Ça me trotte dans la tête depuis un bout.
Version honnête :
Ça me les casse.
Peu importe la version, je vais une fois de plus abuser de votre patience afin d’exorciser quelques démons. La routine, quoi.
Voici donc, en primeur :
Prof Story : le Confessional
Le Maître : PMT, rends-toi immédiatement au confessionnal.
PMT : Oui Maître!
PMT s’empresse d’obéir, espérant se faire confier une mission qui lui permettra d’améliorer ses conditions de travail et qui sait, abolir la loi 142.
Une fraction de seconde plus tard, au confessionnal.
Le Maître : Te voilà.
PMT : Oui Maître, me voilà. Vous vouliez me voir?
Le Maître : Pourquoi t’aurais-je demandé de venir si tel n’était pas mon voeu?
PMT : Effectivement Maître, vous êtes d’une logique implacable.
Comme le Maître n’est en réalité que mon alter ego, pourquoi me gênerais-je pour le complimenter?
Le Maître : Même si la démagogie t’a toujours bien servi jusqu’à maintenant, c’est inutile d’en faire usage avec moi. Ça pourrait te porter malheur...
PMT : Dans le sens de «ballotage»?
Le Maître : Mais non, imbécile. Je suis dans ta tête. Si le public choisit de ne pas te garder, je devrai errer dans les limbes pour l’éternité. Alors, au lieu de dire des sottises, voici ce que j’ai à te dire...
PMT : ...
Le Maître : ...
PMT : ...
Le Maître : Alors? J’attends.
PMT : Mais Maître... c’est vous qui aviez quelque chose à me dire.
Le Maître : PMT, comme je suis un produit de ton imagination, tu peux très bien dire toi-même ce que j’ai à te dire.
PMT : Vous êtes fort.
Le Maître : Tu dis ça pour te faire plaisir...
PMT : Donc, vous voulez savoir pourquoi j’ai l’air troublé depuis quelques jours?
Le Maître : Exactement. Ça n’aurait pas à voir avec un certain «documentaire»?
PMT : Vous êtes vraiment perspicace Maître.
La Maître : En effet. Parle, minable.
PMT : Ce qui me tracasse avec le documentaire, c’est que j’ai l’impression de collaborer à un freak show et qu’à la toute fin, ce sera moi qui tiendrai le rôle principal.
Le Maître : Rôle principal? Toi? Mais c’est un documentaire sur les élèves. Pas sur toi.
PMT : Oui, mais dans la catégorie freak, je risque de voler le show.
Le Maître : Tu es déjà sur la bonne voix.
PMT : Merci Maître, je suis votre exemple.
Le Maître : Comment oses-tu?
PMT : Mais non Maître. Pas «suis» dans le sens du verbe suivre, mais plutôt dans le sens du verbe être.
Le Maître : Tu es très habile PMT.
PMT : Je suis votre exemple.
Le Maître : ...
PMT : ...
Le Maître : Un-zéro pour toi PMT, mais ma vengeance sera terrible.
PMT : Ballotage?
Le Maître : Tu oublies vite...
PMT : Ah oui... les limbes.
Le Maître : Exactement. Alors, qu’est-ce qui te porte à croire que tu seras le freak en chef du documentaire? Ça va de soi que tu seras ridicule, mais j’aimerais l’entendre de ta bouche.
PMT : Vous voyez Maître, les gens du documentaire ont choisi des élèves «puckés». Le genre d’élèves qui n’écoutent pas, ne te regardent pas, ne font rien et n’apportent pas grand-chose au projet. C’est plutôt le projet qui, à long terme, leur apportera quelque chose.
Le Maître : Je ne vois pas le problème. C’est tout à ton honneur.
PMT : C’est ce que je croyais au début... Mais dans la pratique, ça ne se passe pas exactement comme ça. Disons que je suis en pleine séance d’écriture avec les enfants et qu’un de leur sujet n’écoute pas et est complètement décroché. Ils s’approchent de lui et le filment pendant qu'il joue avec son crayon (il n’aime peut-être pas les caméras...). Il lâche son crayon et finalement, se referme sur lui-même...
Le Maître : Tu laisses passer?
PMT : Moi, ma job de prof, c’est de le sortir de sa torpeur et de le faire participer. Le problème, c’est que lorsque j’interviens sur un élève qui n’écoute pas et que c’est filmé, j’ai l’impression que c’est humiliant pour l’élève. J’n’en ai rien à cirer que ça sera coupé au montage ou que plus tard, ils le montreront sous un jour meilleur (c’est prévu pour quelle date déjà le jour meilleur?), l’humiliation est là sur le moment et quand tu entres dans la catégorie «no futur», t’as tendance à vivre dans le présent.
Le Maître : «No futur»? Tu es conscient qu’il y a plein de gens qui te lisent et qui n’attendent que ça? Que tu exposes tes préjugés! «No futur»... Espèce de salaud! Mais cause toujours, tu m’intéresses.
PMT : J’ai donc le choix : humilier un enfant ou ne pas faire ma job. S’il n’y a pas de caméra en classe, c’est beaucoup plus facile. Les jeunes ont parfois besoin de se faire rentrer dedans. Rarement devant leur confrère, mais jamais devant une caméra. Ce n’est pas que je ne veux pas être filmé en pleine intervention sur un jeune, au contraire, je me trouve bon. C’est pour l’enfant que je trouve que ce n’est pas éthiquement acceptable.
Le Maître : Mais qui es-tu pour juger de ça?
PMT : Je n’ai pas grandi dans un bungalow avec une piscine derrière. Encore moins sur le Plateau Mont-Royal avec des parents intellectuels ou artistes. J’en ai plein le dos du tourisme communautaire : "Allons voir les pauvres. Allons leur montrer qu’on pense à eux et que ça peut changer... " Ils vont être où après, les gens du documentaire?
Le Maître : Après quoi?
PMT : C’est comme les gens qui prennent l’avion et ensuite parcourent des centaines de kilomètres en Jeep et qui appellent ça de l’écotourisme. Moi j’appelle ça de la pollution.
Le Maître : On les haït les cons en VUS, hein?
PMT : Mets-en... C’est un peu le même truc avec la pauvreté.
Le Maître : Tu hais les pauvres?
PMT : Mais non. Je méprise ceux pour qui la pauvreté est une destination touristique.
Le Maître : Mets-en... Ils veulent avoir la conscience tranquille.
PMT : Et en plus, ça pogne.
Le Maître : Et c’est un bon filon...
PMT : Quand tu ne peux pas te payer un voyage dans le tiers monde...
Le Maître : Ce n’est pas très politicaly correct comme déclaration...
PMT : Quelle merde...
Le Maître : À qui le dis-tu? Tu veux un autre scotch?
PMT : Pourquoi pas... Il reste de la bière?
Le Maître : Of course!
PMT : J'aime bien une bière avec mon scotch.
...
11 commentaires:
Ouin... :( Et il est trop tard pour reculer et refuser le documentaire, trop tard pour faire sortir ces caméras de la classe...
Je suis malheureusement en accord avec vous Prof Malgré Tout, concernant le tourisme. La misère fait vendre.
J'espère quand même que ça n'empêchera pas les jeunes de tripper à fond dans le projet et d'en retirer le même positif que les autres enfants les années précédentes... Je le souhaite très fort!
Ma question est peut-être (ou sûrement) niaiseuse, mais as-tu parlé de ton malaise à l'équipe du film?
(c'est vrai que c'est bon un scotch avec une bière)
j'ai commencé à me pomper avec les cons en VUS qui font de l'ecotourisme, avec les piscines en banlieue et avec le plateau puis je me suis dit que ça valait pas la peine de s'emporter. On est tous le préjugé de quelqu'un, qu'on soit riche ou sur le bs...
Joyeux Noël
Hortensia : Oui.
Marâtre : Ils vont tripper.
Benoit : Tu as raison, il ne faut pas s'emporter et encore moins se pomper. Par contre, dénoncer une situation qui nous parait ridicule, ce n'est pas nécessairement malsain.
De toute façon, chacun à sa raison à lui de brûler plein d'essence en VUS, et ce, de façon légitime. Ça va de l'hiver québécois, en passant par l'état des routes à Montréal et au mal de dos.
Mon excuse préférée : je ne suis pas grande. Je vois mieux dans un VUS.
Ça, c'est de la réponse succincte!
j'ai eu cette discussion sur les VUS avec mon beau-frère. Il m'a répondu que l'autobus de ceux qui prenaient le transport en commun polluait plus que le VUS. Je lui ai demandé si ça y tentait de parler "baseball"...
Est-ce que "Les Autres" connaissent ton blog?!?
Ouch... ça craint.
Mais mauditement bien rendu dans ton texte ;)
Courage.
Prochaine description à la lost pour faire plaisir à Poilu?
Poilu : Crois-tu que "Les Others" s'abaisseraient à lire le blogue d'un prof? Je n'ai pas vraiment pensé à ça parce que, de toute façon, c'est une oeuvre de fiction.
Y a des gens parmi nos principaux partenaires qui sont tombé dessus...
Dobby : Je fais attention de ne pas trop faire plaisir à Poilu... juste au cas où il s'emporterait devant les élèves.
Hortensia : Tu sais, quand les gens te font sentir qu'ils te comprennent... ils te comprennent... Ouain pis? "Les Others" me comprennent. Ils sont compréhensifs, "Les Others".
Quand on entend des voix dans notre tête, il est temps de diminuer notre consommation de scotch...
Se prêter à ce tournage est un gros risque. Je te trouve courageux, PMT, ou complètement inconscient. Chaque fois que j'ai eu l'occasion de faire de la télé ou de la radio, j'haîssais ça pour mourir. On ne contrôle rien. Et puis, dans ton cas, les caméras semblent modifier ta pratique d'enseignement. Tu t'auto-censures. C'est comme mettre les freins et l'accélérateur.
Je ne suis pas du tout d'accord avec les propos de "le professeur masqué".
À mon avis PMT n'a rien à perdre et tout à gagner en se prêtant à ce jeu. Je lui souhaite d'ailleurs de se négocier un avantage monétaire pour porter sa "bine sympathique" à l'écran et surtout qu'il ne fasse pas la gaffe de signer qu'il ne réclamera jamais rien...enfin si c'est pas déjà fait...
Bien sûr, le but de l'excercice ne doit pas être de rentabiliser quoi que ce soit mais, il n'est pas obligatoire de se faire fourrer non plus...
Le plus important est respecté, c'est une activité qui fait vivre à tous ces enfants des moments qu'ils n'oublieront jamais. Ils apprennent les vraies affaires en plus, qu'il y ait caméras ou non...D'ailleurs, j'suis certain qu'ils s'en fout royalement, un coup les premières 15 minutes passées.
De plus, j'trouve ça tellement l'fun que PMT daigne bien nous divulguer ses vraies émotions. C'est pas pour être têteux mais, on est ben chanceux de pouvoir suivre toute l'affaire confortablement assis chez-nous à rien faire. Gratos en +
Profdemusicmoétou
PMT
Les documentaristes sont pas tous des chiens galeux, et freak pour freak... qu'est-ce que t'as à perdre ??? vas leur souffler sur la hampe, façon de parler.
J'aime bien le Maître...
B
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