Elle est là, immobile, menaçante.
Deux fois par année, elle manifeste plus particulièrement sa présence aux spécialistes en art du primaire.
C’est d’abord à l’ordre du jour d’une banale assemblée générale mensuelle. Dans le genre :
6.2.3 Le choix des spécialistes pour l’année scolaire 2008-09
C’est assez simple. Nos confrères décident s’ils veulent d’un spécialiste en musique, en art plastique, en art dramatique ou en danse. L’enseignement de deux de ces disciplines est obligatoire au primaire. Par contre, rien ne dit qu’elles doivent être enseignées par des spécialistes.
En résumé, la journée où je dérangerai trop, les autres profs, mes supérieurs hiérarchiques en un sens, n’auront qu’à dire qu’ils feront des arts dramatiques une heure semaine en classe et mon cas est réglé.
Par exemple, un prof qui n’a pas terminé son baccalauréat, mais qui remplace un congé de maternité jusqu’à la fin de l’année peut ajouter son vote et me foutre à la porte.
Charmant, hein?
À la Orwell :
Tous les profs sont égaux, mais certains le sont plus que d'autres...
En passant, dans cette école, il n’y a qu’une enseignante qui était là avant moi... Je suis presque le doyen, mais je suis jetable.
Quoi? Les disciplines artistiques choisies doivent être enseignées tout au long du primaire?
Erreur.
Une des deux doit l’être.
La seconde fois que l’épée se pointe, c’est à l’affichage.
Je n’ai pas ma permanence. J’aurais pu l’avoir dans une autre école et dire adieu à mes élèves et au projet de théâtre musical teinté d’opéra qui me tient tant à coeur...
J’y suis allé avec les tripes. Je suis resté.
En passant, pour avoir la permanence, il faut avoir un poste à temps plein. Étant donné la taille des écoles primaires, il faut souvent cumuler plusieurs écoles pour avoir 100% de tâche. Comme la job de spécialiste en musique au primaire exige qu’on donne un show en permanence (autre jeu de mots plate, mais je voulais surtout dire que je ne m’assois jamais à mon bureau pendant que les enfants font du papier-crayon) et que nous avons souvent moins de périodes de travail de nature personnelle que les titulaires, très peu de gens ont un système nerveux qui leur permet de faire ce boulot à temps plein. Mais notre syndicat (je devrais dire celui des titulaires) préconise les temps pleins.
Pas de permanence à temps partiel.
Pourtant, ça fonctionne très bien en Suisse. Un prof est affecté à une école et sa tâche est déterminée par le nombre d’élèves inscrits chaque année. La constance...
Mais ça, c’est trop simple pour ici et chaque fois que j’en parle, je me fais revirer de bord par le syndicat. Pourtant, tout le monde y gagnerait. Stabilité pour le prof, pour les élèves et pour la direction, qui n’aurait pas à se taper de nouveaux spécialistes chaque année.
Bon, je m’éloigne du sujet. Je vous parlais de cette putain d’épée, suspendue à un fil au dessus de ma tête.
Normalement, en ce temps-ci de l’année, on se pointe à l’affichage. Les profs de musique ont une vieille habitude : on s’assoie tous à la même table et on s’arrange pour que ceux qui veulent retourner dans la même école puissent le faire. Génial, hein? J’avoue qu’avec un bon coup de rouge, ça serait encore mieux...
On peut alors lever la tête et s’apercevoir que la corde qui retient l’épée est tissée solide. D’année en année, nous prenons la chose avec philosophie et nous rassurons les nouveaux qui rêvent de retourner dans l’école où ils ont investi pendant une année scolaire.
Petite parenthèse. En une année, un prof de musique au primaire voit une classe environ le même nombre d’heures que leur titulaire en une semaine et deux jours. Faire changer d’école au spécialiste chaque année, ça revient à demander au titulaire de changer de groupe tous les sept jours. Trash, hein?
De quoi je me plains?
Cette année, la commission scolaire a décidé que l’affichage des contrats pour les spécialistes se fera sur internet. Il n’y aura pas de rencontre en chair et en os... N’importe qui peut chiper la job de n’importe qui sans le savoir. Chaos, anarchie... Bordel.
Dans certaines versions de la légende, c’est à un cheveu que tenait l’épée.
...
14 commentaires:
J'ai pensé à ça en voyant les dates et manières de faire. Tout le monde était heureux, effectivement, et c'était le fun à voir du banc d'église...
Mais... comme on dit: diviser pour mieux régner. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliquer et surtout pourquoi jouer la carte humaine quand on peut nous prendre pour des numéros.
Avant que je parte en congé à ma dernière grossesse, c'était comme chez vous : chacune des chargées de cours avait "ses" cours, et personnes ne se risquait à chiper les cours des autres.
Mais durant mon absence, une (ou deux) nouvelle(s) prof(s) sont arrivées et se sont mises à postuler sur tout ce qui bouge !
Résultat : des profs qui avait "atteint" leur quotas annuel se voyait passer en dernier et les petites nouvelles se payaient la traite.
Mes collègues avaient hâte que je revienne prendre mes cours. Elles savent que je ne touche pas à leurs cours même si j'en donne plusieurs.
vive l'aire technologique!! ils en avaient sûrement marre d'avoir à venir avertir les profs d'Éduc qui parlaient trop fort pendant l'affichage interminable des titulaires! Plus de gens à cadrer, moins de trouble pour eux... mais que de perte pour nous spécialistes... je compatis, parce que j'ai pu rester avec vous grâce à ces scéances, tous les profs assis à la même table...
qu'ils vous enlèvent l'opportunité de vous rencontrer est complètement inadmissible...mais ce sont des fonctionnaires, ils n'ont même pas pensé à ça...bandes de cons!
Bonne chance!
xx
C'est ridicule !!!
Pfff...
Tu oublies également que bien souvent, l'affectation est le seul moment où les profs "spécialistes" se rencontrent...
Par internet... pour les mutations où rien ne se perds rien ne se crée, mais pour les affectations c'est à la limite d'être cheap !
Qu'ils fassent cela en plusieurs séances alors, Adapt, champs 02-03 et spécialistes.
Ce n'est pas pour rien que je vise le privé...
Delphine, je crois hélas que le privé n'est pas mieux... je connais un prof qui avait 15 ans d'ancienneté dans un collège privé. Il a fait grandir le département, gagné plusieurs prix avec ses élèves et du jour au lendemain, le collège a fait des compressions budgétaires et a choisi de fermer le département de musique et vendre les instruments. Plus rien. Il s'est retrouvé sur les listes de suppléances, par la suite à contrat et a du remonter tous les échelons comme s'il venait de terminer son bac.
Je connais une école où les profs en avaient marre de leur enseignante en musique. Du jour au lendemain, ils choisissent que plutôt que de faire spécialiste musique et titulaire en arts plastiques, ils vont faire spécialiste en arts et titulaire en art dramatique. Leur face est tombée lors de l'assemblée générale lorsque la prof que l'on tentait de sortir leur a dit qu'ils étaient pas mal gentils puisque c'Était son 2e art et qu'elle avait la qualification légale pour l'enseigner ! Bien fait pour eux hihihi !
PMT: tu fais confiance, toi, à l'informatique pour s'inscrire comme ça? Qui va vérifier qu'il n'y ait pas de petite passe-passe?
Marie-Claude : J'suis pas certain que je resterais à sa place. J'n'ai pas nécessairement besoin de mon calin chaque matin en arrivant à la job, mais de savoir que la majorité préfèrerait que je n'y sois pas, à la longue, ce n'est pas sain. Pas avec le genre de travail que nous faisons.
Par contre, je connais des profs que ça ne dérange pas. Ils emmerdent tout le monde, mais croient que c'est légitime... Quand tu n'aimes pas nécessairement les élèves, les profs, la direction, etc, ça donne quoi de rester?
Prof Masqué : On a accès aux listes d'ancienneté et aux résultats de l,affichage ( à ce qu'il parait... pour l'instant, c'est un peu le néant sur le site...)
Pourquoi ai-je toujours l'impression que le monde de l'éducation est le royaume de l'illogisme et de l'absurde, pourquoi est-ce un train plus marquant de ce domaine de l'activité humaine que d'un autre? Il y a des absurdités ailleurs, mais il me semble jamais autant... alors que ce devrait être le domaine où chacun devrait faire preuve du plus de rigueur et d'engagement...
Consolons-nous, ce soir, à Space Musik, Alexandre Tharaud en entrevue (et en musique) avec Mario Paquet... profitons-en avant qu'Espace Musique ne remplace les plages de musique classique par du "multigenre" (leur nouveau concept, ils y croient beaucoup... une toune, du jazz, du classique, du world et des animations "funny").
Pimpette : une toune, du jazz, du classique, du world et des animations "funny").
C'est la meilleure description jusqu'à maintenant!
Pour ce qui est du fonctionnement en éducation, c'est très simple.
Premièrement, on ne respecte pas les enseignants, tout comme les infirmières. Pourquoi? Genre et nombre.
Secundo : Les gens qui mènent en éducation sont des élus. Je ne remets pas en doute le bon vouloir des commissaires, loin de là. Je crois seulement que trop d'entre eux ne sont pas des spécialistes de l'éducation et qu'ils utilisent les commissions scolaire comme tremplin pour entrer en politique.
Mais attention, il ne faut pas généraliser... la plupart ont des formations en éducation ou une expérience pertinente comme direction d'école ou un truc du genre. On n a qu'à penser à ... heu... Ça m'échappe pour l'instant, mais je sais qu'il y en a!
PMT: moi aussi, je cherche.. Attends, il y a.... Comment il s'appelle déjà...
Ah oui! Lui, là... chose... Ah non! Il n'est pas un élu... Mais y a... heu...
Ah oui, je vois qui vous voulez dire, mais euh, c'est pas celui qui a pas été élu finalement ou non, plutôt, qui a abandonné la course... hmmm à moins que ce soit l'autre...
Oui, mais bon, pas juste dans les écoles, l'absurdité et l'illogisme, pas juste dans les commissions scolaires (quoique...), mais aussi au ministère, mais aussi dans les fac d'éducation, mais aussi dans d'autres pays qui ont des systèmes différents du nôtre (en France et en Angleterre, il semble y avoir eu un tas de décisions assez déconcertantes merci). Et toujours, dans ces cas, une tapée d'élèves qui subissent les conséquences ... et ça semble ne révolter pas tant de monde que ça.
Serait-ce que, contrairement à ce qu'on pense, notre conception de l'enfant n'a pas tant changé depuis le milieu du 18e siècle et que malgré l'Émile de Rousseau, on voit l'enfant comme un "homme en petit" (et non un être sensible à part entière), une chose qu'on peut balotter sans trop de conséquences, parce que c'est fort, ces p,tites bêtes-là pis "y ça souviendra pas le jour de ses noces".
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