez la suite...

Par contre, je comprends. Les gens qui font un film ont une histoire à raconter et c’est parfois nécessaire de twister la réalité pour passer le message. Dans ce cas, laissez-moi vous dire que le message passe et pas à peu près. C’est donc correct que la prof du jeune soit une nouille de première.

Quelques petites choses à mettre au clair pour les non-initiés au merveilleux monde de l’éducation.

Le ritalin doit être prescrit par un pédiatre ou un psychiatre. Les histoires de prescriptions présignées dans le bureau de l’infirmière ou dans les poches du directeur, ce sont des légendes urbaines. Quoi? Vous connaissez quelqu’un que le fils de sa voisine et blablabla... Écrivez-moi avec le nom de l’école et de la personne (directeur ou infirmière) qui a fourni la prescription et je vous promets un belle grosse vague. Mais c’est pratiquement impossible... Beaucoup de gens sont tout simplement mal à l’aise de dire que leur enfant a réellement été diagnostiqué. C’est humain, c'est un choix, mais ce ne devrait pas être une raison pour taper sur l’école.

Donc, si un enfant prend du Ritalin, il a nécessairement une côte 12. Il n’est pas obligé d’être dans une classe TC, mais il doit avoir un suivi en psychoéducation. C’est la loi. Quoi? Vous connaissez quelqu’un que le fils de la voisine et blablabla? Effectivement, les parents peuvent signer un refus de service... ça arrive.

Alors, le p’tit prend du Ritalin et est suivi en psychoéducation. Il a donc un PIA: plan d’intervention adapté (anciennement PIP : plan d’intervention personnalisé... héhéhé). Si ça fait deux semaines que maman s’est poussée et que le jeune ne mange pas, si l’hygiène est déficiente et que l’enfant s’absente toujours de l’école, il y aura automatiquement un signalement à la DPJ et les travailleurs sociaux entrent dans le décor.

En passant, on a pas besoin d'une signature des parents pour faire un signalement à la DPJ.

Pourquoi je vous raconte tout ça? Parce que dans le film, on ne le dit pas, on ne le fait pas. C’est correct parce que c’est plate et de toute façon, le système ne fait pas de miracle.

J’en ai vu passer des jeunes comme le héros de ce film et lorsqu’on veut agir, on se rend compte qu’ils ne font que passer. Pas parce qu'on ne fait rien; ils déménagent avant qu'on ait le temps.

J’en ai vu aussi quelque-uns qui s’en sortent. Pourquoi? Parce que l’alarme a retenti assez vite et assez fort.

C’est pour ça que c’est important les films comme Le Ring.


Merci Anaïs.


Pis les autres, grouillez-vous à aller le voir. Ça fait drôle de dire ça d’un film, mais ce coup-là, c’est important!


Et en plus, la musique est très belle quand il se promène en vélo la nuit.









...

8 commentaires:

Anonyme a dit…

Vrai que l'on ne prescrit PAS du ritalin à la volette.
Vrai qu'on a fait un PIA pour mon garçon atteint d'un TDAH (notez que c'est au passé. Une seule rencontre l'an dernier et aucune encore au programme cette année... Et pourant des problèmes encore bien présents !).
Et "?" pour la cote, on ne m'en a jamais parlé.
Et faux pour le suivi automatique en psychoéducation... Fiston voit uniquement une orthopédagogue spécialisée en déficience auditive (il est malentendant), mais j'suis même pas sûre qu'il y aurait "droit" s'il n'avait pas de problème d'audition... Et je n'ai jamais signé un refus de service !
Avec l'ancienne directrice le suivi était plus serré (je m'en ennuie, d'ailleurs...), mais pas plus de psychoéducatrice au "menu".
De notre côté, par contre, on a fait (et repris depuis peu) un suivi avec un psychologue en privé. $$$...
Mettons que côté "soutien aux élèves à besoins particuliers", on (i.e le système scolaire, et/ou la commission scolaire et/ou l'école...) a des croûtes à manger !
p.s. le film est sûrement excellent, mais j'suis pas sûre que j'ai envie d'y être confrontée... c'est vraiment pas facile, être mère d'un enfant hyperactif et je suis particulièrement fatiguée par les temps qui courent, bref, pas une prédisposition pour ce genre de film ! :0)

Prof Malgré Tout a dit…

Renée-Claude : Tu ne te retrouveras pas dans ce film. La mère du petit dans le film est junky et se prostitue...

Si ton fils est diagnostiqué TDAH, mais que cela n'entraîne pas de problème d'ordre comportemental, c'est plutôt d'un service d'ortho qu'il a besoin.

Vous avez droit à plus de service que ce qui est mentionné, c'est clair. J'enseigne en milieu très défavorisé, alors on a plein de service sur place, mais on a tout de même des profs itinérants qui viennent pour les enfants qui ont besoin d'un suivi particulier. Souvent, c'est une fois semaine...

La direction peut faire une différence. Peut-être pourriez-vous lui rappeler ce que votre enfant génère comme service (lire budget) avec sa cote.

En passant, si l'enfant a un handicap auditif et un diagnostique TDAH, il doit avoir une cote.

Prof Malgré Tout a dit…

Une dernière chose : C'est vraiment poche d'être obligé de se battre pour des services prescrits par le système.

unautreprof a dit…

Je vais aller voir ce film.
Et t'en parler au Yulblog de novembre (des promesses, des promesses). Ça risque de me faire penser à certains de mes élèves.

Pas tous mes élèves qui prennent du ritalin ont la cote 12 mais ils ont tous un PIA. Et sont en effectif réduit.

IL y a beaucoup de fausses infos sur le ritalin, mais je pense que de plus en plus, on remet les pendules à l'heure.



Comme tu le fais.

Anonyme a dit…

Bonjour PMT,

Pour la prescription du Ritalin, vous avez raison. Enfin… disons que ce que vous dites correspond à ce que je sais de la question. Pour le reste, Renée-Claude semble plus près de la réalité. La cote ne suit pas nécessairement une prescription de Ritalin et les services non plus. Il faudrait que je vous retrouve cet article qui relate l’origine d’une campagne de financement qui est rééditée depuis huit ans afin de fournir des services que certains élèves devraient avoir et qu’ils n’auraient pas autrement faute de financement adéquat.

En ce qui concerne le PIA, si je ne m’abuse, il doit précéder l’assignation d’une cote. La procédure est lourde pour obtenir une cote et le résultat est incertain.

Je connais une école primaire qui, récemment, a commencé à jongler avec l’idée d’une campagne de financement pour se doter davantage d’heures de TS.

Je n’ai pas vu le film, mais vos précisions sont certainement les bienvenues. Notamment lorsque vous faites valoir que, même si elle n’est pas parfaite, même si elle ne fait pas de miracle, l’école fait davantage qu’on ne le croit pour les élèves qui éprouvent des difficultés de divers ordres.

Anonyme a dit…

Salut PMT

Oui, les cotes ne suivent pas toujours le ritalin... et vice versa... ni le suivi...

M. Chartrand

J'ai un jour entendu une femme dire que le jour où l'armée fera une vente de petits gâteaux pour boucler son budget, nous serons sur la bonne voie!!

Prof Malgré Tout a dit…

M. Chartrand,

D'abord, bienvenue! Je crois que vous avez raison concernant le PIA qui précède la cote. Par contre, je crois que la loi prescrit un PIA pour tous les élèves ayant une cote 12. C'est à vérifier... J'vais demander à mon boss; il tripe LIP à ses heures.

Ce que je peux dire, c'est qu'à mon école, c'est obligatoire. Le contraire me semble irresponsable et ça soulève une question : avons-nous vraiment besoin d'une loi pour être responsable?

Miss Patata a dit…

Ce que j'ai compris du passage en milieu scolaire dans le film c'est: hey le jeune il a bien d'autres préocuppations bien moins futiles que l'école! Il est continuellement en mode survie! Les intervenants et les professeurs ne voient donc qu'une facette du problème et leur rayon d'intervention est plutôt restreint! Encore une fois on traite le symptome, dans certains cas on l'empire... Les services sociaux doivent être vus sous l'angle éco-systémique, alors qu'on ne fait que patcher...