02 juin 2011

Moi, tiger dad? Pfff...

Vous avez tous déjà vu sur internet une vidéo montrant un enfant chinois jouant d’un instrument d’une façon exceptionnelle pour son âge. Avez-vous lu les commentaires?

«C’est clair qu’il n’est pas heureux!»

«Comment peut-on faire ça à un enfant?»

«Bof, il joue comme un robot.»

«Pauvre petit... On devrait mettre ses parents en prison!»

Et mon préféré :

«Il n’a pas l’air d’avoir du plaisir en jouant...»

Premièrement, très peu d’interprètes ont l’air d’avoir du plaisir lorsqu’ils se tapent des passages difficiles. Observez le visage d’un enfant qui court désespérément vers le ballon pour marquer un but. Il ne se bidonne pas vraiment. Pourtant, il adore jouer au soccer.

Les Occidentaux en général ont un problème avec l’effort. L’effort de l’enfant, mais l’effort de l’adulte aussi. J’enseigne en milieu défavorisé. Il y a des élèves performants comme partout ailleurs, mais parfois, on peut voir des classes performantes. Par rapport à quoi? Par rapport à elles-mêmes, bordel! Et quand ça arrive, c’est que les élèves font des efforts, mais que le clown devant en fait aussi. Ça respire le bonheur, là-dedans. Weird, hein?

Vous avez vu la petite fille de 5 ans qui joue la gigue de Bach et qui en a plein les doigts?  Et puis zut. Je ne voulais pas mettre de lien, mais en voici un :




Derrière ça, ou devrais-je dire à ses côtés, il y a un adulte. Peut-être deux, même. Ça demande du temps et de la constance.

Long, plate et répétitif. C’est pas mal plus difficile que d’ouvrir la télé, je sais.

Qui a dit que c’était plate? Ça sort d’où cette idée que de pratiquer un instrument, c’est plate?

Pfff...

Est-ce qu’on a trop poussé dans la petite fille? Peut-être. Personnellement, j’ai l’impression que oui, mais je ne la connais pas. Ni elle, ni ses parents. Par contre, quand j’entends un peuple, qui à une forte tendance à ne pas en faire assez, trouver que certaines personnes en font trop, je décroche.

Ça fait deux mois et demi que Fiston joue du piano. J’en avais plein le dos de l’ordinateur. J’aime les jeux vidéo et il est comme moi. L’attraction est forte. Alors, je m’suis dit : s’il est comme moi, pourquoi pas? Et voilà.  Tu veux passer un peu de temps sur l’ordinateur, Fiston? 20 minutes de piano minimum et tu peux jouer un peu. Gnark ganrk gnark! Bon d’accord... Quand je m’y mets avec lui, ça peut durer un peu plus. C’est sympa Lego Star War en père et fils.

Vous me trouvez facho? Vous n’avez rien vu encore.

Tu as un jaune dans ton agenda? Pas d’ordi. Habituellement, il fait son piano quand même. Tiens, tiens...

Et les larmes dans tout ça? C’est arrivé. La première fois, ça m’a un peu traumatisé. Mon p’tit gars pleure devant le piano... Ouch. Puis, j’ai compris. Du moins, je crois. Il pleure parce qu’il ne réussit pas et non pas parce qu’il voudrait faire autre chose. Il pleure parce que justement, il n’arrive pas à faire ce qu'il voudrait.

Bon, on se calme avant d’appeler la DPJ. Ce n’est arrivé que trois ou quatre fois. J’ai ajusté ma pédagogie. On fera des gammes plus tard!

Ben voilà! J’suis pas un facho et ce que je voulais dire, ce n’est pas qu’on n’est pas assez exigeants envers nos enfants. Au contraire, on exige beaucoup d’eux... parfois trop, même. Ce qui me désole, c’est que les parents québécois et nord-américains en général, n’exigent pas assez d’eux-mêmes en tant que parent.

J’vous laisse sur un dernier truc : arrêtez de dire aux musiciens qu’ils sont chanceux. La chance n’a pas grand-chose à voir là-dedans. La plupart ont travaillé très fort pour atteindre un bon niveau.

Ça ne veut pas dire que c’était plate. Ce n’est pas plate pantoute si c’est bien fait. C’est bon pour la tête. C'est bon pour l’âme. C’est bon pour les enfants.

Amen.







...

17 commentaires:

Le professeur masqué a dit…

«Ce qui me désole, c’est que les parents québécois et nord-américains en général, n’exigent pas assez d’eux-mêmes en tant que parent..»

Si tu répètes cela en public, il y en a qui vont vouloir te lyncher. Je le sais. Je suis passé par là. Mais que c'est pourtant vrai dans bien des cas....

Éléonore a dit…

J'aime ton message, j'aime l'essence de ce qu'il transmet comme valeur.
"La plupart ont travaillé très fort pour atteindre un bon niveau.
Ça ne veut pas dire que c’était plate. Ce n’est pas plate pantoute si c’est bien fait. C’est bon pour la tête. C'est bon pour l’âme. C’est bon pour les enfants"

J'ai été une maman exigeante. Je peux le dire au passé car maintenant ils ont 22-20 et 18. Je n'ai pas d'enfant musicien sans doute parce qu'il n'y avait pas cet exemple à la maison, même si nous aimons la musique. Mais l'essentiel de ce que tu décris est valable aussi pour la totalité des activités humaines.

J'ai eu des exigences face aux matières scolaires ainsi que pour la pratique d'un sport, ainsi que pour la politesse etc. Les exigences éatient pour moi aussi: assise tous les soirs à côté de chacun un après l'autre pour les devoirs et pour les voyagements, le bénévolat, les CA etc.

Résultat: les 3 ont atteint les objectifs qu'ils s'étaient fixés en matière scolaire, les 3 sont en santé physiquement et psychologiquement, aucun problème d'estime de soi, de délinquence, de drogue, etc, la deuxième est sur l'équipe de course du rouge et or de Laval, la troisième est à 18 ans une patineuse de vitesse accomplie, une excellente photographe sportive et a été en liste pour la bourse du gouverneur général l'an passé.

Je crois donc qu'il faut avoir des exigences envers nos enfants, mais que ces exigences doivent toujours être soutenus par un égal investissement de soi-même.

Moi aussi on me dit que je suis chanceuse d'avoir des enfants comme ça. La chance ? pffft rien à voir, c'est le travail de l'enfant et le notre (doublé bien sur d'une certaine aisance et stabilité du milieu familial, mais encore là ce n'est pas par chance si le père et moi avons fait une maitrise à nos propres frais il ya 25 ans !)

Marie-Lionne a dit…

Dans une société où l'on a tendance à niveler par le bas, il est clair que l'effort demandé aux jeunes est perçu comme une torture que l'on leur inflige... Que de médiocrité en résulte !

La musique, ou quelqu'aute activité para-scolaire que ce soit, n'est pas une corvée ou une torture ou une punition si celui qui la pratique est un tant soit peu passionné par ce q'il fait. Cette passion lui donne la volonté et l'énergie de se surpasser, de repousser ses limites. Et cela l'aide dans toutes les autres sphères de sa vie. Cela peut même lui inculquer une notion pratiquement oubliée de nos jours : "Le sentiment du devoir accompli". J'ai vu mon fils, qui aura bientôt 17 ans, changer du tout au tout à mesure qu'il évoluait dans sa musique. Il est devenu plus sociable, plus responsable, plus consciencieux, entre autres choses, et pas seulement dans la pratique de sa trompette chérie. Si chaque jeune pouvait se découvrir une passion, même si cette dernière ne le mène pas nécessairement à une carrière, le monde serait meilleur, car les gens seraient meilleurs...

Pimpette a dit…

Sentez-vous moins seul, je fais pareil avec l'aînée pour le violon.
Au début, ça râlait, mon chum trouvait que c'était inutile d'insister, visiblement, ça lui plaisait pas le violon (qu'elle avait demandé).

Et puis, depuis 2 mois, certes, elle soupire au moment d'abandonner sa bd pour sa partition et puis, après, ça file tout seul, elle est concentrée, heureuse et, oui, c'est visible qu'elle fournit un effort.

C'est bougrement gratifiant, se forcer et remarquer que ça permet de s'améliorer. Mais torieu qu'on l'a oublié. Il faut juste souhaiter que chaque enfant rencontre au moins 1 prof dans son cursus qui lui apprenne cette base de l'apprentissage.

Éléonore a dit…

Bien d'accord avec Lionne.
Et Pimpette.
Bien sur que lorsque ma fille coure 800 mêtres à fond la caisse, elle a l'air de forcer, franchement elle a très mal même, mais c'est elle qui en redemande.
C'est elle qui sait qu'elle aura été au bout de ses capacités, au bout de ses rêves, de ses ambitions. Elle préfère être dans le train que de le voir passer.

Pimpette a dit…

Aye, PMT, allez-vous signer la pétition pour un Québec éduqué (cf in Le Devoir du jour) ou c'est pas votre genre ? ou vous êtes pas d'accord?

Drew a dit…

T'as oublié tout ceux qui poussent leur enfant à jouer au hockey pour faire la LNH, tous les parents qui inscrivent leur rejetons à des auditions de pubs, de photo-shoot et autres question d'avoir la gloire "instantannée"

Pas assez payant la musique faut croire...

Désolant!

Daniel a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Prof Malgré Tout a dit…

Drew : Ouais... En fait, j'éduque mon enfant musicalement pour qu'il ne devienne pas musicien. C'est un billet à venir...

WonderWiwige, alias Boopalicious a dit…

J'avoue ne pas toujours comprendre votre vocabulaire (comme "plate" et "pantoute" qui n'existent pas par chez moi), mais j'aime beaucoup votre conclusion "C’est bon pour la tête. C'est bon pour l’âme. C’est bon pour les enfants." Personnellement, j'ajouterais même que c'est bon pour les adultes!
Mes parents m'ont toujours laissé le choix de mes activité, en me soutenant pour continuer et ne pas baisser les bras. Le piano, oui, c'est parfois difficile, comme toute activité dans laquelle on s'investit un minimum. Mais aujourd'hui, je les remercie de m'avoir poussé à continuer. J'ai suspendu la pratique pendant mes étude, et là, j'ai repris des cours, parce que j'aime ça, jouer, apprendre encore à 29 ans, participer à l'orchestre... C'est difficile, en plus maintenant je jongle avec la logistique travail-maison, mais justement, c'est ça qui est bon. Le moment où on y arrive, parce qu'on a travaillé pour...
Excusez-moi pour ce léger égarement! Quand on est passionné, on ne s'arrête plus!:P

En tout cas, je suis curieuse de voir le prochain billet! :)

Dulcinée a dit…

La semaine dernière, je suis allée à une rencontre préparatoire à la maternelle pour ma plus vieille qui entre à l'école. Dans son discours, la directrice nous a dit: "Nous ferons tout notre possible pour que l'école soit facile pour vos enfants". J'étais découragée. Qui a dit que l'école devait être facile? Je n'ai pas réagi auprès de la directrice (je vais lui donner une chance), mais je suis déjà fort irritée. Ça commence mal!

Une ex-enseignante au primaire

Pimpette a dit…

@Drew crois que bien des parents poussent leurs enfants vers ce qu'ils pensent être la voie facile de la gloire (sport/vedettariat)... et qui ne l'est tellement pas.

Il y a un monde, pour moi, entre montrer la valeur de l'effort... juste pour l'effort et ce qu'il apporte (être meilleur) et pousser à la réussite. Ce sont deux choses bien distinctes et qui ne vont pas toujours de paire, loin de là.

Enseigner la nécessité de se forcer et de pratiquer en musique, c'est pas pour en faire des enfants prodiges, c'est pour que cette pratique s'étende au maximum d'activités.

@dulcinée ... soupir. Hélas. C'est le même discours que j'entends à l'école des miennes "on va tout faire pour que ça se passe bien pour tout le monde, sans difficultés". Euh tsé, les difficultés, ça fait un peu partie de la vie.

bobbiwatson a dit…

"En fait, j'éduque mon enfant musicalement pour qu'il ne devienne pas musicien."

Bravo pour ces belles paroles! La musique doit être un plaisir. J'ai trop vu de jeunes (surtout asiatiques) être obligés de pratiquer plusieurs heures par jour, sans avoir le droit d'être des enfants (i.e. jouer au ballon). Le Conservatoire et autres écoles de musique sont pleins de ces jeunes "dits prodiges".
Jouer d'un instrument par plaisir est totalement satisfaisant.

Éléonore a dit…

@Drew et Bobbiwatson: attention de ne pas tomber dans l'excès de l'autre côté. Le stéréotype du gars qui poussent son fils vers le hockey et de la femme qui embarque sa fille dans les "pageants" existe bien-sûr.

Mais il ya aussi des enfants passionnés, des enfants qui en veulent toujours plus, des enfants qui voudront faire carrière, alors on va leur dire ben non ti-coune devient pas musicien de carrière car papa trouve que la musique c'est juste pour le plaisir ?

Ma cousine a voyagé sa fille toute les semaines de Theford mines à Québec pour que sa fille fasse un cours au conservatoire de Québec chaque semaine. ma petite-cousine est maintenant violoniste de concert au USA et très heureuse.

Mais, J'en ai connu des parents véritables éteignoirs à passion parce que se lever le matin pour un cours de patin de vitesse c'était trop pour eux, parce que sacrifier un week-end pour accompagner leur fille en compet, c'était trop pour leur petit confort perso...

Autour de moi j'ai des enfants sportifs et des enfants artistes (secondaire en spectacle) et honnêtement ils sont plus allumés, plus sains et souvent meilleurs à l'école que les enfants sans passion !

Drew a dit…

@Pimpette, t'as tout compris le fond de ma pensée :-)

@Éléonore, t'inquiètes pour l'excès, j'essaie d'arrêter ;-) En fait mon commentaire se voulait de faire la différence entre apprendre pour apprendre et se gaver pour réussir

Éléonore a dit…

Y a t-il un problème avec la réussite ?

C'est le deuxième commentaire qui semble mentionner la réussite comme n'étant pas un objectif valable ???

Ne pas faire de nos enfants des bêtes de cirque soit, mais être un frein à leur réussite n'est pas mieux (que se soit par notre manque d'ambition pour eux, ou autre)

J'suis bien heureuse de ne plus avoir à me poser la question du trop ou trop peu comme parent, ils se poussent tout seul maintenant et je suis bien contente de constater qu'une saine ambition les habite, que ce soit pour progesser dans son travail, gagner une course importante, améliorer sa moyenne pour décrocher une bourse d'étude, monter sa cote R etc.

bobbiwatson a dit…

@Eleonore,

Je parlais surtout des Asiatiques: ils n'ont pas de vies enfantines. Leurs parentés décident pour eux et ils n'ont aucun droit de parole.

Moi aussi je connais le voyagement Thetford Québec: quand l'enfant veut et que les parents s'investissent ils réussissent à rendre leur progéniture. La preuve: votre petite-cousine est heureuse avec la musique.