13 août 2007

Sam à la plage

Come on! On sait tous que Sam ne va pas à la plage. C’est l’évidence même: c’est loin, il faut payer et il n’y a personne pour l’emmener.

Donc, cet été, à la pataugeuse, j’ai croisé Sam. Il est assez facile à repérer cet enfant. Il est noir comme la nuit, quoique dans mon quartier, ça passe assez inaperçu. Ce qui le distingue, c’est son aura. Tout est dans la posture, la façon de bouger, le regard. Vous en connaissez beaucoup vous des enfants de 6 ou 7 ans qui ont l’air d’un héroïnomane? Moi, je connais Sam et il est toujours en manque.

En manque de quoi au juste? D’une vraie maman ou tout simplement d’un repas de plus par jour?

C’est moi qui l’aperçois le premier... du moins, je le pense. Il me regarde le regard vide. Sam.

Moi : Hey Sam! Salut!

Lui: ...

Moi : Tu me reconnais?

Lui: ...

Moi : C’est moi, PMT, ton prof de musique.

Sam : Je sais.

Moi : Alors, tu pourrais me dire bonjour.

Sam : Bonjour.

Et il se pousse un peu plus loin.

Wow... comme je suis significatif pour mes élèves!

Je vous avais dit que Sam est passé en classe TC en cour d’année? Même dans une classe pour graves troubles de comportement, c’était un des cas les plus lourds!

Ah... tiens donc. Il s’approche à nouveau.

Moi (en pointant mon fils qui patauge un peu plus loin): Regarde, c’est mon enfant.

Sam : Je sais.

Moi : Il me ressemble tant que ça?

Sam : Y a des photos dans ton classe. (il est anglophone le pauvre)

Il se tire encore une fois et approche une femme rousse et ses deux filles. Elle lui sourit. Il les suit vers le vestiaire. J’ai espoir. Une nouvelle famille d’accueil? C’était vraiment n’importe quoi celle de cette année...
Ceux-là ont l’air bien. Par contre, même si je suis daltonien, je sais que cette rouquine n’a pas engendré Sam. La théorie de la génération spontanée a quand bien même ses limites... J’opte donc pour la famille d’accueil.


Il se pointe à nouveau.

Moi : C’est qui la dame avec qui tu étais?

Sam : Hein?

Moi : Tu étais avec une dame et deux petites filles. Tu les connais?

Sam : Hein?

Moi : ...

Je remarque une plaie sur sa main. Soyons honnêtes. Ce n’est pas une plaie, c’est un trou.

Moi : Ouch! Comment tu t’es fait ce truc?

Sam : Ah... pas grave.

Il gratte un peu son... bobo? Je pose trop de questions. Il préfère donc se pousser à nouveau pour rejoindre une famille asiatique. Ils ont l’air de bien le connaître. Je suis perplexe.

Un peu plus tard.

Moi (à la dame asiatique) : Vous connaissez Sam?

Elle : Yes, yes! Sam!

Moi : I am one of his teacher. You know if he is with that lady over there. (Je pointe la rouquine).

Elle : No, no. He not wit them. He alone again...

Moi : He seems to know many people...

Elle : Yes, yes. Chulch!

Moi : Huh?

Elle : Yes, yes! Chulch! Evely sunday molning chulch! Him comes!

Moi : Ah...

Comme je suis naïf. Sam était seul. Il y a des gens qui naissent seuls et qui risquent de mourir tout aussi seuls. Il ne faut donc pas trop se surprendre de les voir faire la traversée en solo. Il risque d’en avoir besoin dans la vie de «chulch».

Quelle merde...








Prélude de la suite en Ré mineur pour violoncelle seul de Bach
Anner Bylsma, violoncelle







...

9 commentaires:

unautreprof a dit…

aaaaaaaaah, mais j'oublie avec l'été cette réalité.
Je ne pense pas que j'arriverais à travailler dans mon quartier pmt. Peutêtre aussi est-ce que je n'ai pas d'enfant alors j'aurais beaucoup de temps et de loisir à m'inquiéter de voir mes cocos traîner dans la rue, sans amis, rien.
On a un Sam à L'école. Il est toujours seul, peu importe l'heure, à une intersection de rue qui passe souvent aux nouvelles et son regard est... vide.

Moi je trouve ça terrible.

Folly a dit…

Très triste cette histoire. Et-ce qu'il y a beaucoup de ces histoires au Québec? J'espère que non. Pour les familles d'accueil, j'en aurais long à dire, tellement j'ai entendu des histoires d'horreur...

Merci de l'ajout de mon blogue, je fais la même chose sur le mien.

Anonyme a dit…

Troublant...
Jessica

Pacha a dit…

Pauvre enfant... Mais ou vivont nous donc?...

Pacha a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Anonyme a dit…

Pour moi (qui suis recyclée en t.s. by the way), il n'y a RIEN de pire émotivement que de travailler avec des enfants et des ados abandonnés. Ça m'arrache et ça m'arrachera toujours le coeur.

En tout cas: chapeau! à celles et ceux qui se dévouent jour après jour à ces enfants (centres jeunesses, familles d'accueil, profs, etc).

Et puis pour les parents de ces enfants... bof, merde. Aucun commentaire.

Une Peste! a dit…

C'est d'une telle cruauté.

On en veut; on ne peut pas. Puis juste à côté, il y a cet (ces) enfant(s) qui manque(nt) de tout. Mais surtout d'une personne qui l'aime. On ne peut pas les aider: ils sont à d'autres. :-/

Lorsque je lis, je constate des histoires pareilles, j'ai juste le goût de crier: Donnez-le moi, je vais lui faire attention moi.

Quel humain faut-il être pour ne pas réaliser qu'on a bousillé son p'tit en moins de 6 ans?

Avoir été soi-même bousillé par des parents inaptes, sans doute.

But.
En attendant que l'on trouve des défaites aux Parents du Jour: Ce Mioche du Jour se déconstruit sous nos yeux.

Esti.

Anonyme a dit…

Est-que c'est un hasard, le choix du violoncelle? Parce qu'un solo de violoncelle, ça me fait immanquablement penser à des gens seuls (peut-être à cause d'Eleanor Rigby)..

Prof Malgré Tout a dit…

M : C'est étrange, mais effectivement, un solo de violoncelle laisse une plus grande impression de solitude qu'un solo de gazou... Sans blague... qu'un solo de violon.

Les suites de Bach pour violoncelle seul ont quelque chose de plus intérieur, de plus intrinsèque que les sonates et partitas pour violon seul.

Une impression personnelle...