Je hais les «camera-huggers». Vous en connaissez certainement. Dès qu’ils en voient une, ils se placent devant et attendent. Ils croient à la magie. Ils vont passer à la télé!
Pourtant, j'aime bien Loft Story... quand je l'écoute.
Personnellement, ils m’énervent (pas les lofteurs, les caméra-huggers). S’ils ont moins de 13 ans, c’est moins pire. Mais, ils m’énervent quand même. Par contre, quand c’est sur moi que la caméra est braquée, là ça m’énerve royalement.
Je n’ai rien contre les équipes de tournage, même qu’au contraire, j’ai tendance à les trouver très sympathiques devant un café. Le problème, c’est moi. Filmez-moi lorsque je raconte un truc aux élèves, ça ne me dérange pas. Mais quand, bordel, on est en plein processus de création, que j’essaie de faire écrire une putain de chanson aux élèves pour le show et que ce n’est pas évident... Quand le lecteur cd ne veut rien savoir de mon disque et que je dois me rabattre sur le clavier qui est trop haut pour jouer assis, mais aussi trop bas pour jouer debout, des mélodies qui ne sont pas vraiment encore arrangées pour mes mains, moi qui ne suis pas arrangeur «on the spot» et encore moins pianiste «on the top»... Que je pense à ce genre de trucs au lieu de fesser dans le tas comme d'habitude... Oui, c’est ça... je suis une nouille!
Pourquoi ce n’est pas François Dompierre qui fait ta job?
Hum... Bonne question!
Ou Gregory Charles! Y m'semble qu’y s’rait bon... lui.
Bordel... êtes-vous obligé de filmer mes mains de si proche?
Pourquoi vous pointez toujours votre machin sur l’élève qui n’écoute pas? Oui lui... celui que je ne réveille pas d’un allègre «tching kawong» pour ne pas l’humilier devant la caméra. Hein? Vous ne l’auriez pas gardé au montage? Il le sait ça, lui, le kid avec la caméra à deux pouces de la face?
T’as une caméra à deux pouces de la face, mais fais comme si elle n’était pas là...
Y a pas de zoom sur votre machin?
Tu sais, y a deux mois, quand tu es devenu tout rouge en classe et que les autres se sont moqués de toi... Oui oui... quand PMT t’a dit tching kawong et que tu pensais que c’était filmé. Ben, on ne l’a pas gardé au montage!
Ah oui... Vous filmez l’élève qui regarde son pupitre. Peut-être n’a-t-il pas déjeuné, pauvre petit...
La faim en gros plan.
Peut-être qu’y a juste pas envie d’avoir une caméra à deux pouces de la face, pauvre petit.
Les enfants aussi ont une bulle. Oui, oui... Comme les humains!
OK, j’en mets (sauf pour les caméras à deux pouces de la face et de mes mains).
En résumé, y a des gens qui font un reportage sur des élèves du projet et ça m’énerve. Je ne m’amuse plus et je suis moins créatif. Je suis tanné d’avoir une caméra dans la face à chaque fois que je me retourne pour écrire au tableau. Tanné que chaque moment magique soit brisé parce que l’équipe se déplace pour le capter. À chaque fois qu’ils sortent de la classe pour quelques minutes, je respire et surtout, je m’amuse avec les élèves. J’ai besoin de mon fix, parce que faire ce genre de projet, ça coûte cher en temps et en énergie. Pas de magie, tu meures. Je sais que j’ai encore le micro au collet et qu’ils nous filment de la fenêtre de la classe. Pas grave, on s’éclate un peu.
Non. Ils ne sont pas toujours là. Mais ce matin, ils étaient là. La semaine passé, ils étaient dans un classe que j'aurais dû ramasser. Ça ne me tentait pas devant la caméra. Ils ont ciblé des jeunes. Des jeunes qui pour la plupart en arrachent. C'est cool pour ceux qui en arrachent autant, mais se bottent le derrière pour que ça ne paraisse pas... La misère se vendrait-elle mieux que la dignité?
Je sais... À la fin, les jeunes retrouveront cette dignité perdue grâce au projet et blablabla. Mais dans ce projet, ce qui compte, c'est le chemin, pas le fil d'arrivée.
Bordel... Ça ne fait même pas du bien d’en parler. J’suis décroché.
Pour sortir le meilleur de soi-même, il faut pouvoir être soi-même. Les élèves sont différents avec une équipe de tournage dans la classe et moi aussi. On a beau vouloir, on ne les oublie pas ces machins pointés sur nous.
J’espère que c’est fini et qu’on va pouvoir finir d’écrire le show entre nous. C’est quelque chose de particulier la création. Ça demande de l’intimité et avec une caméra dans la place, ça ne passe pas. Oui... c’est ça. De l’intimité.
Le reste, vous pouvez le filmer. Mais quand on réinvente le monde, c’est pas de vos oignons.
Coda
De toute façon, c'est n'importe quoi ce blogue... J'invente à mesure tout plein de trucs absurdes pour me défouler et ça ne fonctionne presque jamais, alors je me rabats sur une bouteille de scotch qui est ces temps-ci un Glenmorangie et je choisis au hazard un personnage de la pièce écrite par les enfants et je le remplace par un nain pervers éleveur de dobermans.
Si vous êtes offusqués par mes propos, la corde est en spécial cette semaine chez Canadian Tire.
Je déclare à partir de ce moment, de ne plus reconnaître en moi-même le créateur de l'oeuvre de fiction qu'est ce pathétique blogue. Prof malgré quoi? Hein? Je ne connais pas ce type moi.
Je vote ADQ et je ne sais même pas y a combien de bémols en fa mineur.
Je trouve ça relaxant la musique classique.
J'utilise le mot triton pour avoir l'air savant lorsque je parle de Bach (c'est à la mode on dirait...).
J'écoute Espace Musique les matins en semaine.
Je trouve que c'est une bonne chose que Kent Nagano dirige l'OSM.
Vous n'avez pas idée combien de fois par jour j'ai envie de tout effacer. Tout.
Bon, faut que je vous quitte, le Canadian Tire ferme bientôt.
...
18 commentaires:
À ta place, j'irais louer "C'est arrivé près de chez vous" et je me bidonnerais.
Tu pourrais même mettre la dernière scène en boucle...
Prof, vide le Glenmorangie. Ça ira mieux demain, va.
Chroniques B
PMT, on ne partage pas toujours les mêmes idéaux, mais maudit que je comprends ta réaction! Tu sais que j'ai refusé quelque chose de médiatique parce que je savais que cela me nuirait en classe. Devenir un personnage public, c'est un peu pesant à porter. Et pourtant, c'était à 100 lieux d'une caméra à deux pouces de mon visage!
Oui, la caméra modifie la réalité. Oui, l'équipe de tournage fait des choix qui nous frustre. Mais il faut lui faire confiance comme au premier jour parce que sinon tu es mieux de la sacrer dehors...
Une chose cependant: tu as droit de leur parler de ce que tu vis, de ce qui t'emmerde actuellement. Ils sont venus te choisir et ils sont en train de te changer, de te perdre. Ce n'est pas sain. Pour le bien de ce projet, jase un peu de ce qui t'écoeure.
Pour le reste, ne verse pas trop dans l'auto-destruction et remplace l'alcool par un bon jus de légumes. : )
Malika : Ça fait une mèche que je n'ai pas vu ce film... Je ne me souviens plus de la dernière scène... mais on est fait pour s'entendre!
Chronique B : Je suis mono parental ce soir... donc, j'ai opté pour un petit coup de rouge. Mais bon... le petit dort et la bouteille était déjà entamée.par contre, si je vide le Glenmorangerie, ça ira mieux ce soir, mais pas demain.
En passant, c'est certain que tu connais une des réalisateurs... Elle est adorable et talentueuse. C'est seulement qu'on ne partage pas les mêmes buts. Elle veut faire un film, moi un show. Les enfants, on s’en fout!
Prof Masqué : C'n’est pas moi le boss du projet. Moi je fais l'écriture avec les jeunes (texte, chanson, composition des mélodies), j'adapte des extraits d'opéra, j'arrange la musique des jeunes et ensuite, je forme et dirige le band pendant les représentations.
Les gens du documentaire, ils n'en ont rien à cirer de nous et c'est très bien dans un sens. Par contre, ils nous utilisent pour avoir accès aux enfants et ils font des demandes (horaires, formations des groupes, casting d'enfants, etc.) qui vont plus dans le sens de la scénarisation de leur documentaire que des réalités quotidiennes des écoles et des enfants. Ils ont le droit de demander... Par contre, j'ai pleinement confiance au jugement du directeur du projet. Donc, je ne m'en fait pas trop de ce côté.
Du jus de légume... c'est comme un bloody caesar ça?
PROF JE T'AIIIMEEEE!!
oops, je recommence, mais pas anonyme, cette fois:
PROF JE T'AIIIMEEEE!!
Oui, pis le céleri, ça fera le légume...
Zviane : Un je t'aiiiimeeee!!! de toi, ça se prend toujours bien. Même sarcastique, il ferait (fait?) chaud au coeur.
Zut... j'étais pas supposé mentionner l'existence de mon coeur.
Prof Masqué : Trop tard... J'avais pas de cèleri frais... que du sel de cèleri. N'ayez crainte... je ne sniff pas.
Ne lâche pas, tu es une inspiration pour plusieurs que ce soit ici, sur ton blogue, ou en classe j'en suis sûre. Tu ne devrais pas sous-estimer ton influence. Moi, je t'adore!
Dis toi que ça pourrait être pire, ils pourraient vouloir intégrer Roger dans leur docu!
Quoi? Ils ne filmeront pas Roger? Le salauds!
Comment, je ne serai pas dans le film! Je me suis fait tout beau!!! Je n'ai que quelques morceaux de cervelle qui trainent sur une épaule. Et mon beau frère, le monstre de la planète choco!!! Il va être dans le film lui????
ROGER
Je ne suis pas sarcastique. j'aime pas le sacrasme. c'était sincère.
PMT - les documentaristes, ces (faux) vertueux du cinéma - peuvent être de redoutables Don Juan! Ils viennent, ils pillent, ils partent. Et une fois qu'ils ont eu ce qu'ils voulaient, c'est assez rare qu'ils vous laissent un numéro de téléphone...
L'aventure peut tout à fait être belle. Mais ça reste une aventure.
Soyez ouvert, de bonne humeur, capotez vous le coeur... et ne soyez pas dupe!
cb
Dans le Don Giovanni de Mozart, je suis un fan fini de la statue... devinez pourquoi.
J'ai du éditer ce commentaire... désolé.
Le collègue qui allaite prétend que...
Voilà un blog que tu as écrit pour plus qu'une personne, PMT. Ça me fait du bien de voir des mots mis sur les impressions que j'ai depuis le début avec Les Autres. Tu touches droit dans le mile avec la perte d'intimité. En plus, tu ne sais pas quoi? Ils veulent être là quand nous distriburons les rôles aux élèves, des fois qu'il y aurait des larmes ou du sang... Merci, comme les curés de mon enfance, tu éclaires mon âme le dimanche matin!
p.s. dans la Presse de samedi matin, quelle ne fut pas ma surprise de lire les commentaires du réalisateur de "*******" qui affirme que l'art n'est pas enseigné dans les écoles de *****... T'es-tu recyclé dans les cours de cuisine sans nous le dire?!?
Collègue : On reparlera de ce réalisateur. Il semble être le genre qui parle de pauvreté dans un quartier huppé devant un café à sept dollars. Pour ces cinéastes, notre réalité n'est qu'une maitresse des beaux jours. Ça te rappelle quelqu'un?
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