22 octobre 2007

Anatomie 101

Cet après-midi en quatrième année, on a parlé registre : soprano, alto, ténor, basse et blablabla. Comme exemple, je leur balance toujours le même truc.

Extrait du Requiem de Mozart
Tuba mirum








C’est bien parce qu’il y a du trombone...


Mais non... C’est bien parce que c’est d’abord la basse qui chante, suivi du ténor, de l’alto et ensuite de la soprano. On ne se rend jamais à la fin de l’extrait, car je les sens venir :

«On joue-tu là? C’est pas censé être un cours de musique?»

«Et toi, t’es pas censé être soumis et bien sage si tu ne veux pas couler ton année?»

«On veut jouer!»

Quand même, ça ne sert à rien de les provoquer et en plus, je ne suis pas vacciné contre la rage. Alors, on ne prend aucune chance et on coupe l’extrait après ce qui nous intéresse.

Ensuite, comme je suis juste et bon, on s’est aussi tapé un contre-ténor, une contre-alto et enfin, une soprano colorature. Quand je dis taper, je ne parle pas d’échange de fluide; je veux tout simplement dire qu’on a écouté des extraits musicaux. Avouez que vous êtes déçus...

«On jouera pas aujourd’hui hein? Tu vas juste parler...»

«T’en fais pas, je vais te laisser de l’eau et un peu de bouffe...»

«Hein?»

«C’est long une retenue de quatre heures.»

J’ai toujours rêvé d’être soprano colorature. Et vous?

Le deuxième air de la reine de la nuit
La flûte enchantée, Mozart









Ça, on l’a écouté au complet. C’est quand même moi le boss.

Bon. Ce que je veux vous raconter aujourd’hui, c’est à propos de Babette (c’est un nom fictif, tout comme «Prof Malgré Tout» qui n’est pas mon vrai nom...). Babette est d’origine africaine et issue d’une famille très religieuse. Si je «fake» les noms de ses frères et soeurs, ça donne un truc du genre : Prière, Cantique, DieuTruc et MachinDieu.

Moi qui prévoyais sacrifier un bouc sur l’autel de la musique afin d’assouvir Apollon... À ne jamais faire devant Babette. On fait quoi d’abord? Facile. On parle de couilles.

Couille!

«Vous savez, il y a quelques centaines d’années, les femmes ne pouvaient pas chanter dans les églises en Europe. Qu’est-ce qu’on faisait alors pour les voix de soprano et d’alto?»

«On prenait des enfants?»

«C’était une possibilité. Mais si on voulait plus de puissance ou même pour tenir un rôle à l’opéra?»

« ... »

J’explique alors comment la voix des garçons mue à la puberté. Je parle aussi de poil.

«Alors, qu’est-ce qu’on fait quand on veut une voix aiguë et puissante, mais qu’on ne peut pas prendre une femme?»

«...»

«On prend un petit garçon et on le castre.»

«...»

Pas de réaction.

«Qui a un chat ici?»

Un tas de mains se lèvent.

«Ils sont castrés vos chats?»

Peu de mains se lèvent. La castration n’est pas à la portée de toutes les bourses... et vice-versa.

«Vous savez ce qu’on leur a fait à vos chats chez le vétérinaire?»

«...»

On dirait qu’ils ne sont pas curieux...

«Jadis, il y a longtemps, maintenant, on ne le fait plus, ça fait super longtemps, c’est interdit, n’aillez pas peur, ça ne vous arrivera pas, etc. »

«Quoi?»

«On coupait les testicules des garçons qui chantaient bien»

Je vous laisse imaginer la réaction... héhéhé!

Première question :

«Pourquoi?»

«Pour empêcher la voix de muer. Les hormones qui font ça sont produites dans les testicules.»

Deuxième question:

«PMT... Comment ils faisaient pour faire pipi?»

«Tu fais pipi par les testicules toi?»

Troisième question :

«Ça veut dire qu’ils ne pouvaient pas avoir d’enfants?»

«Effectivement. C’est triste hein? Mais c’est une bonne question.»

Quatrième question :

«Comment on faisait pour choisir les petits garçons?»

«Des auditions?»

Pas certain que ça aurait été un grand succès. Je leur ai fait jouer ce truc :

Cliquez ici

Cinquième question :

«Mais là... si ils ne pouvaient pas avoir d’enfants, pourquoi c’est un enfant qui chante?»

«... Je préfère ne pas répondre à ta question.»

«Pourquoi?»

«Par professionnalisme.»

Et enfin, la dernière question, gracieuseté de Babette:

«C’est quoi un testicule?»


Man... quatrième année...


«Si tes parents ne te l’ont pas appris, ce n’est pas moi qui vais te l’apprendre. Désolé.»

Et là, je sors mon regard qui ne pardonnera pas à celui qui ouvrira sa grande gueule.

«On peux-tu jouer là?»

«Mets-en! Prenez vos baguettes. Mais n’oubliez pas les gars : méfiez-vous des bourses d’études en chant.»

Si y a un élève qui l’a compris, ce n’est certainement pas Babette. Je rigolais seul...






15 commentaires:

Anonyme a dit…

Ha! Ha! Ha!

De bien belles cerises!!!

La belle Lurette a dit…

Je crois que vous venez de créer quelques angoisses chez les garçons...:)

Anonyme a dit…

Mon chat, il a eu pire ! On lui a TOUT coupé le pauvre...maintenant il fait pipi comme une fille.
Non seulement ca m'a brisé le coeur mais aussi le porte monnaie...

Anonyme a dit…

Prof Malgré Tout, je vous lis depuis longtemps sans jamais avoir osé vous transmette mes commentaires. Aujourd'hui, c'est plus fort que moi et je veux vous dire merci. Merci pour ces tranches de vie si délicieusement bien racontées, merci pour les extraits musicaux, merci d'enrichir ma propre culture musicale, merci d'avoir choisi ce métier si ingrat, si peu valorisé, merci d'allumer des étincelles dans les esprits de vos élèves. Vous avez toute ma reconnaissance et toute mon admiration.

zviane a dit…

ahahah!!.... t'as osé!!.... t'es cool!!

Jhon a dit…

«Si tes parents ne te l’ont pas appris, ce n’est pas moi qui vais te l’apprendre. Désolé.»
Heuuu mouais. C'est pas ce que je lui aurais répondu mais soit ^^

Tiens au fait aujourd'hui on castre plus, mais je suppose qu'il y a toujours des hommes en opéra non ? Alors comment ils font pour garder leur voix, traitement hormonal ?

Thinkerbell a dit…

Je me suis bien bidonnée avec ce billet.
Même dans mes souhaits les plus chers (même sous la douche), j'ai toujours voulu chanté cet aria. Mais bon, je suis plus du genre alto et en plus je manque de technique de respiration...

Prof Malgré Tout a dit…

Ti-brin : je cherchais une image par trop «hard».

La belle lurette : Ouais... ça ne sera pas évident de les faire chanter...

Businessmum: Ouch...

Isabelle : Vous me faites rougir.

Zviane : Faut vraiment que me le botte et que je m'inscrive à la FAMEQ pour le truc de Vivier.

John : Les rôles de castrats sont maintenant chantés par des femmes.

Guylaine : On aimerait tellement être soprano colorature. C'est pas juste!

Hortensia a dit…

Ahlala, quel billet, du grand PMT; tout ce qui fait votre couleur si particulière y est!

Anonyme a dit…

Peut-on imaginer un instant la conversation à la maison:
-pa, c'est quoi un testicule?
-Jésus Marie Joseph, où as-tu entendu parler de ça!
-Ben le prof de musique en a parlé
-...
C'est vrai qu'aujourd'hui, avec la réforme, l'éducation sexuelle est censée être assumé par tous les professeurs. Bel exemple d'insertion pédagogique!

Prof Malgré Tout a dit…

Trimegistes : On peut parler de testicules, tant qu'on ne parle pas d'insertion (pédagogique ou pas...)

Anonyme a dit…

D'un message à l'autre...Ça y est je crois bien maintenant être devenue "addict" à ton blog. C'est vraiment très rafraichissant, instructif, authentique et tellement drôle!

Ces enfants sont en train de se construire de très beaux souvenirs avec toi. À 30 ans, ils se rappelleront.certains auront peut- être mis beaucoup de temps à comprendre mais l'impact sera d'autant plus important.

La Marsouine a dit…

J'ai déjà raconté qu'à sept ans, j'ai passé deux heures à essayer de convaincre mes cousines (des jumelles, qui avaient 9 ans) que leurs parents ne les avaient pas magasiné mais qu'il avaient FAIT L'AMOUR pour les avoir???? C'est ma mère qui a finalement apporté du poids à mon argument, laissant mes cousines horifiées et dégoûtées!

Missmath a dit…

Quel cours grandiose et quel billet mémorable.

Bis, bis, bis...

Je veux m'inscrire à vos cours.
Trop vieille ?
Zut !
Alors, comblez-nous de tels billets.

Daniel Rondeau a dit…

Belle tranche de vie!
...À moins que ce ne soit une tranche de bourse?!

La bourse ou la vie, telle est la question.