19 janvier 2010

Rasta man

La première fois que je l’ai vu, il devait avoir trois ans. Quoiqu’il est petit pour son âge... Peut-être en avait-il quatre? C’était dans un parc de mon ancien quartier. Un coin de Montréal qui n’était pas très multiethnique à l’époque, mais je me foutais bien d’être minoritaire. Ça remet un peu les choses en perspective pour un petit caucasien et avant la tombée du jour, les gens étaient plutôt sympas.

Y a donc ce p’tit bonhomme avec ses dreads et son chandail de basquet trop long. Autour de lui, quelques types d’origine antillaise. Look rasta, anglos et métissés, ils ne pouvaient pas être l’équipe de bobsleigh moldave. Comme j’enseigne dans le quartier voisin, j’me suis dit que le p'tit rasta risquait d’atterrir dans ma classe un de ces quatre.

Pourquoi pas?

Il s’est effectivement pointé en maternelle. Il ne disait pas un mot... Même en anglais, il ne répondait pas. Ses dreads avaient poussé et dissimulaient ses yeux... Il ne nous restait plus grand-chose pour communiquer.

Un an plus tard, même scénario, mais il a une nouvelle casquette. Une casquette du magasine Hustler.

Chez les mâles, l’existence de cette revue, c’est du common knowledge. Mais pas pour mes consoeurs...

«Non, ce n’est pas tout à fait comme PlayBoy... La différence? Ben... heu... une autre fois, je dois aller surveiller sur la cour...»

Mais les p’tites filles l’adorent.

Future pimp?

Mais non! Je viens de dire que les p'tites filles l'adorent...

Maintenant qu’il est en deuxième, s’il a poussé Henri dans l’escalier ou craché par terre dans l’école et qu'on lui reproche, il ne répond pas plus qu’en maternelle. Son nouveau truc, c’est de nous tourner le dos lorsqu’on lui parle. Personnellement, ça m’énerve moins que de chercher ses yeux derrière ses dreads, mais ça vient me chercher à la longue.

Mais pour les trucs plus rock n'roll, il a compris qu’il vaut mieux faire faire le sale boulot par les autres et ce n’est pas la main-d'oeuvre qui manque dans sa classe. Il va foutre le bordel solide tout au long de son primaire et il ne sera jamais coté. Il est non coupable et tellement cute.

Pfff.

Il pleure, lui aussi...


C’est Giovanni et il est en deuxième.






...

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Et que font tous ces services scolaires pour lesquels on demande tant de budget? Psy, travailleur social, etc.

Si on ne le récupère pas en deuxième année il sera perdu et la société en souffrira ultérieurement.

J'ai connu un jeune "noir" problématique à souhait: il a déjà volé une bouteille de ketchup dans le frigo de la salle des profs. Cheminant vers ma classe il a tellement "swinger" son sac d'école qu'un épanchement rougeâtre en sortait. Je pensais qu'il s'était (ou avait été) blessé. Devinez mon air?

Nous (la prof de musique et moi) l'avons récupéré en faisant acheter un synthétiseur et une batterie par l'école: ce fut génial. Il avait un talent rythmique inné et il nous en a fait profiter. Il a réussi son primaire et son secondaire ... Pour le reste je n'en sais rien. Mais il a quand même eu quelques années de bonheur grâce à la musique.

Je vous lève mon chapeau pour pouvoir affronter jour après jour de tels cas.

Salut à vous!

Prof Malgré Tout a dit…

Salut,

Dans sa cohorte, on a envoyé deux jeunes en classe TC après la maternelle et une autre en classe de langage après la première année. Je crois que dans son groupe (qui en passant est en dépassement, car ils sont 20 ou 21 et le maximum c'est 18 en milieu défavorisé en deuxième) il n'y a que trois élèves qui ne sont pas en difficulté d'apprentissage ou de comportement. J'en figure deux...

C'est une des deux pires cohortes depuis que j'enseigne. Du gros stock!

Et dire que les parents d'élèves de deuxième qui sont dans la classe combinée se plaignent. S'ils savaient...