Ça fait maintenant six ans qu’on adapte des opéras avec les enfants. Le principe est assez simple. On commence par faire découvrir un opéra à quatre classes d’écoles différentes du troisième cycle du primaire. Ensuite, avec eux, je réécris l’histoire pour en faire une pièce de théâtre dans laquelle il y aura beaucoup de musique, de chant et de danse.
En gros, on s’arrange pour qu’il y ait 16 personnages qui auront un temps de scène assez semblable et on enlève le côté souvent trop trash dans le genre «j’aime la femme de mon meilleur ami, donc je dois le tuer pour me rendre compte que c’est en réalité ma mère, mais je la marie quand même ». Mais attention, il ne faut pas trop s’éloigner de l’opéra. Ça, c’est un bout difficile, parce que les élèves (et certains profs) oublient assez vite le livret original. En bref, j’suis le gros méchant qui explique pourquoi on ne peut pas prendre toutes les idées et pourquoi Roméo et Juliette, il faut qu’ils s’aiment sinon ils ne seront plus Roméo et Juliette.
On essaie aussi de tendre vers huit rôles féminins et huit rôles masculins et de ne pas faire un casting trop serré car il y aura deux distributions. En effet, on donne six représentations en deux jours devant environ 3000 personnes? J’suis jamais certain des chiffres, mais c’est exigeant pour les enfants. Deux distributions pour les comédiens et les danseurs. Par contre, le choeur et les musiciens se tapent tous les spectacles.
Yep... C’est moi qui écris l’histoire avec les kids. En passant, j’ai les qualifications légales pour enseigner l’art dramatique (pour ce que ça vaut). Par contre, y a un metteur en scène, un formateur en chant, un chorégraphe, des formateurs pour les décors et accessoires. Moi, après l’écriture (et pendant...), je fais les arrangements, je forme les musiciens et je suis le chef d’orchestre.
Jusque-là, ça va. C’est certain qu’on ne peut pas faire plaisir à tout le monde, mais disons que je commence à être habitué à la critique qui de toute façon, a souvent raison. Les conditions de création et les contraintes étant ce qu’elles sont, j’essaie de ne pas tout prendre personnel.
Ah oui! Avant qu’on intègre l’opéra, on faisait le même genre de spectacle. J’en suis à ma neuvième saison, déjà.
Mais je pense que le plus compliqué, c’est les putains d’arrangements. La moitié de la musique du spectacle vient de mélodies composées par mes charmants élèves. Je fais les arrangements, mais j’essaie de les consulter le plus possible. Comme ça, ils ne chialent pas que ce n’est pas bon après. Pfff. L’autre moitié, ce sont des extraits de l’opéra que j’adapte pour les besoins et les capacités du spectacle : une poignée de musiciens débutants de 10 à 12 ans. À l’exception des quatre de mon école, ils n’ont jamais suivi de cours de musique. Ils joueront sur des claviers Yamaha bas de gamme et des percussions. On commence à la mi-janvier et les représentations sont en mai. Une répétition par semaine...
En général, les tounes des élèves sont faciles à monter. Les trucs de l’opéra par contre... ouch!
Et là... c’est Mozart. Bordel! Quand c’est Purcell, Verdi, Bizet, Haydn, whatever, y a toujours moyen d’enlever une note par-ci par-là, de changer le rythme, d’ajouter des percussions. J’ai déjà mis quelques extraits de ces arrangements sur le blogue. Ce n’est pas génial, mais ça marche. Ça sert le spectacle et surtout, c’est faisable. Mais là... Mozart. Tu enlèves une mesure (qui en plus sur papier à l’air d’être en trop) et y a un trou. Le seul moyen de le reboucher, c’est de remettre ce que tu as pris. Bordel! Une note de moins et ça devient poche. J'ai même essayé ma botte secrète qui fonctionne comme un charme avec plein de compositeur : enlève des notes et grimpe le tempo. Pfff. Peu importe ce que je fais, c’est toujours un gâchis, même la version Teletubbies sur l'acide ou je ne change presque rien dans ce que je laisse. Vous voulez l'entendre? C'est d'une connerie. Même pas un arrangement, une connerie j'vous dis. Un geste désespéré. Des notes garrochées dans un logiciel en espérant un miracle. J'crois pas vraiment aux miracles, vous? Nah... Je me sens comme un profanateur. Je suis un profanateur! Je n'aurais jamais dû toucher à SA musique, car je suis indigne de Lui.
Je sais... Y a des gens qui jouent le rondo à la turque en bip bop et c’est bon. Y a plein d’exemples. Mais rendre les choses plus difficiles, ce n’est pas une option dans ma situation et je ne peux pas puiser partout dans Son répertoire. Il faut que ce soit dans La flûte enchantée. J’ai bossé comme un con sur l’ouverture aujourd’hui et il faut que je me rende à l’évidence : j’n’arrive pas à simplifier cette putain de musique sans la ridiculiser, la profaner.
Bordel... Je sais que c’est dans ma tête, mais j’ai sincèrement le sentiment d’être indigne de Lui. Même ma fille qui vient d’avoir un an le sent. J’lui balance n’importe quelle connerie écrite par Lui et elle est transfigurée. Mais le pire, c’est qu’elle sait : Papa n’est qu’une merde comparativement à Lui. Yep... Une merde. Maintenant qu'elle se tape les concertos pour piano en bouffant ses céréales, j'ne peux même plus l'endormir en lui chantant du Cohen à la guitare. Ça ne marche plus...
Pfff... Au moins, avec Fiston, c’est simple. Il n’aime pas Mozart. Il me l’a dit: "je n'aime pas cette musique là, Papa". Voilà une phrase complète et un message clair. C’est un bon fils, lui. Il aime les Variations Goldberg dans la version pour trio à cordes et Metallica. Ah oui... Il aime aussi «Sur la grève en feu» dans Les pêcheurs de perles de Bizet.
Un brave petit.
...
13 commentaires:
C'est le show que j'ai été voir ça hein?
Pour le reste, musicalement j'suis nul à chier... Alors j'te laisse Mozart
Yep...J'étais dans la pyramide. La musique a foiré c'te fois-là. Cette année, j'prend pas d'autiste.
Oh, les qualifications pour de l'art dram tu dis?
Tu n'aurais pas du temps pour 1 journée dans une école près de chez toi?
C'parce qu'on va se retrouver avec un personne beeeeeen fine, beeeeeeeen débrouillarde mais pas DU TOUT qualifiée.
!
De temps? C'est quoi ça?
Comme disait Michel Côté dans un sketch d'un vieux Bye Bye : "Eille, c'est pas de la shnoute ça, c'est du Mozârt !"
Peut-être te faudrait-il faire des incantations à Joseph II qui disait "Trop de notes, mon cher Mozart".
Je connais très peu Mozart, mais j'ai lu Christian Jacq et à ce que j'ai compris, Mozart est un génie.
Alors, je sympathise et vous souhaite bon courage... :0/
Intéressant pour un ignare que cette particularité de Mozart où une seule note retirée brise le reste. Découverte ce matin
Renée-Claude : Christian Jacq a écrit sur Mozart? J'connais seulement ses trucs sur l'Égypte. D'ailleurs, une curiosité : chaque tome de la série sur Ramses finit par le mot "lumière". Je remarque toujours ce genre de connerie, mais j'suis pas autiste... juste TED.
Croco : C'est moi, l'ignare qui affirme ça. Faut pas prendre ça pour du cash.
Missmath : Je lisais dernièrement que cette anecdote sur Joseph II reprise dans le film Amadeus est tout ce qu'il y a de plus vraie.
Alors, prends ta guitare et tape-toi les bouts qui sont trop difficiles! Garde ton orchestre super basic...
profdemusicmoétou
Pour rester dans les citations, y'a le personnage d'adolescente créée par Brétécher, Aggripine, qui dit: "Mozart, c'est nul, sauf la musique du film".
Vous connaissez la version du Rondo à la turque par Boris Vian? Ça s'appelle "Mozart avec nous" et ça pourra apaiser vos scrupules!
Le rondo, quelque part, ce n'est pas vraiment du Mozart. C'est difficile à expliquer, mais il n'écrit pas comme ça. La main gauche... Trop simple? C'est pour ça qu'on en fait ce qu'on veut. C'est totalement arbitraire comme commentaire, j,suis pas spécialiste.
D'ailleurs, je crois que le thème de Papageno n'est pas de Mozart, bien qu'il l'ait orchestré. Mais, comme d'habitude, j'suis sûr de rien.
Mais bon, j'adore Vian (surtout les bouquins). J'vais fouiller un peu.
http://www.dailymotion.com/video/xuqmi_boris-vian-mozart-avec-nous_music
"nuits Zétoilées sur le Bosphore", irrésistible.
L'hypothèse de "pas vraiment du Mozart" sonne très juste, quoique ça ne m'avait jamais traversé l'esprit. Pour l'air de Papageno, ça pourrait bien être inspiré d'un air populaire, avec son aspect "chansonnette de travailleur" (avec ses couplets, ses onomatopées, ça se siffle, c'est presque l'air des 7 nains de Blanche-neige).
Pour le rondo, il y avait une telle mode des turqueries dans la seconde moitié du 18e siècle que les inspirations extérieures ne devaient pas manquer.
Mais l'ouverture de la Flûte et le premier air de Tamino (quand il tombe drette là amoureux de Pamina juste avec un portrait en miniature), c'est Full-Mozart à mon oreille...
Mets-en. Les airs de la reine aussi. Mozart, y a quand même écrit pas mal de sa musique! Héhé... L'ouverture, c'est même du gros stock. Pour le rondo, c'est la main gauche qui me tracasse. Même si c'est Mozart, il a dû écrire ça très vite. Il ne fait jamais des mains gauches aussi statiques. Y a toujours un p'tit truc qui fait qu'on ne le pogne pas du premier coup.
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