15 mars 2010

Mathilde

Depuis que je la connais, elle est en retard. C’est chronique chez elle. Elle pourrait être dans le même avion que vous, elle arriverait à destination un jour plus tard. Y a vraiment pas de stress.

J’vous l’dis! Des deux dernières années, elle n’est jamais entrée dans mon local au même moment que les autres. Pas une seule fois. Pourtant, ils arrivent directement de leur classe.

J’la trouve condescendante. Trop gâtée, trop chouchoutée. Pas autonome pour cinq cennes. Vraiment pas mon genre.

...

Grrrr... T’étais où au juste?

«Je cherchais un crochet»

T’as rien à accrocher...

Ou encore

«Je ne trouvais pas mon crayon»

Tu n’apportes pas de crayon dans mon cours...

N’importe quoi

«J’avais perdu mon foulard»

On est en juin...

Vous voyez le portrait?

«J’sais pas...»

Grrr...
...

Si au moins, c’était le matin, je pourrais blâmer un adulte. C’est tellement réconfortant pour nous de blâmer intérieurement l’adulte... Même pas! À la dernière période, entre sa classe et la mienne, elle est la seule responsable.

Le pire, c’est que j’oublie toujours de l’envoyer s’habiller 10 minutes avant les autres...

Mais elle, elle y pense.

Sauf qu’elle y pense en retard...

On l’attend donc, à la fin de chaque cours.

Aujourd’hui, j’ai pété les plombs. Je ne crois pas en la justice. La vie n’est pas juste, mais on ne perd rien à essayer:

«Hum... Le cours termine dans 15 minutes. Va mettre ton manteau, tes bottes, ta tuque, tes gants et revient dans la classe le sac à dos sur les épaules. Je te donne 10 minutes ou tu auras la copie du siècle à me remettre pour demain.»

Miraculeusement, elle était de retour en classe après cinq minutes. Il restait dix minutes, mais on attendait en silence, à rien faire, sous la menace. C’est dans le billet précédent...

«Déjà?»

...

« Non... Reste debout et attends. Même si ce n’est que 10 minutes, ça va peut-être te donner une idée de ce que les autres endurent à cause de toi à chaque sortie de classe. Tu vas voir qu’il fait chaud et que c’est plate.»

Pour les autres, j’étais encore et serai toujours un gros facho, mais ils étaient là, assis en silence. Y a pire dans la vie. Elle, était debout et trop emmitouflée pour une si belle journée. D’abord confuse... puis, scrutant mon local à la recherche d'une horloge.

Pfff. Y a pas d’horloge dans mon local.

Je la sentais de plus en plus inconfortable et je n’aimais pas ça... Bon, ça va! Oui! Ça me plaisait, bordel! Elle nous les a tellement cassé. J'suis pus capable d'attendre après elle!!!

Faut juste que je reste professionnel, OK?

Donc... Je la sentais de plus en plus inconfortable et je n’aimais pas ça... mais je sentais que les autres me pardonnaient un peu de ne pas avoir été humainement à la hauteur.

C'est mieux comme ça?

Appelons-la Mathilde. Elle est en deuxième.






...

10 commentaires:

unautreprof a dit…

J'en ai 2 comme ça. Ils nous font attendre souvent avant d'aller dîner. Ils ne dînent pas à l'école.
Puis, il y a quelques semaines, j'ai descendu avec mes élèves prêts et rapidement, j'ai remonté en classe, ils y étaient. Je leur ai dit de s'asseoir, que, comme eux, j'étais pas pressée, puis j'ai fermé la porte.
J'ai regardé mes mails relaxe, sans les regarder, en les laissant mariner. Au bout de 2 minutes, un a levé la main et m'a dit : "ma mère va s'inquiéter. "
J'ai dit : "eh ben..."
J'ai pris une feuille et j'ai écrit que j'avais gardé son fils car j'étais tannée qu'à tous les midis il fasse perdre le temps à tout le monde.
Au bout de 5 minutes (ce qui est très long quand tu attends dans le silence), je les ai laissé partir et j'ai remis à l'inquiet le mot. "si ta mère est inquiète, tu lui remettra ce mot. Si elle n'est pas contente après moi, qu'elle appelle, je suis prête à prendre mes responsabilités et à bien lui expliquer".


Je n'attends plus après eux. Simple mais oh! efficace!

Pimpette a dit…

ouch, je souffre. Évidemment que, en adulte, je vous comprends, mais j'étais une Mathilde petite et encore aujourd'hui... la ponctualité et moi, on a des rapports houleux.

Je peux vous dire qu'à chaque retard, qu'à chaque fois qu'on me disait de me dépêcher, qu'on me faisait sentir à quel point je nuisais aux autres, j'étais très, très malheureuse... et je n'arrivais juste pas à comprendre comment les autres faisaient pour aller siiiiii vite.

Prof Malgré Tout a dit…

Pimpette : Ma soeur était lente et toujours en retard. Rien à voir avec Mathilde. Ce n'est pas la lenteur le problème, mais la nonchalance. Je pense qu'elle s'en balance.Elle peut se mettre à lire un truc alors que tout le monde l'attend. Je ne crois pas qu'elle souffre d'un truc neuro du genre déficit d'attention.

En passant, c'est de plus en plus compliqué pour les spécialistes de connaître les "défis particuliers" de chaque élève. C'est confidentiel. Il faudrait que je me tape des réunions trop longues pour ce que j'ai besoin de savoir...

Une femme libre a dit…

Elle est en deuxième année. Elle a quoi, sept ou huit ans? Vous êtes un adulte, vous détenez le pouvoir et vous vous êtes amusé à la tourmenter, à l'humilier, à la déstabiliser. Parce qu'elle n'est pas votre genre. Parce que ça vous plaisait. Mon coeur saigne pour Mathilde. Un jour, elle saura se défendre... à moins qu'elle ne rencontre encore d'autres profs comme vous qui s'amuseront à la détruire complètement.

Pimpette a dit…

En fait, je trouve que vous avez bien fait. C'est pas à vous de vous attaquer aux "défis particuliers" d'un enfant qui n'a pas de problèmes majeurs... à mon avis, ce serait aux parents (qui, oui, ont tendance à s'en remettre au cpe, à l'école, pour corriger des travers de type lambinage ou nonchalance). "particulier", ça le dit, c'est propre à chaque individu, vous, vous faites fonctionner une classe, pas une gamine.

Et cette gamine s'en sortira pareil. J'avais une copine au secondaire qui avait cette nonchalance je-m'en-foutiste... ("Sophie, tu es 20 min. en retard" "c'est l'autobus" "mais, tu marches pour venir" "ah oui, tiens, c'est vrai"). Elle s'en tirait par le charme désinvolte, ça a marché, ça fait pas une adulte pire qu'une autre, au contraire!

Le professeur masqué a dit…

Femme libre: un prof gère entre 20 et 35 enfants. S'il faut que chacun fasse à sa tête dans une classe, que chacun fasse preuve de nonchalance, on est pas sorti du bois. Gérer des enfants-rois, c'est épuisant!

Vous remarquerez que Mathilde a compris qu'il fallait se dépêcher quand PMT l'a menacée de «la mère de toutes les copies». Une preuve que c'est la motivation intérieure qui lui manque pour ne pas trainer....

Maintenant que vous avez transformé PMT en bourreau et l'avez traité de tous les noms, que lui proposez-vous?

Mathilde fait suer tous ses collègues de classe par son attitude. Je suis convaincu que PMT a tenté toutes les autres méthodes avant d'y aller de cette sensibilisation à la réalité vécue par les autres.

À l'extrême limite, il lui a rendu service en agissant de la sorte. Car avec le temps, les autres en seraient venus à régler leur compte eux-mêmes. Et là, c'est beaucoup moins joli.

Daniel Rondeau a dit…

Mathilde? Mais elle est revenue, la Mathilde de la chanson.

J'opterais pour Godot.

Prof Malgré Tout a dit…

Femme Libre : Ouf... Tourmenter, humilier... Vous y allez fort. Par contre, oui, je l'ai déstabilisée et c'était voulu.

J'viens d'en discuter avec la psychoéducatrice qui a très souvent à intervenir avec ce groupe et depuis la maternelle, cette enfant ne montre aucun signe de trouble de l'attention ou autre problème du genre. Elle ne montre non plus aucun signe de remords lorsque toute la classe l'attend en fin de journée dans leurs vêtements humides. Par contre, elle recherche beaucoup l'attention en faisant attendre sa grand-maman parfois jusqu'à 20 minutes après les classes (surtout lorsqu'il pleut). En 10 ans dans la profession, elle est l'élève qui se traîne le plus les pieds, toutes catégories confondues.

Je comprends votre réaction. Moi aussi, je me trouve facho, mais je vous assure, j'étais très loin de l'abus de pouvoir. Certes, les enseignants ont du pouvoir sur les élèves et ils doivent l'exercer s'ils veulent remplir leur mission: instruire, qualifier et socialiser. Ici, c'est un cas de socialisation; tout un groupe subit les conséquences de son attitude, car oui, elle a une attitude. Pas besoin d'être riche pour être enfant-roi.

La chose la plus difficile à gérer en enseignement, ce sont les battements. C'est à ce moment que les conflits éclatent et qu'un groupe se désorganise. Plus on attend, plus le battement est long.

Mais, une fois encore, je comprends votre réaction. Je crois que vous m'imaginez pas mal pire que je suis... C'est un milieu dur où j'enseigne. Si les profs tombent comme des mouches, ce n'est pas mieux poru les enfants.

Future Prof a dit…

Pour une femme libre :
ce n'est pas seulement une enfant lente, c'est une enfant qui a l'air de s'en foutre...

Moi aussi, j'aurais sûrement agi de la même façon, qu'elle retienne la leçon un peu...

Je ne crois pas que le but de Prof Malgré Tout était de l'humilier, mais de lui faire réaliser ce que les autres ressente

Anonyme a dit…

En fait d'humiliation, j'ai connu pire. Moi, pour le même problème, le professeur d'éducation physique m'a fait changer de vêtements(de l'habit quotidien au costume d'éducation physique, et vice-versa) durant toute la période de cours, et devant tous les autres. Ouch!

On ne m'y a plus jamais repris!